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En prenant en compte les engagements climat des NDC-2, les émissions de gaz à effet de serre baisseraient de 2% entre 2019 et 2030, très loin des -43% nécessaires selon le Giec

  • Réf. : 2023_11_a04
  • Publié le: 14 novembre 2023
  • Date de mise à jour: 14 novembre 2023
  • International

Le 14 novembre 2023, le Secrétariat de la CCNUCC a publié une troisième synthèse des contributions déterminées au niveau national (CDN, ou NDC en anglais) soumises par les 195 Parties à l’Accord de Paris (conformément à son article 4 et aux paragraphes 23 et 24 de la décision 1/CP.21). La date limite pour être pris en compte dans cette nouvelle synthèse était le 25 septembre 2023. C’est la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris, à Glasgow, qui avait demandé au Secrétariat de réaliser cette synthèse à une fréquence annuelle dans le cadre du Pacte de Glasgow pour le climat (cf. décision 1/CMA.3, § 30).

L’enjeu de renforcer l’ambition de ces nouvelles NDC est fort car les premières NDC étaient insuffisantes pour parvenir aux objectifs de +2°C et de +1,5°C. Ces NDC fixent notamment les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des Parties pour 2025-2030 et ont été soumises au titre de l’Accord de Paris (article 4). Ces engagements sont inconditionnels (prévus quoi qu’il arrive) et/ou, dans le cas de nombreux pays en développement, conditionnels (c’est-à-dire conditionnés à un soutien des pays industrialisés sous forme de financement, de renforcement des capacités et/ou de transfert de technologies), sans pour autant être contraignants (cf. article 4 de l’Accord de Paris).

Cette nouvelle synthèse est une mise à jour d’un 2e rapport de synthèse des NDC-2 soumises avant le 23 septembre 2022, publié le 26 octobre 2022 (lire notre brève). Le premier rapport de synthèse, couvrant les NDC soumises avant fin 2020, avait été publiée le 26 février 2021 (lire notre article).

Ce 3e rapport synthétise les informations contenues dans 168 NDC couvrant au total les 195 Parties à l’Accord de Paris (puisque l’UE a soumis une unique NDC couvrant l’ensemble des 27 Etats membres). Parmi ces 168 NDC figurent :

  • 153 NDC mises à jour ou NDC nouvelles (couvrant 180 Parties dont les 27 Etats membres de l’UE),
  • 15 NDC-1 soumises par des Parties qui n’ont pas remis une NDC-2.

 

Au total, 20 Parties ont soumis une NDC mise à jour ou nouvelle depuis le 23 septembre 2022, c’est-à-dire la date limite de prise en compte des NDC pour le 2e rapport de synthèse publié le 26 octobre 2022.

Ensemble, ces 168 NDC analysées couvrent 94,9% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) en 2019.

 

Méthodologie

Pour synthétiser les informations pertinentes des différentes NDC, le Secrétariat de la CCNUCC s’est appuyé sur les lignes directrices supplémentaires pour les informations visant à faciliter la clarté, la transparence et la compréhension des NDC, établies dans la décision 4/CMA-1 (et son annexe I) adoptées par la CMA-1 lors de la COP-24 à Katowice (novembre 2018). A noter que le rapport de synthèse ne cite aucune Partie, préférant rester très général (« la plupart des Parties », « beaucoup de Parties », etc.). Les chiffres cités ci-dessous sont tous exprimés hors UTCATF.

 

Rapportage des différentes informations

  • 94% des Parties ont communiqué des objectifs de réduction quantifiés (chiffrés),
  • 80% des Parties ont communiqué des objectifs de réduction couvrant la totalité ou la quasi-totalité des secteurs définis dans les lignes directrices 2006 du Giec,
  • en ce qui concerne les différents GES, toutes les NDC visent les émissions de CO2, 91% le CH4, 89% le N2O, 54% les HFC, 36% les PFC et le SF6, et 26% le NF3,
  • 93% des Parties ont défini une période de mise en œuvre de leur NDC allant jusqu’en 2030, alors que 7% d’entre elles ont défini une période allant jusqu’en 2025, en 2035, 2040 ou en 2050 ;
  • 96% des Parties ont fourni des informations quantifiées sur leurs objectifs de réduction et années de référence (éléments de contexte, base de définition de leurs objectifs,…).

 

 

Que retenir de cette synthèse ?

Projections 2025 et 2030 : vers un pic des émissions ?

Le nouveau rapport montre que, selon les projections du Secrétariat de la CCNUCC, le niveau d’émissions totales de GES, sur la base de la mise en œuvre des dernières NDC de toutes les Parties à l’Accord de Paris (soit les 168 NDC mises à jour ou non – voir plus haut), passerait de 52,6 Gt CO2e en 2019 à 53,2 Gt CO2e en 2025, pour être ramené ensuite à 51,6 Gt CO2e en 2030.

 

Le niveau projeté en 2025 (53,2 Gt CO2e) est :

  • de 55,2% supérieur au niveau de 1990 [34,3 GtCO2e],
  • de 12,2% supérieur au niveau de 2010 [47,4 GtCO2e],
  • de 1,0% supérieur au niveau de 2019 [52,6 GtCO2e].

 

Le niveau projeté en 2030 (51,6 Gt CO2e) est :

  • de 50,5% supérieur au niveau de 1990 [34,3 GtCO2e],
  • de 8,8% supérieur au niveau de 2010 [47,4 GtCO2e],
  • de 2,0% inférieur au niveau de 2019 [52,6 GtCO2e],
  • de 3,1% inférieur au niveau estimé pour 2025 [53,2 Gt CO2e], ce qui, selon le Secrétariat de la CCNUCC, indiquerait la possibilité qu’un pic des émissions mondiales de GES soit atteint avant 2030. Selon le Giec (3evolume de l’AR6, SPM, § C.1), les émissions mondiales de GES doivent atteindre un pic entre 2020 et 2025 pour limiter le réchauffement à +1,5°C.

 

En outre, sur la base de la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des 168 NDC (dont leurs éléments conditionnels), la CCNUCC estime que le niveau d’émissions projeté en 2030 impliquerait une plus forte possibilité d’atteindre un pic des émissions mondiales de GES avant 2030 que dans les premier et deuxième rapports de synthèse. Cependant, souligne la CCNUCC, pour atteindre ce pic d’émissions, il faut mettre en œuvre les éléments conditionnels des NDC, ce qui est essentiellement tributaire de l’accès des pays en développement à un accroissement du soutien financier, du transfert de technologies, de la coopération technique, du renforcement des capacités, de la disponibilité des mécanismes fondés sur le marché et de la capacité d’absorption des forêts et d’autres écosystèmes.

 

Si beaucoup de pays couverts ont accru leurs niveaux individuels d’ambition pour réduire les émissions de GES, les efforts collectifs de l’ensemble des 195 Parties à l’Accord de Paris conduiraient donc à une légère réduction d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019 (-2,0%) et ce, à supposer que les engagements actuels – qui sont non contraignants – soient intégralement respectés, ce qui est loin d’être acquis à ce stade. Il faut combler l’écart entre l’ambition et l’action (la mise en œuvre concrète des engagements inscrits dans les NDC).

Or, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), a souligné dans le rapport de synthèse des trois volumes de son 6e rapport d’évaluation publié le 20 mars 2023 (lire notre brève), que pour respecter l’objectif de +1,5°C d’ici 2100, il faut réaliser une réduction collective des émissions de GES, non pas de 2,0%, mais de 43% en 2030 (par rapport aux niveaux de 2019). Pour respecter l’objectif de +2°C, d’ici 2100, la réduction collective des émissions de GES doit être de -21% en 2030 (base 2019).

 

Selon le Secrétaire exécutif de la CCNUCC, Simon Stiell, « Pris ensemble, les Gouvernements avancent à pas de bébé pour prévenir la crise climatique » (source : communiqué de la CCNUCC, 14 novembre 2023). Ainsi, les projections de réductions de GES estimées pour 2030 sur la base des 168 NDC prises en compte sont très loin du niveau de réduction nécessaire, ce qui implique un besoin urgent d’accroître de façon significative le niveau d’ambition des NDC d’ici 2030 pour inverser la trajectoire d’émissions afin de parvenir aux niveaux d’émission de GES préconisés par le Giec. Si les émissions de GES ne sont pas réduites avant 2030, la réduction post-2030 devra être beaucoup plus forte et plus rapide (et son coût sera plus important).

 

 

Quid du budget carbone ?

Dans le cadre d’un budget carbone compatible avec un réchauffement limité à +1,5°C (avec une probabilité de 50%), les émissions cumulées de CO2 sur la période 2020-2030, basées sur l’ensemble des 168 NDC, consommeraient jusqu’à 87% du budget carbone restant (500 Gt CO2 depuis 2020 [source : Giec, AR6, vol.3 Atténuation, résumé pour décideurs, section B.1.3 – lire notre dossier de fond]). Il demeurerait ainsi un budget carbone restant post-2030 d’environ 70 Gt CO2, soit l’équivalent d’environ deux ans du niveau total projeté d’émissions de CO2 en 2030.

 

De même, pour un budget carbone compatible avec un réchauffement de +2°C (avec une probabilité de 50%), les émissions cumulées de CO2 sur la période 2020-2030, basées sur l’ensemble des 168 NDC, consommeraient environ 38% du budget carbone restant (1 100 Gt CO2 depuis 2020 [source : Giec, AR6, vol.3 Atténuation, résumé pour décideurs, section B.1.3 – lire notre dossier de fond]).

 

 

Et le réchauffement ?

Sur la base de la mise en œuvre des NDC jusqu’en 2030, les projections des températures moyennes mondiales présentent d’importantes incertitudes et ce, en raison :

  • de la fourchette d’estimation des niveaux d’émission de GES pour 2030 qui résulteraient de la mise en œuvre des NDC (y compris concernant la question de savoir si les éléments conditionnels seront mis en œuvre ou non),
  • de la fourchette d’estimation de l’évolution des émissions de GES au-delà de 2030, et
  • des incertitudes inhérentes au système climatique mondial.

 

Selon le rapport, les engagements climat combinés des 195 Parties à l’Accord de Paris pourraient mettre le monde sur la voie d’un réchauffement d’ici la fin du 21e siècle compris entre +2,1°C t +2,8°C en fonction des hypothèses sous-jacentes (il s’agit de la meilleure estimation possible, étant donné ces diverses hypothèses, d’après la CCNUCC).

 

En savoir plus

Communiqué de la CCNUCC

Synthèse

Liste des NDC soumises (registre public)

Voir aussi l’outil de suivi NDC Tracker du World Resources Institute (WRI).

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