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Loi sur l’accélération du nucléaire : fin de l’objectif de limiter la part de nucléaire en 2035

  • Réf. : 2023_07_a09
  • Publié le: 21 juillet 2023
  • Date de mise à jour: 21 juillet 2023
  • France

Les quatre grands axes de la stratégie énergétique française présentés par Président de la République à Belfort le 10 février 2022 (lire notre article) sont les suivants : sobriété énergétique ; efficacité énergétique ; développement des énergies renouvelables et relance de la filière nucléaire. Sur le volet sobriété, un plan de sobriété s’est décliné en 2022 et 2023 (lire notre article). Sur le volet de développement des EnR, une loi d’accélération a été promulguée le 10 mars 2023 (lire notre article). Sur le volet de la relance du nucléaire, une autre loi vient d’être promulguée le 22 juin 2023 : tour d’horizon des principales mesures.

 

Publiée au Journal Officiel le 23 juin 2023, la loi dite « accélération du nucléaire » (loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes), facilite les procédures administratives pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs de type EPR2 (réacteur pressurisé européen), prévus sur des sites nucléaires existants. Plusieurs mesures traitent aussi de la planification énergétique ou de la prolongation des vieilles centrales. Surtout, la loi supprime l’objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2035.

Après avoir été présenté en Conseil des Ministres le 2 novembre 2022, le projet de loi avait été déposé au Parlement le 2 novembre 2022, examiné puis adopté définitivement le 16 mai 2023. Ayant été validée par le Conseil constitutionnel le 21 juin 2023, la loi a ainsi été promulguée le 23 juin 2023.

 

L’ambition de relance du nucléaire dans le Discours de Belfort

Le 10 février 2022, dans le cadre du plan d’investissement « France 2030 » annoncé en octobre 2021 (lire notre article), le Président de la République a détaillé, lors d’une visite à Belfort, les grandes orientations qu’il souhaitait donner à la politique énergétique de la France. Le Président proposait ainsi :

  • le développement massif des énergies renouvelables, en particulier le solaire et l’éolien, via un investissement d’un milliard d’euros dans le cadre de France 2030 pour l’innovation dans ce domaine ;
  • le prolongement de la durée de vie de tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être, au-delà de 50 ans si possible, contrairement à la décision annoncée en novembre 2018, lors de la présentation de la PPE, de fermer 14 réacteurs d’ici 2035 pour ramener la part du nucléaire à 50% de la production d’électricité à cet horizon ;
  • le lancement d’un grand programme de nouveaux réacteurs nucléaires : construction de six EPR2 (version optimisée, moins coûteuse d’un réacteur nucléaire EPR [réacteur pressurisé européen]), avec mise en service du premier autour de 2035 ; et lancement d’études pour la construction de huit autres ;
  • la création d’une direction de programme interministérielle dédiée au nouveau nucléaire – sous responsabilité du Premier Ministre.

Lire notre article complet sur le discours de Belfort.

 

La loi comprend quatre grands titres :

  • Titre Ier : mesures liées à la production d’électricité à partir d’énergie nucléaire (articles 1 à 6)
  • Titre II : mesures destinées à accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants (articles 7 à 18)
  • Titre III : mesures relatives au fonctionnement des installations nucléaires de base existantes (articles 19 à 22)
  • Titre IV : dispositions diverses (articles 23 à 30)

 

Planification énergétique : suppression de la limitation de la part du nucléaire en 2035

À l’initiative du Sénat, le texte supprime l’objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2035 (art L100-4 – I – 5 du code de l’énergie). En cela, la loi, initialement de portée technique au moment du projet de loi, a pris une dimension politique et stratégique, opérant un changement de cap majeur dans la planification énergétique de la France. L’objectif de réduction de la part du nucléaire de 75% à 50% dans la production d’électricité avait été introduit en 2015 dans la LTECV (loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 n°2015-992 du 17 août 2015), mais initialement pour 2025. La loi dite énergie-climat (loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat), dans son article 1er reportait de 2025 à 2035 l’échéance de cet objectif conformément aux annonces du Gouvernement, d’abord par l’ancien Ministre de la Transition écologique (7 novembre 2017), puis dans le cadre du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de l’époque – lire notre article). En 2021, environ 77% de l’électricité produite en France était d’origine nucléaire d’après EDF. De plus, le plafond de capacité maximale totale, de 63,2 gigawatts, fixé par la LTECV dans l’article L.311-5-5 code de l’énergie, est lui aussi abrogé. Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi (c’est-à-dire le 22 juin 2024), la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) devra faire l’objet d’une révision pour tenir compte de ces dispositions. A noter que dans le cadre de la nouvelle Stratégie Française Energie Climat (SFEC – voir notre article), la révision de la PPE est attendue d’ici 2024.

Une autre disposition introduite par le Sénat dans le projet de loi prévoyait que des objectifs de construction de nouveaux EPR2 et de petits réacteurs modulaires (SMR) soient inscrits dans la prochaine loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC – voir notre article) prévue par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie. De même, les Sénateurs avaient ajouté la modification du code de l’énergie afin de prendre en compte l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs de la politique énergétique nationale et dans la PPE. Ces deux dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel comme étant des « cavaliers législatifs » (dispositions sans lien direct avec le fond du texte initial).

L’article 5 de la loi prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant la publication de la prochaine LPEC, un rapport évaluant les conséquences de la construction de « quatorze réacteurs » sur la filière (EDF, marché de l’électricité, finances publiques…), sur les besoins en termes de formation, sur la sûreté et la sécurité, sur l’amont et l’aval du cycle du combustible, notamment sur l’approvisionnement en uranium, et sur les capacités de construction de réacteurs supplémentaires.

 

Accélération de la construction des réacteurs EPR2

Pour accélérer, à proximité immédiate des centrales nucléaires existantes, les projets de réacteurs EPR2, y compris de SMR, et certains projets d’entreposage de combustibles, les procédures sont simplifiées pour une période temporaire de 20 ans. La loi rend ainsi possible plus rapidement la mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme pour dispenser de permis de construire la création des nouveaux réacteurs nucléaires (la conformité aux règles d’urbanisme restant contrôlée par l’Etat dans le cadre de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur). Elle dispense ces constructions de l’application de la « loi Littoral », s’ils sont installés proches ou dans le périmètre de la centrale nucléaire existante. Elle réduit aussi les délais d’instruction des travaux pour les parties non-nucléaires. Dans le même objectif de réduction de délais, la loi confère à la création de ces réacteurs nucléaires une présomption de raison impérative d’intérêt public majeur, sous certaines conditions (comme la loi sur les renouvelables (lire notre article) l’a faite pour certains projets d’énergies renouvelables. En revanche, l’exemption des réacteurs nucléaires du décompte de l’objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN) pour les collectivités locales, disposition introduite par les parlementaires, a été jugée non-conforme par le Conseil constitutionnel.

 

Prolonger les installations nucléaires actuelles

Le texte simplifie la procédure de réexamen périodique des réacteurs de plus de 35 ans, renforce la participation du public et ajoute une obligation, pour l’exploitant, de remettre un rapport quinquennal sur la sûreté nucléaire. La loi remplace l’automaticité de l’arrêt de toute installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans par une procédure faisant intervenir un décret de fermeture. A la demande des députés, un rapport sur le prolongement de l’exploitation des centrales de plus de 50 ou de 60 ans doit être remis par le gouvernement avant fin 2026. Le Conseil de politique nucléaire avait validé en février 2023 le lancement d’études préparatoires sur ce sujet.

 

Sûreté et sécurité nucléaires

Plusieurs dispositions ont été adoptées pour améliorer la sûreté et la sécurité nucléaires. Les rapports de sûreté, élaborés lors de la délivrance de l’autorisation de création et des réexamens des centrales, devront par exemple tenir compte des conséquences du changement climatique. La fusion entre l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), introduite par des amendements du gouvernement, a été rejetée par l’Assemblée.

 

 

Annonces du Conseil de Politique Nucléaire

Le Président de la République a tenu le mercredi 19 juillet un Conseil de politique nucléaire (CPN), qui a pour fonction de définir et de mettre en œuvre les grandes orientations de la politique nucléaire française. Ce CPN a décidé d’un « renforcement significatif de la gouvernance du nucléaire » :

  • Renforcement des moyens du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) ;
  • Volonté de créer une autorité indépendante unique de la sureté nucléaire et de la radioprotection, suite aux conclusions d’un rapport de l’OPECST du 11 juillet 2023. La fusion entre l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), avait été rejetée par l’Assemblée dans l’élaboration de la loi d’accélération du nucléaire. Le CPN a donné mission à la ministre de la transition énergétique d’engager les concertations avec les parties prenantes et les parlementaires en vue de préparer un projet de loi d’ici l’automne ;
  • poursuite des investissements de l’Etat et de la filière pour appuyer la recherche sur la prolongation de la durée de vie du parc existant, sur les EPR2, mais aussi pour les petits réacteurs modulaires (SMR) ;
  • choix du site de Bugey pour l’implantation de la troisième paire de réacteurs EPR2 (après Penly et Gravelines). Les études techniques et les analyses se poursuivront sur le site de Tricastin, autre site initialement envisagé, dans la perspective d’accueillir de futurs réacteurs nucléaires.

 

En savoir plus

Texte de loi

Dossier législatif sur le site vie-publique

Dossier législatif du Sénat

Tableau de bord de la production d’électricité – par type de production – RTE

 

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