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Etude de faisabilité technique de la création d’une zone de réduction des émissions des navires en Méditerranée (ECAMED)

  • Réf. : 2019_03_a5
  • Publié le: 21 mars 2019
  • Date de mise à jour: 4 juin 2019
  • France
  • International

Le Citepa a participé à la réalisation d’une étude de faisabilité technique de la mise en place d’une zone de réduction des émissions de NOx et/ou de SOx des navires (Emissions Control Area ou ECA – voir encadré ci-dessous) en Méditerranée. Cette zone géographique a été choisie puisque le trafic maritime y est important et que les pays riverains présentent une densité de population forte et en hausse. Les enjeux de santé et d’environnement y sont donc importants.

Les zones de réduction des émissions (ECA)

L’annexe VI de la Convention MARPOL [Convention internationale pour la prévention de la pollution des navires 73/78, adoptée en 1997 sous l’égide de l’Organisation Maritime Internationale (OMI)] établit notamment des limites pour les émissions de SOx et de NOx provenant des gaz d’échappement des navires. Cette annexe VI a été révisée en 2008 [par des amendements adoptés par le Comité de protection du milieu marin (MEPC), organe technique de l’OMI, lors de sa 58e session en 2008(1)] et est entrée en vigueur le 1er juillet 2010. Elle a introduit une réduction par palier de la teneur en soufre maximale mondiale, pour le combustible à usage maritime, de 4,5% à 3,5% depuis le 1erjanvier 2012, pour atteindre progressivement 0,5% au 1er janvier 2020.

Par ailleurs, l’annexe VI prévoit la création de zones spéciales de contrôle des émissions (zones ECA [Emissions Control Areas]) où la surveillance des émissions de SOx et de NOx doit être plus rigoureuse et où des normes d’émission plus sévères sont imposées aux navires. Dans ces zones, la teneur en soufre du combustible utilisé par les navires ne devait pas dépasser 1% en masse (10 000 ppm) entre le 1er janvier 2010 [1,5% avant la révision de l’annexe VI en 2008] et le 31 décembre 2014. La valeur de 1% a été ramenée à 0,1% au 1er janvier 2015.

A défaut, les navires doivent s’équiper d’un dispositif de traitement des gaz d’échappement ou utiliser toute autre technique pour limiter les émissions de SOx.

Quant aux NOx, dans les zones ECA, les navires neufs (ou remotorisés à neuf) doivent passer à la norme de motorisation Tier III[réduction de 80% des émissions de NOx par rapport au niveau de référence de 2000].

A ce jour, quatre zones ECA [SOx et NOx] ont été désignées :

– la mer Baltique,

– la mer du Nord (dont la Manche),

– l’Amérique du Nord,

– la mer Caraïbe.

Par ailleurs, une stratégie régionale pour la prévention et la lutte contre la pollution maritime provenant des navires, adoptée par les pays méditerranéens [en février 2016 par la 19e réunion des Parties à la Convention de Barcelone sur la protection du littoral et de la Méditerranée] prévoyait notamment la possibilité de faire reconnaître la mer Méditerranée en tout ou partie comme une ECA (voir stratégie, section 4.15, p.302).

L’étude, appelée ECAMED; a été réalisée par un consortium coordonné par l’Ineris [Institut national de l’environnement industriel et des risques] en association avec le Citepa, le Cerema [Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement] et le Plan Bleu, avec le soutien financier du MTES.

Emissions de polluants du transport maritime en France

Part du transport maritime domestique dans les émissions totales de quelques polluants en France
metropolitaine en 2016

(Source : Citepa, format CEE-NU, mars 2018).   *

Au niveau local, par exemple, à Marseille, les émissions de polluants atmosphériques liées au transport maritime représentent 20% des émissions de NOx, 70% des émissions de SOx et 2% des émissions primaires de PM10.

(Source : MTES, 18/01/2019)

Objectifs et méthodologie

L’objectif de l’étude était d’évaluer, sur la base de modélisations, le coût pour les armateurs et les bénéfices pour la santé dans l’ensemble des pays méditerranéens induits par des stratégies de réduction des émissions, dont la mise en œuvre d’une ECA en mer Méditerranée.

Le Citepa, en charge des calculs des émissions, a ainsi élaboré trois scénarios de réduction à partir d’un inventaire de référence des émissions du transport maritime pour les années 2015-2016 (appelé REF_1516), qui est représentatif de la situation actuelle :

  • réduction supplémentaire de la teneur en soufre dans les carburants utilisés de 0,5% à 0,1 %. Cela permettra de réduire les émissions de SOx et de particules des navires. C’est la définition du scénario SECA,
  • réduction des émissions de NOx en équipant une certaine quantité (50% ou 100%) de moteurs avec la technologie SCR [réduction catalytique sélective] ou d’autres techniques (pour se conformer à la norme TIER III [obligatoire dans une zone de contrôle des émissions de NOx voir 1er encadré plus haut]). C’est le scénario NECA,
  • la combinaison des deux donne le scénario dénommé SECA-NECA (ou ECA).

Ces hypothèses ont été appliquées aux données d’activités établies pour les années 2015-2016. Aucune projection concernant l’activité future du trafic, le contenu de la flotte ou les taux de renouvellement des moteurs n’a été établie et utilisée. Par conséquent, l’impact net des stratégies de réduction des émissions sur la pollution atmosphérique et ses effets néfastes sont évalués dans cette analyse coûts-bénéfices, en ne prenant pas en compte l’influence de l’évolution future de l’activité de transport maritime. Selon le MTES, en tout état de cause, les analystes tablent plutôt sur une augmentation de trafic. On peut donc faire l’hypothèse que l’étude a tendance à minorer l’impact de la zone SECA-NECA.

Le Citepa a également réalisé les calculs de coûts associés à ces scénarios de réduction.

En s’appuyant sur le modèle de la qualité de l’air CHIMERE, l’Ineris a simulé l’impact de ces scénarios de réduction des émissions sur la qualité de l’air (c’est-à-dire les concentrations de polluants dans l’air ambiant) des pays riverains de la Méditerranée, et donc sur la santé publique.

Résultats

Le MTES a présenté le 18 janvier 2019 à Marseille les résultats de cette étude. Elle montre que les bénéfices supplémentaires de la mise en œuvre d’une SECA-NECA en Méditerranée sont significatifs, tant en termes de réduction des émissions, qu’en termes d’amélioration de la qualité de l’air et de la santé. Selon le MTES, ces résultats encourageants peuvent s’expliquer par plusieurs raisons :

  • réduction supplémentaire de l’exposition aux PM2,5 due non seulement à la réduction des émissions de SOx, mais également à la réduction des émissions de NOx, car les NOx sont aussi précurseurs de la formation de particules,
  • bénéfices supplémentaires liés à une réduction de l’exposition au NO2 et à l’ozone.

Ces résultats soulignent le besoin essentiel de développer des stratégies combinées SECA et NECA afin de maximiser les bénéfices possibles pour la santé.

Emissions : le Citepa a calculé les réductions des émissions de polluants avec l’abaissement de la norme de la teneur en soufre à 0,5% en 2020 et a simulé la réduction des émissions avec la mise en œuvre du scénario SECA (voir tableau ci-après).

Projections de réductions des émissions par scénario
par rapport au scénario de référence (REF_1516)


La mise en œuvre du scénario NECA (par rapport au scénario REF_1516) conduirait à une réduction des émissions de NOx :

  • de 38% lorsque 50% des navires respecteront la norme Tier III,
  • de 77% lorsque ce pourcentage atteindra 100%.

Qualité de l’air : l’étude montre une amélioration globale à l’échelle des villes, grâce à des effets significatifs sur certains polluants, comme le NO2 et les PM10. Par exemple, les résultats font ressortir une réduction importante des concentrations de NO2, si tous les navires respectent la norme Tier III en 2020, par rapport au scénario de référence en 2020 :

Marseille

-5,5 µg/m3

Ajaccio

-4,8 µg/m3

Nice

-8 µg/m3

Gênes

-19,2 µg/m3

Toulon

-5 µg/m3

Barcelone

-12,3 µg/m3

Bastia

-3,4 µg/m3

 

 

Conclusions

L’étude ECAMED montrent que la mise en place d’une ECA conduirait à des bénéfices pour la santé au moins trois fois plus élevés que les coûts. Concrètement, elle met en exergue un gain sanitaire monétarisé de 8,1 [hypothèse basse] à 14 [hypothèse haute] milliards d’euros par an en 2020 pour toute la Méditerranée, soit un doublement par rapport au scénario de référence en 2020. Enfin, près de 1 730 morts prématurées seraient évitées chaque année dans les villes portuaires du bassin méditerranéen.

Prochaines étapes

Cette étude de faisabilité est une étape obligatoire pour porter le dossier de demande de création de l’ECA auprès de l’OMI. L’objectif pour la France est de formuler, à l’horizon 2020, une proposition commune en ce sens avec les pays méditerranéens auprès de l’OMI :

  • 2019 : travaux préparatoires à l’international,
  • 2020 : objectif de dépôt du dossier à l’OMI,
  • 2021 : objectif d’adoption de la mesure par le MEPC,
  • 2022 : objectif d’entrée en vigueur.

Lectures essentielles

Contact Citepa : Jean-Marc André.     

 (1)Voir ED n°169 p.III.11.

 

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