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COP-28 : malgré un premier pas vers la sortie des combustibles fossiles et l’adoption des règles sur le fonds pertes et préjudices, le bilan global de Dubaï est mitigé

  • Réf. : 2024_01_a03
  • Publié le: 14 février 2024
  • Date de mise à jour: 21 février 2024
  • International

Après deux semaines d’intenses négociations, que retenir de la COP-28 ? Que contient l’accord final ? Comment le sujet des combustibles fossiles a-t-il été traité ? Quelles perspectives en vue de la COP-29 ? Pour y voir plus clair, le Citepa, après avoir suivi les avancées des négociations jour après jour (lire notre journal de la COP-28), vous propose cet article de synthèse sur les résultats de la Conférence de Dubaï.

 

Plan de l’article

– Déroulement de la Conférence de Dubaï

– Enjeux

– Vue d’ensemble des résultats – vue d’ensemble

– Résultats des négociations formelles par décision clé

– Que retenir des annonces en dehors des négociations formelles

– Bilan et prochaines étapes

 

Rappel de l’articulation des différents organes de la CCNUCC

Les organes subsidiaires SBSTA et SBI sont des organes techniques mis à disposition de la COP, de la CMP et de la CMA.

 

Déroulement de la Conférence de Dubaï

Du 30 novembre au – 12 décembre 2023 ont eu lieu à Dubaï cinq sessions de négociation en parallèle, la COP-28 n’étant qu’une session parmi elle. Néanmoins, il est d’usage de désigner l’ensemble de la Conférence Climat sous le nom de COP. Les cinq sessions formelles, au sein de la CCNUCC, sont les suivantes :

30 nov. – 6 déc. 2023 : 59èmes sessions des deux organes subsidiaires de la CCNUCC 

  • mise en œuvre (SBI-59)
  • conseil scientifique et technologique (SBSTA-59)

30 nov. – 12 déc. 2023 : sessions des trois organes de prise de décision formelle :

  • 28e Conférence des Parties à la Convention Climat (COP-28)
  • 5e Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-5)
  • 18e Réunion des Parties au Protocole de Kyoto (CMP-18).

 

Par ailleurs, des évènements mandatés ont eu lieu. Ce sont des réunions et ateliers mandatés par une décision de la COP-27 et/ou de la CMA-4.

 

Le premier jour de la COP-28, le 30 novembre, a marqué la fin de la Présidence égyptienne de la COP et le début de la Présidence émirati de la COP.

En plus de ces sessions principales, des journées thématiques ont été organisées par la Présidence en complément :

  • 3 déc. : santé – c’est la première fois qu’une COP consacre une journée à ce sujet (dont une réunion ministérielle climat-santé)
  • 4 déc. : financement, échanges commerciaux, redevabilité (accountability)
  • 5 déc. : énergie et industrie ; transition juste ; peuples indigènes
  • 6 déc. : action à multiples niveaux ; urbanisation et environnement bâti ; transports
  • 8 déc. : jeunesse, enfants, éducation et compétences
  • 9 déc. : nature ; utilisation des sols ; océans
  • 10 déc. : produits alimentaires ; agriculture ; eau

 

En parallèle de ces négociations officielles, tenues dans le cadre de la CCNUCC, d’autres évènements informels se sont tenus, et en particulier :

 

Pour en savoir plus sur le déroulement de la COP-28, voir le site web de la COP-28 (sur le site de la CCNUCC) et le site web de la Présidence émirati.

 

Enjeux

Pour une vision détaillée des enjeux de la COP-28, lire notre article. Pour = le bilan de la COP-27, lire notre dossier de fond.

La COP-28 était une COP à forts enjeux, étant à mi-chemin entre la COP-21 et l’échéance de 2030. Parmi les enjeux principaux, citons :

  1. la phase politique du bilan mondial (Global Stocktake ou GST – art. 14 de l’Accord de Paris). Il est prévu dans l’Accord de Paris qu’un bilan de la mise en œuvre (ou non) de l’Accord de Paris ait lieu tous les cinq ans, à partir de 2023. Pour la première fois depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, le GST consiste à dresse un bilan de sa mise en œuvre afin d’évaluer les progrès collectifs, et non ceux des pays individuels, vers la réalisation de ses objectifs à long terme (articles 2 et 4). Il porte sur trois thématiques : atténuation, adaptation + moyens de mise en œuvre (financement, transfert de technologies et renforcement des capacités). Le GST vise avant tout à éclairer la prochaine série de contributions nationales (NDC) que doivent soumettre les Parties à l’Accord de Paris en 2025, et à dégager des pistes d’actions pour « rectifier le tir » afin de rendre la trajectoire d’émissions de GES d’ici 2030 et au-delà compatible avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C. La phase technique de ce premier GST s’est déroulée de 2021 à 2023. C’est maintenant la phase politique qui devait avoir lieu fin 2023 à Dubaï : très attendue, centrée sur l’examen, par les Parties, des résultats de l’évaluation technique et de ses conséquences en vue d’éclairer le renforcement de la prochaine série des NDC. L’enjeu en amont de la COP-28 était qu’une décision soit adoptée à la CMA pour finaliser le premier GST.
  2. les pertes et préjudices (« réparations climatiques », Loss and damage ou L&D – art. 8 de l’Accord de Paris). C’est un sujet très clivant entre pays du Nord et pays du Sud, qui constitue le troisième volet de l’action climat, après l’atténuation et l’adaptation. Il s’agit des pertes et dommages irréversibles induits par le changement climatique qui dépassent les capacités des sociétés et des écosystèmes à s’y adapter. Ce sont également les impacts socio-économiques qui en résultent. L’enjeu en amont de la COP-28 était d’adopter une décision fixant les règles pour opérationnaliser le nouveau fonds spécifique, dont le principe avait été acté lors de la COP-27 (nov. 2022)
  3. l’adaptation (art. 7 de l’Accord de Paris). Cet enjeu recouvre deux problématiques principales : (a) concrétiser l’objectif mondial d’adaptation. L’article 7 de l’Accord de Paris prévoit la fixation d’un objectif consistant à renforcer les capacités d’adaptation, à accroître la résilience aux changements climatiques et à réduire la vulnérabilité à ces changements. Jusqu’à la COP-26 (2021, Glasgow), peu de progrès avaient été réalisés sur ce dossier malgré les demandes des pays en développement, les premiers pays concernés par l’adaptation. A Glasgow, le programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh de 2 ans avait été mis en place pour concrétiser cet objectif mondial (les finalités et les modalités). La décision 3/CMA.4 adoptée à Charm el-Cheikh a chargé les Parties d’adopter un cadre à Dubaï dans le contexte de ce programme de travail pour faire avancer la concrétisation de l’objectif. L’enjeu était avancer sur la définition de l’objectif mondial d’adaptation, en concrétisant le cadre (framework) en cours d’élaboration au sein du programme de travail. (b) financement de l’adaptation. En novembre 2021, le Pacte de Glasgow pour le climat avait fixé l’objectif de doubler d’ici 2025 le soutien financier à l’adaptation de 2019 (20,3 Md$ – lire notre article) pour atteindre environ 40,6 Md$ par an d’ici à 2025 (décision 1/CMA.318, adoptée lors de la CMA-3). En amont de la COP-28, l’enjeu était double : d’une part établir un plan pour clarifier comment les pays industrialisés comptent concrétiser la mise en œuvre de l’objectif ; et, d’autre part, obtenir des pays industrialisés de nouveaux engagements concrets en matière de financement de l’adaptation pour contribuer à la réalisation de cet objectif.
  4. l’atténuation (réduction des émissions et accroissement de l’absorption – art. 4 de l’Accord de Paris). Sur ce sujet, les enjeux en amont de la COP-28 étaient, là-aussi, nombreux. Premièrement, il fallait renforcer l’ambition collective et individuelle (Etats), surtout dans la perspective de 2025, échéance pour les Parties de soumettre leur prochaine NDC. Deuxièmement, il s’agissait de renforcer et accélérer la mise en œuvre d’actions et de mesures de réduction ambitieuses pour combler l’écart entre la science et les efforts réalisés par les Parties. Troisièmement, l’enjeu était de dessiner une trajectoire de sortie des énergies fossiles, en clarifiant l’ambition des Parties pour une sortie juste et équitable des énergies fossiles : élimination progressive (« phase out ») ou bien réduction progressive (« phase down ») de leur production/consommation, avec ou sans captage et stockage du CO2 (« unabated »), assortie ou non d’une échéance précise.
  5. le financement, par les pays industrialisés, des actions climat dans les pays en développement (art. 9 de l’Accord de Paris). Sur cette question, l’enjeu était d’une part de combler l’écart entre l’objectif des 100 M$/an en 2020 et le montant fourni en 2021 (89,6 Md$) pour rétablir la confiance entre pays du Sud et pays du Nord, véritable clé pour faire avancer les négociations sur les autres sujets problématiques (atténuation en tête). D’autre part, l’enjeu était aussi d’avancer sur la définition du nouvel objectif collectif chiffré post-2025, en vue de le fixer formellement à la CMA-6 en 2024 (échéance prévue par la décision 1/CP.21 § 53). Ces discussions avaient été lancées à Glasgow en 2021 lors de la CMA-3.

 

 

Vue d’ensemble des résultats

Participants

La COP-28 a connu un nombre record de participants : 100 446 inscrits, dont 97 372 en présentiel (les délégations nationales/équipes de négociation ont constitué le plus grand groupe avec 51 695 représentants, suivi des ONG (14 338 représentants) et des journalistes (3 972)). 3 074 personnes étaient inscrites à distance.

Ce nombre de participants d’ONG est le plus important dans l’histoire des COP (le 2e plus important – 12 048 participants – a été observé lors de la COP-15 à Copenhague en 2009). Le nombre de journalistes inscrits à la COP-28 (3 972) dépasse le nombre record observé jusque-là, en 1997 lors de la COP-3, Kyoto (3 712).

Dubaï est donc de très loin la COP ayant eu le plus grand nombre de participants, avec plus du double du nombre de participants à la COP-27 qui, jusque-là, avait accueilli le nombre record de participants à une COP (49 703). Viennent ensuite en 3e place la COP-26 à Glasgow (38 457 participants), puis en 4e place la COP-21 avec 30 372 participants (Paris, 2015) et en 5e place la COP-15 avec 27 301 participants (Copenhague, 2009).

La délégation la plus importante à la COP-28 était sans surprise celle des Émirats arabes unis, qui ont inscrit 4 409 délégués, devant la 2e plus grande délégation, celle du Brésil (3 081), puis la Chine et le Nigeria ex aequo avec 1 411 participants inscrits. Viennent ensuite l’Indonésie (1 229), le Japon (1 067) et la Turquie (1 045).

Le nombre record de représentants du secteur des combustibles fossiles a été souligné. Une analyse de l’ONG Global Witness publiée le 4 décembre 2023 fait état du nombre de représentants du secteur de la production des combustibles fossiles s’étant inscrit à la COP-28 et ce, sur la base de la liste officielle provisoire des participants établie par le Secrétariat de la CCNUCC – au moins 2 456 représentants (lobbyistes ou non), soit presque quatre fois plus que l’année dernière lors de la COP-27 (636). Si ces 2 456 représentants avaient constitué une délégation, elle aurait été la 3e plus grande après celle des Emirats et celle du Brésil

Nombre de participants par COP (de la COP-1 à la COP-28)

Remarques : nombre total par COP (délégations officielles, observateurs et médias), tel que publié par la CCNUCC. Données COP-1-COP-27 : chiffres définitifs, données pour la COP-28 (barre rouge) : chiffres provisoires.

Source : Carbon Brief, 1er décembre 2023 : « Which countries have sent the most delegates to COP-28 »

 

Durée

Au terme de deux semaines de négociations intenses, la COP-28 s’est achevée le 13 décembre 2023 à 17h11 (heure locale à Dubaï, soit 14h11 heure française), soit « seulement » près de 23 heures après l’heure de clôture officielle,. C’est la 13e COP la plus longue.

Dépassement des COP-1 à 28 au-delà de 18h le jour de leur clôture officielle prévue

Source : Carbon Brief, d’après IISD, 13/12/23

La COP-25 (Madrid) détient le record de la plus longue COP, avec un dépassement de 44h de l’heure de clôture prévue. La COP-27 (Charm el Cheikh) est la deuxième la plus longue, avec un dépassement de 39,5h.

 

Nombre de décisions

Au total, 46 décisions ont été formellement adoptées lors de la Conférence de Dubaï : 19 par la COP-28, 20 par la CMA-5 et 7 par la CMP-18. Voir toutes les décisions adoptées par la COP-28, la CMA-5 et la CMP-18.

Les décisions clés, qui seront détaillées dans cet article, sont les suivantes :

  • la décisionde la CMA-5 sur le bilan mondial (qui sera très probablement la décision 1/CMA-5)
  • la décision de la COP-28 sur l’opérationnalisation du fonds spécifique pour les pertes et préjudices (même contenu que la décision de la CMA-5 en la matière)
  • la décision de la CMA-5 sur le même sujet (même contenu que la décision de la COP-28 en la matière)
  • la décision de la CMA-5 sur l’objectif mondial en matière d’adaptation
  • la décision de la CMA-5 sur le programme de travail pour renforcer le niveau d’ambition en matière d’atténuation
  • la décision de la CMA-5 sur le programme de travail sur la transition juste
  • la décision de la CMA-5 sur le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 sur le financement climat

 

Délai d’adoption du programme de travail

Ce fut une première grande avancée de la COP-28 : les programmes de travail des cinq organes : COP-28, CMA-5, CMP-18, SBI-59 et SBSTA-59 ont été adoptés rapidement. Cette adoption rapide était inattendue : c’était une simple formalité, sans remise en cause, à la différence du fiasco à Bonn en juin 2023 (lors des sessions SB-58 – lire notre article) où les délégués ont mis neuf jours (sur les 10 de leur session). Plusieurs points supplémentaires controversés avaient été proposés par divers groupes de négociation pour ajout dans les 5 programmes de travail respectifs. Cependant, des consultations avaient été menées à Dubaï en amont de l’ouverture de la COP-28, sous l’égide du Président de la COP. Ces consultations en amont ont abouti à un compromis excluant la quasi-totalité des points supplémentaires dans les cinq programmes de travail, et ainsi, cela a évité une situation de blocage comme à Bonn. Le Président de la COP-28 a indiqué que certains points supplémentaires proposés allaient faire l’objet de discussions dans le cadre des points existants des programmes de travail p ex. doublement du financement de l’adaptation.

 

 

Résultats des négociations formelles : principaux textes de décision adoptés

Décision sur le bilan mondial (Global Stocktake ou GST)

La décision de la CMA-5 sur le bilan mondial (qui sera très probablement la décision 1/CMA-5) constitue la décision phare de la Conférence de Dubaï. Après 12 heures de navettes diplomatiques intenses, le Président de la COP-28 a produit la cinquième et dernière version du projet de décision vers 7h15 du matin du 13 déc. Juste après 8h, à peine la plénière démarrée, le Président a fait adopter le texte par la salle, ce qui a été ovationnée par la salle sauf par l’Arabie saoudite. Cependant, avant de donner le coup de marteau, le Président Al Jaber n’a pas laissé le temps aux Parties (surtout les représentants de l’Alliance des petits Etats insulaires [AOSIS] qui venaient de rejoindre la salle) d’exprimer leurs critiques du texte final.

Cette décision (de 23 p, et de 196 paragraphes) est un texte de compromis. La décision fait office de décision chapeau, en établissant une vision d’ensemble, en englobant tous les sujets de négociation clés (atténuation, adaptation, pertes et préjudices, financement, développement et transfert de technologies, renforcement des capacités, coopération internationale, prochaines étapes) et en traçant la voie à suivre au cours de cette décennie cruciale pour « rectifier le tir » afin de rendre la trajectoire d’émissions de GES compatible avec l’objectif +1,5°C.

Cette décision fixe plusieurs objectifs notamment dans le cadre d’un paquet sur la transition énergétique (il s’agit d’objectifs non contraignants) pour accélérer les mesures d’atténuation des pays : [§ 28] la CMA invite [calls on] les Parties à contribuer à 8 efforts mondiaux dont :

  • [§ 28a] tripler la capacité mondiale de production des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030. Dans la version finale, les objectifs ne sont pas assortis d’indicateurs chiffrés, ni d’année de référence alors que dans les versions du 8 déc. et du 5 déc. : tripler la capacité de production des énergies renouvelables au niveau mondial par rapport à 2022 pour atteindre 11 000 GW [chiffre repris de la mise à jour de la feuille de route zéro émission nette 2050 publiée par l’AIE le 26 septembre 2023] et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique par rapport à 2022 pour atteindre 4,1% d’ici 2030 ;
  • [§ 28b] accélérer les efforts en vue de la réduction progressive [phase down] de l’électricité produite à partir du charbon sans captage/stockage du CO2 [unabated] [aucune mention de pétrole ou de gaz] ;
  • [§ 28d] assurer une transition pour s’éloigner [transitioning away from] des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques [uniquement dans le secteur de la production/transformation d’énergie, et non pas dans le secteur industriel], d’une manière juste, ordonnée et équitable [impliquant ainsi la responsabilité des pays développés], en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, de manière à atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 [aucun objectif chiffré pour 2030];

 

La question des combustibles fossiles à la COP-28

Cette question était au cœur des négociations sur le GST et était un sujet central qui a fortement mobilisé la société civile à la COP-28. Le 30 nov. 2023 : le 1er jour de la COP-28, 107 Parties ont publié une déclaration conjointe signée par l’UE et 106 Etats : 27 Etats membres et 79 Etats de l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OACPS). Dans cette déclaration, les 107 signataires soulignent entre autres que « la transition vers la neutralité climatique, compatible avec l’objectif de +1,5°C, nécessitera l’élimination progressive, à l’échelle mondiale, des combustibles fossiles non adossés à des dispositifs de captage/stockage du CO2 et un pic de leur consommation au cours de la présente décennie ». Cette liste de pays est passée à 127 (sur les 194 pays Parties à l’Accord de Paris, soit 65%) selon une analyse du Réseau Action Climat des Iles Pacifiques (PICAN) et l’ONG Oil Change International publiée le 11 déc. 2023. A noter qu’à la COP-27 : ‘seulement’ 80 pays s’étaient engagés pour une « réduction progressive » des fossiles (source : Citepa, p.24)

Le 6 déc., le lendemain de la publication de la 2e version du projet de décision, Haitham Al Ghais, Secrétaire-Général de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole, OPEC en anglais) a adressé une lettre à chacun des 13 pays membres de l’OPEP (dont les Emirats arabes unis, hôte de la COP-28). Cette lettre critique :« la pression indue et disproportionnée contre les fossiles pourrait atteindre un point de non-retour avec des conséquences irréversibles ». Il a exhorté ces 13 pays à « proactivement rejeter tout texte ou toute formulation qui vise l’énergie, c’est-à-dire les combustibles fossiles, plutôt que les émissions [de GES] ». La lettre a fait l’objet d’une fuite dans la presse (Guardian du 8 déc., puis Bloomberg, Reuters,…). Elle a eu un effet catalyseur à Dubaï, en mobilisant davantage de pays à appeler à intégrer dans le projet de décision sur le GST une référence au « FFPO » (élimination progressive des combustibles fossiles). Dans le camp opposé : le groupe des pays arabes (dont l’Arabie saoudite), Russie, Iraq, groupe LMDC.

Evolution du langage sur les combustibles fossiles dans les différentes versions du projet de décision

Source : Carbon Brief d’après les versions précédentes du projet de décision :

Version finale du projet de texte du 13 déc. (@04h05)  A noter : entre la version du 11 et celle du 13 : suppression de « consommation/production des fossiles »

Version du projet de texte du 11 déc. 2023 @16h30

Version du projet de texte du 8 déc. 2023 @ 15h30

Version du projet de texte du 5 déc. 2023 @ 05h00

Voir aussi : Version du projet de texte du 1er déc. 2023 @ 02h00

 

  • [§ 28e] accélérer les technologies à zéro émission nette ou à faibles émissions, y compris les énergies renouvelables, le nucléaire, les technologies de réduction et d’élimination, comme le captage et le stockage du CO2, en particulier dans les secteurs où il est difficile de réduire les émissions, et la production d’hydrogène à faible teneur en carbone [A noter par ailleurs que c’est la première fois qu’une décision de la COP fait référence à l’énergie nucléaire] ;
  • [§ 28f] accélérer une réduction forte des émissions de GES hors CO2, en particulier les émissions de méthane, d’ici 2030 [NB les objectifs chiffrés d’au moins -30% d’ici 2030 et -40% d’ici 2035 proposés dans les versions du 8 déc. et du 5 déc. ont été supprimés dans la version du 11 déc. et la version finale] ;
  • [§ 28h] éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles [objectif G20 depuis la déclaration du sommet de Pittsbsurgh, 2009] qui ne ciblent pas la précarité énergétique, ni les transitions justes [nouvelle précision];
  • [§ 27] la CMA reconnaît également que pour limiter le réchauffement à +1,5°C, il faut réaliser des réductions profondes, rapides et soutenues des émissions de GES au niveau mondial de 43% d’ici à 2030 et de 60% d’ici à 2035 par rapport à 2019, et atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2050 [chiffres repris du 6e rapport d’évaluation du Giec]. La référence au besoin d’atteindre un pic d’émissions d’ici 2025, dans la version précédente (version du 11/12/2023 @ 16h30), a été supprimée : « la CMA reconnaît que pour limiter le réchauffement à +1,5 °C il faut atteindre un pic des émissions mondiales de GES au plus tard avant 2025 et réaliser des réductions rapides, profondes et soutenues…..  [§ 29] ». La CMA reconnaît certes les dernières connaissances scientifiques du Giec mais ne les relie pas à l’action à réaliser par les Etats. Il n’y a pas de « la CMA invite/appelle les Parties à réaliser des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions » (« invites/calls on » etc.) ;
  • [§ 29] la CMA reconnaît que les combustibles de transition [comprendre le gaz naturel] peuvent jouer un rôle pour faciliter la transition énergétique, tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement énergétique [NB ce constat n’est pas lié à un appel à l’action mais on peut dire que la CMA « promeut » ces combustibles]. La décision ne comporte aucune définition des « combustibles de transition ». Cette référence aux combustibles de transition ne figurait pas dans la version précédente du projet de texte sur le GST (version du 11/12/2023 @ 16h30) mais figurait bien comme une option dans la version du 8/12/2023 @ 15h30 ( paragraphe 38 option 1). Elle a été réinsérée dans la version finale sous pression de la Russie, pays producteur et exportateur de gaz (source : Climate Home News, 15 déc. 2023). Dans sa contribution à la phase politique du bilan mondial, la Russie avait proposé en février 2023 que le gaz naturel soit considéré comme un combustible de transition ;
  • [§ 37] la CMA […] demande aux Parties, qui ne l’ont pas encore fait, de revoir et de renforcer, d’ici 2024, leurs objectifs 2030 inscrits dans leurs NDC pour être compatible avec « l’objectif en matière de température fixé par l’Accord de Paris» [aucune mention explicite de l’objectif +1,5°C ou +2°C] ;
  • [§ 39] la CMA encourage les Parties à présenter, dans leurs prochaines NDC, des objectifs ambitieux de réduction des émissions couvrant tous les gaz à effet de serre, tous les secteurs et toutes les catégories et compatibles avec l’objectif +1,5 °C, sur la base des données scientifiques les plus récentes, en tenant compte des différentes situations nationales [à noter le choix du verbe « encourage » qui, dans le jargon de la CCNUCC, constitue, selon Carbon Brief, un langage à caractère faible pour ce genre de disposition juridique des décisions de l’ONU, bien loin de l’obligation  (source : tweet de Carbon Brief du 14 nov. 2021)]
  • [§ 33] la CMA souligne l’importance de conserver, de protéger et de restaurer la nature et des écosystèmes dans l’atteinte de « l’objectif en matière de température fixé par l’Accord de Paris» [aucune mention explicite de l’objectif +1,5°C ou +2°C], y compris via des efforts renforcés pour arrêter et inverser la déforestation et la dégradation des forêts d’ici 2030, ainsi que d’autres écosystèmes terrestres et marins fonctionnant comme des puits et réservoirs de GES [c’est la 1ère fois que cet engagement fait l’objet d’une reconnaissance formelle dans le cadre de la CCNUCC] ;
  • [§ 166] la CMA rappelle que conformément à la décision 1/CP.21 (§ 25), les Parties soumettent (« shall submit ») au secrétariat de la CCNUCC leur prochaine NDC au moins 9 à 12 mois en amont de la CMA-7 (le 10 nov. 2025), soit entre le 10 novembre et le 10 février 2025) ;
  • [§ 97 et 98] la CMA décide d’établir un dialogue sur la mise en œuvre des résultats du bilan mondial et ce, à partir de la CMA-6 (nov. 2024) sur quatre ans, les travaux devant s’achever en 2028, lors de la CMA-10. Le SBI est prié d’élaborer les modalités du programme de travail de ce dialogue lors de sa 60e session (SBI-60, Bonn, juin 2024) ;
  • [§ 191] la CMA décide de lancer, sous l’égide des Présidences de la CMA-5 [Emirats arabes unis], de la CMA-6 [Azerbaïdjan] et de la CMA-7 [Brésil], une feuille de route Mission +1,5°C, afin de renforcer la coopération internationale pour stimuler l’ambition dans le prochain cycle des NDC et renforcer l’action et la mise en œuvre au cours de cette décennie cruciale. Lors de la plénière de clôture, la future Présidence brésilienne de la COP-30 (et de la CMA-7) a déclaré que cette mission travaillerait à réduire la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles (source : IISD, 13 décembre 2023)

 

Sur la question du financement, deux paragraphes de la décision sur le GST sont à noter :

  • [§ 68] la CMA souligne que les besoins en financement de l’adaptation des pays en développement sont estimés entre 215 et 387 Md$/an jusqu’en 2030 (chiffres repris de l’Adaptation Gap Report, PNUE, 2023) et qu’il faut investir 4 300 Md$/an dans l’énergie bas-carbone jusqu’en 2030 (AIE/IRENA, 2023) ;
  • [§ 99] la CMA décide de convoquer un dialogue ministériel de haut niveau, lors de la CMA-6, sur le besoin urgent d’accroître le financement de l’adaptation, en prenant en compte les résultats du bilan mondial portant sur l’adaptation, et sur le besoin pour les pays industrialisés de respecter leur engagement en matière de financement de l’adaptation pris lors de la COP-26 à Glasgow, à savoir un doublement du financement de l’adaptation d’ici 2025 par rapport aux niveaux de 2019.

 

Dans ce texte final de la décision sur le GST, on peut retenir des lacunes et insuffisances soulignées par de nombreux observateurs. Aucune définition du terme « unabated » [§ 28(e)] ou « bas-carbone » [§ 28((c) et § 28e)] n’est fournie. Par ailleurs, globalement dans la décision, le langage est faible : peu d’appels à l’action (8 x « decides » | 8 x « calls on » | 14 x « invites » | 16 x « requests »). Ainsi, dans le [§ 28] l’utilisation du verbe « calls on » (« invite/appelle à ») est utilisé pour introduire les huit types d’efforts de réduction. Dans le jargon de la CCNUCC, il s’agit d’une invitation ou une demande, terme faible pour ce genre de disposition juridique des décisions de l’ONU, bien loin de l’obligation, mais plus fort que « could include » utilisé dans la version précédente (version du 11/12/2023 @ 16h30). Le langage est lui-aussi faible sur le financement de la transition pour s’éloigner des fossiles, surtout par rapport à l’équité : il n’y a pas d’indication forte que les pays industrialisés devront jouer un rôle de chef de file. Ainsi, dans les [§ 71 et § 73], il n’y a qu’un simple rappel de l’obligation pour les pays industrialisés de fournir [« shall provide »] des ressources financières pour aider les pays en développement à mettre en œuvre (i) des actions d’atténuation/adaptation [cf. art. 9.1 de l’Accord de Paris] et (ii) leur NDC [cf. art. 4.5].

 

Les réactions à cette décision ont été nombreuses, parmi lesquelles :

Laurence Tubiana, co-architecte de l’Accord de Paris, aujourd’hui directrice de la Fondation européenne pour le climat (ECF) :

  • « la fin de l’ère des combustibles fossiles est lancée. On savait que la COP-28 allait être difficile mais au moins ‘l’éléphant dans la pièce’ – l’élimination des combustibles fossiles – a enfin été abordée » (source : tweet de Laurence Tubiana, 13 déc. 2023).

Simon Stiell, Secrétaire exécutif de la CCNUCC :

  • « Bien que nous n’ayons pas complètement tourné la page de l’ère des combustibles fossiles à Dubaï, ce résultat marque clairement le début de la fin » (source : communiqué de la CCNUCC du 13 déc. 2023).

Wopke Hoestra, Commissaire européen à l’action climat :

  • « le monde vient d’adopter une décision historique lors de la COP-28 afin d’amorcer une transition irréversible et accélérée pour s’éloigner des combustibles fossiles » (source : tweet de Wopke Hoekstra du 13 déc. 2023).

Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU :

  • dans sa déclaration lors de la plénière de clôture de la COP-28, le 13 déc, il a directement interpellé les pétro-Êtats (Arabie saoudite et Iraq en tête), en déclarant « à ceux qui s’opposent à une référence explicite à l’élimination progressive des combustibles fossiles dans le texte de la COP-28 [décision GST], je veux dire qu’une élimination progressive des combustibles fossiles est inévitable, qu’ils le veuillent ou non ».

Valérie Masson-Delmotte, climatologue et ancienne vice-Présidente du WGI du Giec (2015-2023)

  • « Face [aux réalités de l’intensification du réchauffement et de la hausse continue des émissions de GES], le décalage entre l’objectif affiché de « maintenir l’objectif de 1,5 °C à portée de main » et la faiblesse des engagements concrets mis sur la table témoigne d’une incohérence majeure » (source : tribune dans Le Monde du 29 déc. 2023).
  • «la faiblesse de ces engagements implique la poursuite du réchauffement planétaire au-delà de +1,5 °C d’ici une décennie, avec des conséquences immédiates » (source : tribune dans Le Monde du 29 déc. 2023).

Anne Rasmussen (Iles Samoa), représentante de l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS) :

  • elle a fustigé le manque d’ambition et le langage faible, surtout sur les combustibles fossiles. « La correction de la trajectoire d’émissions de GES nécessaire [au cours de cette décennie cruciale] n’a pas été assurée [par la décision sur le GST] » (source : tweet d’IISD du 13 déc. 2023)
  • elle a souligné que ce 1er bilan mondial est le seul qui permettrait de garder l’objectif de +1,5°C à portée de main (car le 2e GST n’est prévu qu’en 2028, date à laquelle il serait trop tard pour mettre la planète sur une trajectoire d’émissions de GES compatible avec cet objectif)
  • l’intervention de Anne Rasmussen a été accueillie par de longs applaudissements, une ovation debout et des cris d’encouragements, venus de la société civile au fond de la salle (source : tweet d’IISD du 13 déc. 2023)

Al Gore, ancien vice-Président américain :

  • « c’est le strict minimum dont nous avons besoin et qui aurait dû être atteint depuis longtemps. L’influence des pétro-Etats est encore évidente dans les demi-mesures et les lacunes de l’accord final. La question de savoir s’il s’agit d’un tournant qui marque véritablement le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles dépend des actions à venir et de la mobilisation des financements nécessaires à leur réalisation » (source : Reuters du 13 déc. 2023)

Madeleine Diouf, Ministre de l’Environnement du Sénégal (au nom du groupe des PMA) :

  • l’accord « reflète l’ambition la plus faible possible que nous pourrions accepter plutôt que ce que nous savons, d’après les meilleures données scientifiques disponibles, être nécessaire pour faire face d’urgence à la crise climatique ». L’accord « met en évidence l’énorme écart entre les besoins des pays en développement et les financements disponibles, ainsi que la diminution rapide de la marge de manœuvre budgétaire due à la crise de la dette. Pourtant, il n’apporte pas de réponse crédible à ce défi »» (source : Reuters du 13 déc. 2023)

 

Décisions sur les pertes et préjudices (Loss and Damage ou L&D)

Décision sur l’opérationnalisation du nouveau fonds spécifique pour les pertes et préjudices

Cette décision constitue la deuxième grande avancée de la Conférence de Dubaï. Il s’agit d’une décision sur l’opérationnalisation du nouveau fonds spécifique pour les pertes et préjudices prise à la fois par la COP-28 et par la CMA-5.

Elle a été prise sur la base des recommandations que les 24 membres du comité de transition avaient approuvées non sans peine au terme de leur cinquième réunion (Abu Dhabi, 3-4 nov. 2023) : FCCC/CP/2023/9 et FCCC/PA/CMA/2023/9. Cette cinquième réunion avait été convoquée d’urgence puisque lors de la 4e réunion (17-20 oct. 2023), ils n’étaient pas parvenus à un consensus sur une première version du projet de texte de négociation en raison des fortes divergences entre pays du Sud et pays du Nord. Le comité de transition a soumis ces recommandations aux Parties à Dubaï sous forme de projet de texte de négociation comme base de négociation, voire base d’une décision finale à adopter par la COP-28 et la CMA-5. Il s’agit d’un texte de compromis fragile adopté à contre-cœur des pays en développement qui ont fait d’importantes concessions : il reste bien en deçà de leurs attentes. Même si le projet de texte issu des cinq réunions était loin d’être parfait, il représentait le meilleur compromis auquel les membres du comité pouvaient parvenir. Pendant une période provisoire de quatre ans, le fonds sera hébergé par la Banque mondiale. La contribution au fonds est basée sur le volontariat : il n’y a aucune obligation pour les pays industrialisés de fournir une contribution au fonds (en vertu de leur responsabilité historique). A Dubaï, lors de la plénière d’ouverture, environ deux heures après le début de la Conférence, à la grande surprise et contre toute attente, le projet de texte a été adopté tel quel par la COP-28 et la CMA-5 sans remise en cause, sans blocage, sans réouverture à la négociation : FCCC/CP/2023/L.1 et FCCC/PA/CMA/2023/L.1. Ainsi, les modalités de fonctionnement du fonds spécifique pour les pertes et préjudices, préalablement approuvées par le comité de transition, ont été concrétisées via une décision de la COP-28 et une décision de la CMA-5. Cette avancée majeure, dès le début de la COP-28, a été reçue par des applaudissements et une ovation debout par les délégués réunis dans la salle. C’est la première fois qu’une décision de fond a été adoptée lors d’une plénière d’ouverture d’une COP.

Des annonces d’engagements pour alimenter le nouveau fonds constituent une troisième avancée de la COP-28. Après l’adoption de cette décision phare, le Président de la COP-28 a annoncé que les Emirats seraient le premier pays à fournir une contribution : 100 M$. Plusieurs Parties leur ont emboîté le pas : Allemagne (100 M$), Royaume-Uni (40 M£), UE [en tant que Partie représentant l’UE-27 dans son ensemble (25 M€) ; Etats-Unis (17,5 M$, sous réserve d’approbation par le Congrès, ce qui est peu probable), Japon (10 M$). A noter l’écart quantitatif entre les deux premières contributions et les quatre autres. La contribution des Etats-Unis, deuxième émetteur de GES au monde, est presque six fois moins que celle des Emirats arabes unis.

 

Décision sur l’hébergement du secrétariat du réseau de Santiago pour les pertes et préjudices

Une autre (double) décision importante a été adoptée à la Conférence de Dubaï : la décision de la COP-28 et la décision de la CMA-5 sur la désignation d’une entité hôte pour accueillir le secrétariat du réseau de Santiago pour la prévention, la réduction et le traitement des pertes et préjudices.

La création du réseau de Santiago pour la prévention, la réduction et le traitement des pertes et préjudices remonte à la CMA-2 (décision 2/CMA.2, adoptée à Madrid en 2019). Ce réseau vise à catalyser l’assistance technique des organisations, organes, réseaux et experts compétents pour la mise en œuvre d’approches pertinentes aux niveaux local, national et régional dans les pays en développement particulièrement vulnérables. Lors de la CMA-4 (Charm el-Cheikh, novembre 2022), les Parties à l’Accord de Paris avaient adopté les dispositions institutionnelles et financières (décision 12/CMA.4) pour rendre opérationnel le réseau de Santiago, dont la création du secrétariat. Avant la COP-28, il n’y avait pas de consensus entre les pays en développement sur une entité hôte (deux options étaient sur la table).

A Dubaï, le 3 déc. 2023, quatre jours après le début de la Conférence, le groupe de négociation  G77+Chine (134 pays en développement) est parvenu à un consensus : l’entité hôte du réseau de Santiago sera le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (United Nations Office for Project Services ou UNOPS) au sein du Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes (United Nations Office for Disaster Risk Reduction ou UNDRR), basé à Nairobi (Kenya).

 

Décision sur l’objectif mondial d’adaptation

L’adaptation est, dans le cadre de l’Accord de Paris, placé sur un même rang d’importance que l’atténuation. Une autre décision de la CMA-5 concerne l’objectif mondial d’adaptation (Global Goal on Adaptation, GGA).

L’article 7.1 de l’Accord de Paris prévoit la fixation d’un objectif mondial en matière d’adaptation consistant à renforcer les capacités d’adaptation, à accroître la résilience aux changements climatiques et à réduire la vulnérabilité à ces changements : cet article énonce donc le principe d’un tel objectif. Or, depuis la COP-21, la concrétisation de cet objectif n’avait pas figuré parmi les sujets prioritaires des CMA et n’avait donc pas fait l’objet de discussions plus poussées et ce, malgré les demandes des pays en développement, les pays africains en tête. Le groupe de négociation des pays africains (African Group) avait proposé dès 2013, soit deux ans avant l’adoption de l’Accord de Paris, une démarche pour quantifier un objectif mondial. Ce n’était qu’à Glasgow (lors de la CMA-3) en 2021 que les Parties se sont mises d’accord pour renforcer l’action sur l’adaptation et pour lancer un programme de travail de 2 ans (2021-2023) sur l’objectif mondial d’adaptation (Glasgow-Charm el-Cheikh Work Programme) (cf. paragraphes 11 et 12 de la décision 1/CMA.3).

 

Mise en place d’un cadre pour répondre à cet objectif

A Charm el Cheikh (nov. 2022), la CMA-4 avait décidé de lancer un cadre (framework) pour l’objectif mondial sur l’adaptation à mettre en œuvre en 2023 au sein du programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh. Ce cadre devait être adopté à Dubaï lors de la CMA-5 (paragraphe 8 de la décision 3/CMA.4). Dans les négociations à Dubaï sur la concrétisation du cadre de l’objectif mondial, les deux questions les plus épineuses étaient le financement de l’adaptation et le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives. Dans ce contexte, conformément à ce que demandait la décision 3/CMA.4, § 8) la décision adoptée à Dubaï établit le cadre pour la résilience climatique mondiale (UAE Framework for Global Climate Resilience) [§ 6]. Il vise à orienter la réalisation de l’objectif mondial et l’évaluation des progrès pour l’atteindre [§ 7]. Le cadre vise à orienter et renforcer les efforts consentis pour réduire la vulnérabilité et à accroître la capacité adaptive et la résilience, le bien-être collectif de l’humanité, la protection des économies, la préservation et la régénération de la nature [§ 8]. Il fixe sept objectifs qualitatifs thématiques non assortis d’échéances : eau ; agriculture et agroalimentaire ; santé ; écosystèmes et biodiversité ; infrastructure et villes ; élimination de la pauvreté ; patrimoine culturel [§ 9]. Il précise aussi un dispositif de gouvernance, avec la planification, mise en œuvre, suivi et évaluation des efforts d’adaptation d’ici 2030 [§ 10 et 11].

Les observateurs ont souligné des lacunes et insuffisances dans cette décision sur l’adaptation : un langage faible sur les objectifs qualitatifs thématiques ; une absence d’objectifs quantitatifs [cf. version du 5 déc : maintenir, améliorer ou restaurer au moins 30% des écosystèmes], avec uniquement des objectifs qualitatifs ; un report de plusieurs échéances du dispositif de gouvernance de 2025 à 2030.

 

La question des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives des Etats

Au titre de la Convention Climat (article 3.1), les Parties doivent « préserver le système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes » [en raison de leur responsabilité historique dans la production des émissions de GES]. Plusieurs pays en développement souhaitaient voir ce principe reconnu et cité dans la décision de la CMA (notamment le groupe LMDC et le groupe arabe). Cependant, les pays industrialisés s’y sont fermement opposés. A l’arrivée, la décision finale ne les cite pas explicitement mais rappelle de manière floue « les dispositions et principes de la Convention Climat et de l’Accord de Paris » [6e considérant].

Sur ce point, là aussi, on note un langage faible et imprécis sur ce principe des responsabilités communes mais différenciées. Par conséquence, les pays industrialisés, pays historiquement responsables du changement climatique, ne sont pas explicitement visés pour fournir un soutien aux pays en développement, les premiers pays touchés par le changement climatique

 

Financement de l’adaptation

Les pays en développement (du groupe de négociation G77+Chine) souhaitaient voir une place importante accordée au financement de l’adaptation dans le cadre de l’objectif mondial, et même un objectif chiffré en termes de financement à fournir. La 2e version du projet de décision (du 5 déc. 2023 @16h00, § 25, option 3) proposait un objectif annuel de 400 Md$ de financement climat multilatéral pour l’adaptation. Les pays en développement souhaitaient inclure une formulation volontariste visant les pays industrialisés : « la CMA demande/appelle/exhorte les pays industrialisés à fournir un soutien financier » cf. version du 11 déc. Les pays industrialisés, les Etats-Unis en tête, se sont opposés à mettre l’accent sur le financement.

A Dubaï, dans la décision finale adoptée, le texte comprend le paragraphe suivant :

Résultat :

La version précédente (11/12/2023) de cette proposition de décision était rédigée ainsi :

 

Ecart entre financement nécessaire et financement réellement fourni

Le PNUE a estimé l’écart entre le financement de l’adaptation fourni (par les pays industrialisés) et les besoins réels de financement entre 215 à 387 Md$/an jusqu’en 2030 (source : Adaptation Gap Report, 2 nov. 2023). Un précédent rapport publié le 8 nov. 2022 lors de la COP-27, établi à la demande des Présidences de la COP-26 et de la COP-27, par un groupe d’experts indépendants co-présidé par l’économiste britannique Nicolas Stern : 1 000 Md$/an nécessaires en 2030 pour aider les pays en développement et émergents (hors la Chine), soit 10 fois plus que l’objectif des 100 Md$/an en 2020.

A Dubaï, dans la décision finale adoptée, la CMA cherche à combler cet écart (seeks to close the […] gap) [§ 37]. A noter que dans une version précédente du 11 déc., il était écrit « la CMA s’engage à combler cet écart (commits to close the […] gap) » [§ 38]. La formulation finale est donc beaucoup moins forte.

Là aussi, le langage est faible, imprécis et ambigu sur le financement, notamment sous la pression des Etats-Unis. La mise en œuvre du cadre pour la résilience climatique mondiale reste tributaire des financements à venir. La référence explicite aux pays industrialisés étant ceux qui devraient fournir un soutien financier a été supprimée : la question de savoir qui est censé combler l’écart reste ouverte.

Comme les Parties n’ont pas pu se mettre d’accord pour poursuivre formellement les discussions sur l’objectif mondial d’adaptation lors des futures CMA, celui-ci ne constitue donc toujours pas un sujet permanant dans le programme de travail de la CMA (agenda item).

Au final, dans la décision adoptée à la COP-28, la CMA décide de conclure le programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh [§ 5] ; et doit lancer un programme de travail de 2 ans (2024-2026) (UAE-Belém work programme) sur les indicateurs pour mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs, en vue d’identifier et d’élaborer des indicateurs et des éléments quantifiés pour ces objectifs [§ 39]. Ce programme de travail sera mené conjointement par les deux organes subsidiaires SBSTA et SBI [§ 40].

 

Décision sur l’atténuation

Une autre décision clé adoptée à Dubaï est la décision de la CMA-5 sur le programme de travail sur l’ambition en matière d’atténuation et la mise en œuvre de mesures. A Glasgow (CMA-3, nov. 2021), les Parties s’étaient mises d’accord pour lancer un programme de travail pour relever de façon urgente le niveau d’ambition collectif (cf. Pacte de Glasgow : décision 1/CMA.3, § 27). La concrétisation de ce programme de travail avançait très lentement faute de consensus entre pays industrialisés et pays émergents/en développement. A Charm el-Cheikh (CMA-4, nov. 2022), les Parties ont adopté la décision 4/CMA.4 qui établit un nouveau programme de travail sur l’ambition en matière d’atténuation et la mise en œuvre de mesures correspondantes (Mitigation Ambition and Implementation Work Programme ou MWP (essentiellement des modalités procédurales) mené sous l’égide de la CMA, sur la période 2023-2026, avec au moins deux dialogues mondiaux par an. Il avait été décidé que les résultats qui en découleront seront « non-coercitifs, non-punitifs, basés sur la facilitation, respectueux de la souveraineté nationale et des circonstances nationales, en prenant en compte le fait que les NDC sont déterminées au niveau national et n’imposeront pas de nouveaux objectifs ou de nouvelles cibles ». Le MWP n’est cependant pas formellement inscrit sur le programme de travail de la CMA ni du SBSTA/du SBI

A Dubaï, il y a eu de vifs débats sur le mandat du programme de travail MWP, et notamment sur la question de savoir s’il couvre le sujet des combustibles fossiles et si la décision finale devrait contenir des messages politiques. Il n’y a donc pas eu d’avancées concrètes sur le fond du problème. La décision finale est plutôt de nature procédurale (axée sur la forme plutôt que sur le fond) en raison du manque de consensus sur le mandat du programme de travail et sur la question de savoir qui doit assumer la responsabilité de réduction des émissions et comment. Les références à l’objectif +1,5°C qui figuraient dans la version précédente du projet de décision (version du 9 déc. @00h30) ont été supprimées : « la CMA note l’évaluation du Giec, selon laquelle les impacts du changement climatique seront beaucoup plus faibles avec un réchauffement à +1,5°C qu’à +2°C et en notant la détermination [collective] de poursuivre les efforts pour limiter le réchauffement à +1,5°C » [7e considérant] ;  « la CMA souligne l’importance d’accélérer la transition énergétique juste pour maintenir le réchauffement bien en dessous de +2°C, tout en poursuivant les efforts pour le limiter à +1,5°C » [§ 5]. A également été supprimé le passage suivant : [11e considérant] : « la CMA note qu’il est urgent que les Parties renforcent leurs efforts collectifs de réduction des émissions par la mise en œuvre accélérée des mesures de réduction nationales » (NDC).  Ainsi, le texte final a été vidé de toute substance.

 

Décision sur les mécanismes de marché

L’article 6 de l’Accord de Paris traite du recours aux mécanismes de marché pour atteindre les objectifs d’atténuation. L’article 6.2 concerne les approches coopératives (transferts de réduction entre pays ou ITMO, crédits carbone). L’article 6.4 concerne le mécanisme de développement durable (MDD) qui viendra prendre le relais du MDP. L’article 6.8 concerne les approches non fondées sur le marché : pour renforcer les liens et créer des synergies entre atténuation, adaptation, financement, transfert de technologies et renforcement des capacités (programme de travail défini par la décision 4/CMA.3, 1ère phase 2023-2024).

Même si les règles d’application de l’article 6 ont été arrêtées dans leur ensemble lors de la CMA-3 à Glasgow en nov. 2021, il restait néanmoins à peaufiner certains détails techniques (définitions, procédures, logistique,…) et à étoffer certains éléments pour que l’article 6 soit intégralement opérationnel et pour que les échanges puissent donc véritablement démarrer sur la base de règles robustes (art. 6.4 : autorisation des unités de réduction A6.4ER ; interconnexion entre registres art. 6.2 et 6.4 ; éligibilité des projets qui évitent les émissions et améliorent la conservation de la nature,…). L’article 6 n’était donc plus un sujet politique prioritaire

A Dubaï, le projet de décision 6.2  et le projet de décision 6.4 sont restés bloqués faute de consensus entre les Parties et n’ont pas pu donc être adoptés. Les négociations sont renvoyées aux sessions SB-60 à Bonn (juin 2024).

Pour l’article 6.2, les négociations ont fait ressortir un désaccord total entre, d’une part, l’UE, les pays africains et latino-américains et, d’autre part, les Etats-Unis sur des questions clés : l’intégrité environnementale et la protection des droits humains, ainsi que la transparence (surtout la question des clauses de confidentialité des informations rapportées par les Parties après les échanges d’ITMO, qui empêcheraient la vérification de ces informations). Alors que les Etats-Unis voulaient à tout prix mettre en œuvre le plus rapidement possible une approche minimaliste et basique (« light-touch, no frills »), s’appuyant sur le marché volontaire, l’autre camp avait une vision diamétralement opposée : des règles robustes avec vérification renforcée.

Concernant l’art. 6.4 : la CMA-5 n’a pas entériné les recommandations finalisées le 27 nov. 2023 par l’organe de supervision de l’art. 6.4 (Art. 6.4 Supervisory Body) sur les exigences pour l’élaboration et l’évaluation de méthodologies  et pour les activités liées à l’absorption de CO2. Leur approbation est essentielle pour l’opérationnalisation du marché. Ces deuxièmes versions des recommandations ont été rejetées par les Parties en raison de leur manque d’ambition et de robustesse (tout comme les premières versions à Charm el-Cheikh où la CMA-4 avait demandé à l’organe de supervision de revoir sa copie). Ce résultat décevant envoie un signal très négatif aux acteurs du marché carbone de l’art 6.4, ce qui a pour conséquence de laisser ce marché dans un état d’incertitude et d’instabilité persistant. Cependant, ce non-résultat a évité l’adoption de règles insuffisantes et évité de reproduire les erreurs des marchés carbone volontaires (cf. polémique sur le certificateur de crédits carbone Verra en 2023). En effet, une absence d’accord reste mieux qu’un mauvais accord selon plusieurs observateurs, dont l’ONG Carbon Market Watch. L’opérationnalisation du marché carbone de l’art. 6.4 subira donc probablement un retard supplémentaire d’au moins 12 mois. Un effet pervers de cet échec (selon Carbon Market Watch, source : Climate Home News, 20 déc. 2023) est le risque que les acteurs du marché volontaire en profitent pour saisir l’opportunité de combler le vide juridique concernant les règles de l’art. 6.2 et 6.4. Cela devrait dans tous les cas doper le marché volontaire.

Sur les articles 6.2 et 6.4, les négociations reprendront à Bonn en juin 2024.

En revanche, concernant l’art. 6.8, un consensus a pu être trouvé. La décision adoptée reste une décision plutôt procédurale qui encourage les Parties à continuer à identifier des possibilités pour concevoir et mettre en œuvre des approches non fondées sur le marché.

 

Décision sur le financement

Ce sujet très controversé constitue le nerf de la guerre des négociations climat au sein de la CCNUCC. L’Accord de Paris a déjà acté l’obligation pour les pays industrialisés de fournir un soutien financier aux pays en développement (cf. article 9.1 de l’Accord de Paris). Ce sujet revoie à la question très controversée de la responsabilité historique des émissions de GES (pays industrialisés). Depuis de très nombreuses années, il constitue une source de tensions vives entre les pays du Sud et les pays du Nord, de blocages, voire une véritable pierre d’achoppement des négociations climat. Le manque de financement climat pour l’adaptation, l’atténuation et les pertes et préjudices a eu pour conséquence d’avoir sérieusement entamé la confiance des pays du Sud vis-à-vis des pays du Nord et de freiner les progrès dans les autres axes de négociation (notamment l’atténuation). Pour rétablir la confiance entre les pays du Sud et les pays du Nord, ces derniers devraient faire preuve d’efforts renforcés pour accroître le financement climat public et privé et ce, sous forme de dons (subventions) plutôt que des prêts pour ne pas alourdir davantage le fardeau de la dette des pays bénéficiaires. C’est un préalable à toute avancée sur les autres sujets de négociation. Le financement climat joue un rôle crucial dans le renforcement de l’ambition des pays en développement, notamment en matière de transition énergétique.

 

A Dubaï, les discussions ont porté sur deux principaux volets de négociation : d’une part le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 (CMA) ; et d’autre part le financement à long terme (COP) : l’objectif des 100 Md$/an. En parallèle, le sujet du financement était omniprésent en toile de fond dans la quasi-totalité des axes de négociation en raison du différend sur la question de savoir qui doit assumer la responsabilité pour fournir le financement climat et en raison du non-respect de l’objectif des 100 Md$/an.

Sur le premier volet, le nouvel objectif collectif chiffré post-2025, une décision a été adoptée par la CMA-5. Pour revenir au contexte de cette décision, rappelons que le principe d’un objectif collectif de 100 Md$/an à fournir par les pays industrialisés à partir de 2020 est un objectif purement politique, négocié et fixé en 2009 à Copenhague et formalisé dans les accords de Cancún en 2010. Il ne se base sur aucune évaluation technique des besoins financiers réels des pays en développement : il représenterait au bas mot un 10e du montant réel nécessaire. Lors de la COP-21 (2015 à Paris), cet objectif avait été prolongé jusqu’en 2025 (cf. décision 1/CP.21, § 53). Cet objectif n’avait toujours pas atteint en 2021 (dernières données officielles disponibles) : 89,6 Md$/an (écart de 10,4 Md$/an [source : chiffres OCDE], soit un dixième du montant total promis). Pour les pays en développement, la concrétisation intégrale de cet objectif est considérée comme une condition sine qua non pour rétablir la confiance entre les deux catégories de pays.

La CMA doit fixer, avant 2025, un nouvel objectif collectif chiffré post-2025 (New collective quantified goal [NCQG]) à partir d’un niveau plancher de 100 milliards de $ par an (cf décision 1/CP.21, § 53). A Glasgow (CMA-3, 2021), les Parties ont décidé de lancer les travaux techniques (conformément à la décision 14/CMA-1 adoptée à Katowice en 2018), notamment via un programme de travail ad hoc sur 2022-2024 sur le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 (sous l’égide de la CMA). Ces discussions ont peu avancé sur le fond de ce sujet crucial lors de la CMA-4 (Charm el Cheikh) : dans une décision purement procédurale, la CMA-4 avait confirmé que les discussions devront déboucher sur la définition de ce nouvel objectif en 2024 à la CMA-6 (cf. décision 5/CMA.4, § 8).

 

A Dubaï, les pays en développement ont insisté sur l’importance d’avancer plus rapidement sur la concrétisation du nouvel objectif, c’est-à-dire commencer à le chiffrer, mais les pays industrialisés ont souligné que c’est trop tôt encore – alors qu’en réalité, il reste uniquement un an aux négociateurs pour fixer le nouvel chiffre. Les pays industrialisés (l’UE en tête) souhaitent élargir la base des pays donateurs aux pays émergents à revenu élevé (Chine, Corée du Sud et certains Etats pétroliers du Golfe : Arabie saoudite, Qatar…), en préconisant une approche équitable basée non seulement sur la responsabilité historique, mais aussi sur les capacités financières actuelles des pays et sur le principe pollueur-payeur. Comme l’année dernière à Charm el-Cheikh, la décision finale adoptée à Dubaï est purement procédurale.

Dans la décision finale, il est prévu que se tiennent en 2024 au moins trois réunions dans le cadre du programme de travail ad hoc, au moins trois dialogues techniques d’experts (au sein du programme de travail) et le troisième dialogue ministériel de haut niveau. La CMA demande par ailleurs, dans ce texte final, aux co-Présidents du programme de travail d’élaborer les grandes lignes d’un projet de texte de négociation qui doit reprendre les progrès réalisés jusque-là et ce, pour examen par la CMA-6 (qui aura lieu en parallèle à la COP-29).

Tout va se jouer l’année prochaine donc – lors de la CMA-6 et de la COP-29. Celle-ci a déjà été baptisée la COP du financement par certains observateurs. C’est là où les Parties vont devoir s’engager sur un nouvel objectif assorti d’une année cible (2030 ?).

 

Décision sur sur la transition juste

Une autre décision de la CMA-5 concerne le programme de travail sur la transition juste.

Lors de la CMA-4 (Charm el-Cheikh, nov. 2022), les Parties avaient décidé de mettre en place un programme de travail sur la transition juste (décision 1/CMA-4, § 52). Le but de ce programme est d’examiner, concevoir et accélérer les trajectoires visant à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris d’une manière juste et équitable pour tous. Le SBI et le SBSTA ont été chargés par la CMA-4 de soumettre un projet de décision pour examen et adoption lors de la CMA-5 à Dubaï. Dans le cadre de ce programme de travail, la CMA-4 avait décidé à Charm el-Cheikh d’organiser, tous les ans, une table ronde ministérielle de haut niveau sur la transition juste, à compter de la CMA-5.

A Dubaï, s’est tenu le 3 déc. la première table ronde ministérielle de haut niveau sur la transition juste. La décision adoptée est une des dernières décisions à être adoptée par la CMA-5 faute de consensus entre les Parties. Par ailleurs, 10 versions du projet de décision ont circulé avant que les Parties ne parviennent à un consensus.

De fortes divergences sur le périmètre du programme ont été soulevées : doit-il axer ses discussions sur la transition de la main d’œuvre du secteur des énergies fossiles (position des pays développés) ou doit-il suivre une vision plus multilatérale et moins axée sur l’atténuation (position des pays en développement) ? Les pays en développement ont insisté sur le fait qu’ils ont besoin d’un soutien pour réaliser une transition juste (pas uniquement financier mais aussi technique, etc.). En fait, les négociations au sein de cet axe n’étaient qu’un reflet des positions plus larges à la COP-28.

Finalement, à Dubaï, dans le décision adoptée, la CMA s’est mise d’accord sur un périmètre du programme de travail, notamment sur la transition juste et équitable qui englobe des trajectoires qui intègrent les dimensions énergétiques, socio-économiques, main d’œuvre,… basées sur les priorités de développement définies au niveau national et qui incluent la protection sociale pour atténuer les impacts liés à la transition. Ce programme intègre aussi la question des potentialités, défis et entraves liés au développement durable et à l’élimination de la pauvreté. Le début de la mise en œuvre du programme de travail est prévu après la CMA-5. Ce programme de travail sera mis en œuvre sous le pilotage du SBI et du SBSTA. Il y a au moins deux dialogues à tenir chaque année dans le cadre du programme de travail, l’un en amont des sessions SB en juin (à commencer par les SB-60, juin 2024) et l’autre en amont des sessions SB parallèlement aux COP en fin d’année (à commencer par les SB-61, nov. 2024). Lors de la CMA-8 (2026), aura lieu un réexamen de l’efficacité du programme de travail et décision sur la poursuite des travaux ou non.

 

Décision sur la science

Une décision de la COP-28 et la décision de la CMA-5 (même texte) ont été adoptées à propos de la reconnaissance du Sixième rapport d’évaluation du Giec (AR6 : trois volumes et la synthèse, ainsi que trois rapports spéciaux).

La COP-28 et la CMA-5 reconnaissent que l’AR6 « représente une évaluation plus complète et plus robuste du changement climatique » que l’AR5. La COP-28 et la CMA-5 encouragent les Parties à s’appuyer sur l’AR6 pour éclairer leurs discussions dans le cadre des différents sujets de leurs programmes de travail respectifs => la décision établit un lien entre la science et la politique. La COP-28 et la CMA-5 encouragent les Parties à continuer à s’appuyer sur les informations contenues dans l’AR6 pour éclairer les politiques et plans d’actions nationales sur le climat => la décision établit un lien entre la science et l’action.

Dans ce texte, le langage est faible pour reconnaître les travaux du Giec : la formulation dans la décision finale emploie le comparatif, reprenant ainsi la formulation avalisée par le SBSTA, lors de sa 58e session à Bonn (5-15 juin 2023). Cette formulation avalisée avait été édulcorée lors de cette session à Bonn par rapport à la version précédente plus ambitieuse qui employait le superlatif : « l’AR6 constitue l’évaluation la plus complète et la plus robuste à ce jour du changement climatique ». Malgré des débats vifs à Bonn, en raison de l’opposition d’un pays en développement (non nommé, mais sans doute l’Arabie saoudite), les Parties n’étaient pas parvenues à un consensus pour intégrer ce constat dans la version finale du projet de décision. La décision finale adoptée par la COP-28 et la CMA-5 témoigne du niveau de compromis auquel les Parties sont parvenues pour prendre en compte les résultats de l’AR6.

 

Décision sur les dates et lieux des futures COP

Chaque année, à tour de rôle et dans un ordre bien défini, un des cinq groupes régionaux de l’ONU est chargé d’accueillir la COP : COP-29 (11-22 nov. 2024) : tour de l’Europe de l’Est et Orientale (UE-11+Europe orientale). Lors de la COP-27 (nov. 2022) et lors des sessions SBSTA-58/SBI-58 (juin 2023, Bonn), malgré les intenses discussions, aucun consensus ne s’est dégagé au sein des 23 pays du groupe régional Europe de l’Est sur un pays candidat (trois pays avaient manifesté leur intérêt : Bulgarie, Arménie, Azerbaïdjan). Ils avaient donc reporté leur choix à Dubaï. Il fallait donc nécessairement décider à Dubaï, la COP-29, étant l’année suivante. Le choix du pays hôte candidat de la COP-29 devait se faire par consensus au sein du groupe régional Europe de l’Est, et après il devait être soumis pour approbation formelle par l’ensemble des Parties à la COP-28.

A Dubaï, a ainsi finalement été adoptée une décision de la COP-28 sur le pays hôte de la COP-29. Dans un geste de bonne volonté et dans un effort pour rétablir la paix entre les deux pays, l’Arménie a finalement annoncé le 7 déc., qu’elle soutenait la candidature de l’Azerbaïdjan, en retirant sa propre candidature. Cette information a été confirmée par une déclaration conjointe de l’administration présidentielle de l’Azerbaïdjan et de l’Office du PM de l’Arménie, publiée le même jour. Ce geste a marqué la fin du blocage de plus d’un an. Les 21 autres pays au sein du groupe régional Europe de l’Est et Orientale ont ensuite soutenu la candidature de l’Azerbaïdjan, ce qui a ouvert la voie d’une approbation formelle par la COP-28. La COP-28 a formellement accepté la proposition de l’Azerbaïdjan d’accueillir la COP-29 (dans la capitale Bakou)

Par ailleurs, concernant la COP-30 (10-21 nov. 2025), devant se dérouler en Amérique latine et Caraïbes, la COP-28 a formellement accepté la proposition du Brésil de l’accueillir dans la ville de Belém, Etat de Pará (dans le nord-est du pays, en Amazonie). Le Président Lula avait annoncé la candidature de son pays le 27 mai 2023.

 

Décision sur le budget du Secrétariat de la CCNUCC

Une autre décision de la COP-28 porte sur les questions administratives, financières et budgétaires, et en particulier sur le budget 2024-2025 du Secrétariat de la CCNUCC. Le budget 2024-2025 a été soumis à la COP-28 dans un projet de décision préalablement approuvé à Bonn par le SBI-58 en juin 2023. Il a ainsi été adopté, à Dubaï, un budget de base de 74,6 M€ pour l’exercice biennal 2024-2025 (contre 62 M€ pour l’exercice 2022-2023), soit une hausse de 19%. En revanche, n’a pas été adopté de budget complémentaire de 152,3 M€ pour mener à bien toutes les tâches à accomplir sur 2024-25. Pour les activités complémentaires (activités récurrentes ou à long terme ou activités temporaires ou à court terme) : un budget total de 100,1 M€ avait initialement été proposé. Pour les activités complémentaires utiles pour atteindre les buts et objectif de la Convention Climat, du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris : un budget total de 52,2 M€ avait initialement été proposé. Il reste ainsi un budget complémentaire total de 152,3 M€ à trouver donc : on voit que le budget de base représente la moitié du budget complémentaire nécessaire (74,6 M€ sur 152,3 M€).

Chaque année, dans leurs décisions, la COP et la CMA confient de plus en plus de tâches au Secrétariat, surtout dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, mais il faut financer les travaux techniques découlant de ces nouvelles tâches. Le budget du Secrétariat devrait donc être à la mesure de l’ampleur de ces tâches. La décision comporte en annexe un barème indicatif des contributions au budget de base de l’ensemble des Parties à la CCNUCC (en % du total) pour l’exercice 2024-2025.

 

 

 

Que retenir des annonces en dehors des négociations formelles

Segment de haut-niveau

Les 1er-2 décembre ont eu lieu le segment de haut niveau et le sommet mondial pour l’action climat (World Climate Action Summit ou WCAS). 137 Chefs d’Etat et de Gouvernement y ont prononcé une allocution (voir liste des dirigeants le 1er déc. et celle du 2 déc. 2023 | voir allocutions). Les absences de Joe Biden (il a envoyé sa vice-Présidente, Kamala Harris), de Xi Jinping, du Premier Ministre du Canada (Justin Trudeau) et du Premier Ministre de l’Australie (Anthony Albanese) ont été remarquées. L’objet de cette séquence, avec la présence des dirigeants mondiaux, était de donner une forte impulsion politique avant le lancement des négociations sur les différents sujets à l’ordre du jour. Ces segments sont en général l’occasion pour les dirigeants mondiaux de présenter les politiques climat nationales, de témoigner directement des impacts du dérèglement climatique subis, de s’engager à fournir un soutien financier et de critiquer, voire montrer du doigt des pays n’ayant pas respecté leurs engagements précédents. Dans la synthèse de ces 2 jours, établie par la Présidence, une seule référence aux combustibles fossiles : « les dirigeants ont souligné les possibilités d’accélérer la réduction progressive des combustibles fossiles au soutien d’une transition compatible avec l’objectif de +1,5°C ». Aucune mention d’une sortie des combustibles fossiles et ce, alors que le sujet a été évoqué à plusieurs reprises.

Une véritable pluie d’annonces a eu le 2 décembre, à cette occasion. De très nombreuses annonces et déclarations volontaires (non contraignantes donc) de la part des Etats ont été faites, notamment lors du segment de haut niveau sur les sujets suivants : engagements climat-énergie ; financement ; lancement de coalitions… En particulier notons :

  • l’Engagement sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (Global Renewables and Energy Efficiency Pledge) visant à tripler les capacités de production des énergies renouvelables (EnR) d’ici 2030 pour atteindre au moins 11 TWh en 2030, contre environ 3 400 TWh aujourd’hui ; et à doubler le rythme d’amélioration moyen de l’intensité énergétique au niveau mondial dans tous les secteurs d’ici 2030 pour atteindre 4% par an. 123 Parties (122 Etats + UE) ont souscrit à cet engagement, avec cependant l’absence de plusieurs Etats producteurs et consommateurs d’énergies fossiles parmi les 123 signataires : Chine, Inde, Russie, Arabie saoudite, Venezuela, Qatar, Koweït, Afrique du Sud, Indonésie.
  • La Déclaration d’intention sur l’hydrogène (UAE Hydrogen Declaration of Intent). 37 Parties ont convenu d’avaliser une norme de certification mondiale de l’hydrogène bas-carbone et de reconnaître réciproquement les dispositifs de certification existants.
  • L’Initiative Accélérateur de la sortie du charbon (Coal Transition Accelerator ou CTA), lancée par huit pays (France et Etats-Unis en tête) pour partager l’expertise des Etats, concevoir de nouvelles politiques et débloquer de nouvelles sources de financement public et privé pour faciliter la transition juste du charbon vers l’énergie bas-carbone
  • La Déclaration conjointe sur le nucléaire à l’initiative de la France, 25 pays ont appelé, via cette déclaration, de tripler la capacité mondiale de production d’énergie nucléaire d’ici 2050 (par rapport à 2020). La capacité mondiale s’élève aujourd’hui à 413 GW, répartie en 32 pays (source : AIE, 2023). Parmi les signataires, on retrouve les pays suivants : Arménie, Bulgarie, Canada, Corée du Sud, Croatie, Emirats arabes unis, Etats-Unis, France, Finlande, Ghana, Hongrie, Jamaïque, Japon, Moldavie, Mongolie, Maroc, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Ukraine et Royaume-Uni. Cet appel volontaire montre le regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire, remise en cause par plusieurs pays après l’accident de Fukushima (Japon) en 2011. Emmanuel Macron a annoncé que le 1er sommet international sur le nucléaire se tiendra en Belgique en 2024.
  • La Coalition internationale visant à supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles (International coalition to phase out fossil fuel subsidies). Il s’agit d’une déclaration signée par 12 Parties (Pays-Bas, Antigua et Barbude, Autriche, Belgique, Canada, Costa Rica, Danemark, Espagne, Finlande, France, Irlande, Luxembourg. Cette initiative a été lancée le 9 décembre par les Pays-Bas.
  • La Déclaration des dirigeants mondiaux sur un cadre mondial pour le financement climat (UAE leaders’ declaration on a global climate finance framework). 13 Parties l’ont signée (dont la France, le Kenya et la Barbade).
  • La Task force sur la taxation internationale, annoncée par le Président de la République lors de son allocution le 1er déc. : avec la Barbade, le Kenya, l’Espagne et Antigue et Barbude, la France a lancé une task force internationale qui devra rendre ses conclusions au sommet G20 de Rio (18-19 nov. 2024). Objectif : se mettre d’accord, lors de la COP-30 (Belém, nov. 2025), sur des propositions concrètes pour mettre en place une taxation internationale et ce, afin de lever de ressources financières nouvelles et innovantes pour financer la lutte contre les inégalités et le changement climatique. Ces propositions pourront ensuite être négociées par les institutions idoines (OCDE, G20, ONU,…). Les options avancées sont : les recours à des taxes sur le transport aérien/maritime international, sur les transactions financières, ou les énergies fossiles. L’idée avait précédemment été évoquée lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial (Paris, 22-23 juin 2023).
  • Le Groupe d’experts sur la dette, la nature et le climat (Expert Review on Debt, Nature and Climate), initiative lancée à Dubaï le 11 déc. 2023 par la France, le Kenya et la Colombie. Son objectif est de réunir des experts indépendants pour examiner les liens entre la dette nationale des pays à revenu faible et intermédiaire et ses impacts sur leur ambition climat, afin d’évaluer leur capacité à préserver l’environnement, à s’adapter aux changements climatiques et à décarboner leurs économies. L’idée avait déjà été évoquée lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial (Paris, 22-23 juin 2023).
  • L’Engagement mondial sur le refroidissement (Global Cooling Pledge). 61 Parties à ce jour ont signé cet engagement qui cible tout particulièrement les HFC, avec pour objectif une réduction d’au moins 68% des émissions mondiales de GES issues des systèmes de refroidissement dans tous les secteurs d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 2022).
  • La Déclaration sur le climat et la santé (UAE Declaration on climate and health) : 143 Parties (132 pays et l’UE) l’ont signée à ce jour. La Journée thématique santé a aussi eu lieu le 3 décembre, avec notamment une réunion ministérielle sur le climat et la santé, rassemblant des représentants des Ministères de la Santé d’une centaine de pays. Cette déclaration ne fait pas une seule mention de la cause principale du dérèglement climatique : les énergies fossiles.
  • La Déclaration sur l’agriculture durable, des systèmes alimentaires résilients et l’action climat (UAE Declaration on sustainable agriculture, resilient food systems and climate action).134 dirigeants mondiaux ont signé la déclaration (le 1er déc.). Cette déclaration souligne l’importance du suivi de la mise en œuvre de ces engagements et de l’évaluation des résultats obtenus et des progrès accomplis vers la réalisation de leurs objectifs.

 

A noter également le Sommet sur le méthane et les autres GES hors CO2 qui s’est tenu le 3e jour de la COP-28 (2 déc.). A l’initiative des Etats-Unis, de la Chine et des Emirats arabes unis, ce sommet était destiné à envoyer un signal politique fort de la coopération Etats-Unis-Chine et à montrer l’importance que les deux premiers émetteurs de GES accordent à la réduction des émissions du 2e GES en termes de forçage radiatif.

Le 9 décembre s’est tenue la 2e partie du segment de haut niveau où 57 Ministres (Ministres des Affaires étrangères, du Climat, de l’Energie et/ou de l’Environnement) ont prononcé une allocution (voir liste | voir allocutions).

 

 

Autres annonces

Fonds vert pour le climat

D’autres annonces ont été faites en parallèles des négociations formelles et en plus du segment de haut-niveau. En premier lieu, des annonces importantes ont été faites concernant le Fonds vert pour le climat. Le 2 décembre : nouvel engagement des Etats-Unis : Kamala Harris a annoncé que les Etats-Unis s’engagent à apporter une nouvelle contribution de 3 Md$. C’est la première fois depuis 2014 que les Etats-Unis se sont engagés à fournir une contribution au GCF : Barack Obama s’était engagé en novembre 2014 à verser 3 Md$ au GCF, mais il n’avait versé que 1 Md$ et Donald Trump avait bloqué le versement des 2 Md$ restants. Il s’agit d’un signal fort en direction des pays en développement. Cependant, il est peu probable que cet engagement soit honoré car il est conditionné à l’approbation par le Congrès américain – Joe Biden va donc devoir franchir cet obstacle pour l’honorer. Cinq autres pays ont annoncé de nouvelles contributions à ce fonds verts, en plus des Etats-Unis. Les 1er-2 décembre ont été annoncées les contributions de l’Estonie (1 M€), l’Italie (300 M€), le Portugal (4 M€) et la Suisse (135 M CHF). Le 7 décembre, c’était au tour de l’Australie (50 M$ AU).

 

Fonds pour l’adaptation

Neuf pays ont annoncé de nouvelles contributions au Fonds pour l’adaptation : Autriche (20 M€), Bruxelles 2,6 M€), Québec (10 M$ CAN), France (10 M€), Allemagne (60 M$), Luxembourg (1 M€), Espagne (20 M€), Suède (230 M SEK), Suisse (15 M CHF). Le total des contributions promises s’élève à 191,7 M$.

 

Fonds pertes et préjudices

Les 1er-2 décembre, outre les annonces des six Parties lors de la plénière d’ouverture de la COP-28, dix autres Parties ont annoncé une contribution au nouveau fonds sur les pertes et préjudices : Canada (16 M$ CAN), Danemark (175 M DKK), Finlande (3 M€), France (100 M€), Irlande (25 M€), Italie (100 M€), Pays-Bas (15 M€), Norvège (270 M NOK), Slovénie (1,5 M€), Espagne (20 M€) => total des contributions promises : 655,9 M$.

 

Source : NRDC d’après les engagements annoncés lors de la COP-28, état au 21 déc. 2023.

 

Bilan et prochaines étapes

Bilan de la Présidence émiratie

Le jour de l’ouverture de la COP-28, dans un véritable coup diplomatique, le président Al-Jaber a obtenu trois avancées majeures. Lors de la plénière d’ouverture, environ 2h après le début de la Conférence, il a fait adopter le projet de décision sur l’opérationnalisation du nouveau fonds pertes et préjudices, la priorité des priorités d’un très grand nombre de Parties en arrivant à Dubaï.

La Présidence a poussé à l’adoption dès le début car elle était parfaitement consciente que ce dossier pouvait faire échouer la conférence (c’était un texte de compromis fragile adopté à contre-cœur des pays en développement qui ont fait d’importantes concessions : il reste bien en deçà de leurs attentes). A peine cette avancée majeure inattendue obtenue, Al Jaber a déclaré que les Emirats seraient le premier pays à contribuer au nouveau fonds, à hauteur de 100 M$, incitant ainsi d’autres pays à annoncer leurs propres contributions dans la foulée. Il a réussi à faire adopter rapidement les programmes de travail respectifs de la COP-28, de la CMA-5, de la CMP-18, du SBSTA-59 et du SBI-59 sans désaccord, ni blocage, comme on a vu à Bonn en juin 2023. Incontestablement, la Présidence émiratie s’est beaucoup investie dans le processus COP-28. Il a mis en place des binômes ministériels dès septembre 2023 pour mener des consultations informelles avec les Parties sur les sujets clés (bilan mondial,…), soit deux mois avant le début de la COP-28, alors que d’habitude, ces binômes sont établis par les Présidences des COP au début de la 2e semaine de la conférence).

A noter que le fait que la COP-28 se soit tenue dans un pays pétro-gazier a eu un effet catalyseur : cela a permis de focaliser le débat sur la question des fossiles, mobilisant et entraînant ainsi un soutien inédit de la part de la société civile, de la communauté scientifique et de nombreux Etats en faveur de la sortie progressive des fossiles.

 

Bilan sur le fond

La COP-28 a permis une avancée majeure : l’adoption des modalités de fonctionnement du fonds pertes et préjudices.

Par ailleurs, la COP-28 a marqué une étape importante pour la mise en œuvre dynamique de l’Accord de Paris avec la conclusion de son premier Bilan mondial (Global Stocktake) – même si la décision finale de la COP-28 et de la CMA-5 est un texte de compromis basé sur le consensus entre les 195 Parties. Les attentes étaient très fortes en amont de Dubaï (plus de 100 Parties, les ONG, la communauté scientifique, la société civile) pour que le résultat du GST envoie un signal politique fort en faveur de la sortie progressive des énergies fossiles.

La décision sur le GST fixe des objectifs collectifs pour la transition énergétique dans les sept prochaines années (au cours de cette décennie « cruciale ») autour de trois piliers : énergies renouvelables, efficacité énergétique et transition hors des combustibles fossiles.

La COP-28 a donné lieu à une décision qualifiée d’« historique » puisqu’elle lève un tabou en intégrant pour la première fois en 28 ans de COP une référence explicite aux combustibles fossiles dans leur ensemble (pétrole, gaz et charbon), dont la combustion est à l’origine du dérèglement climatique [même si la décision ne comporte que deux mentions, § 28(d) et § 28(h)]. Alors que le rapport technique du Bilan mondial, publié le 8 septembre 2023, concluait que « l’intensification des énergies renouvelables et la sortie progressive de tous les combustibles fossiles [phase out] sont des éléments indispensables à une transition énergétique juste vers zéro émission nette » [§ 19], cette conclusion a été édulcorée dans la décision politique finale. La décision finale ne parle ni de « sortie progressive » ni « réduction progressive » des combustibles fossiles, mais « assurer une transition pour s’en éloigner »[1]  [« transitioning away from »], formulation de compromis moins ambitieuse, mais qui a néanmoins permis de rallier l’ensemble des Parties, dont les pétro-Etats que sont l’Arabie saoudite et l’Iraq qui s’opposent toujours à toute référence à la sortie progressive des fossiles. On peut se poser la question : est-ce normal qu’une poignée d’Etats pétro-gaziers ait empêché une majorité de pays (127 Parties sur les 195 que compte l’Accord de Paris) de faire un plus grand pas vers l’abandon des énergies fossiles ? Quoi qu’il en soit, le résultat ne doit pas être considéré comme un aboutissement mais comme un point de départ. Cette décision marque le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles, du moins sur le papier ! Au-delà du débat sémantique sur le choix du mot, ce qui compte désormais c’est que les Etats se mettent à faire cette transition concrètement ! La décision GST a été adoptée peu après 8h du 13 déc., mais les délégués représentant les 39 pays de l’Alliance des petits Etats insulaires (Aosis) n’étaient pas dans la salle quand le Président de la COP-28 a donné le coup de marteau pour marquer l’accord de la salle sur l’adoption du texte. Ils étaient en train de coordonner leur position avant de se prononcer (source : tweet de Carbon Brief du 13 déc. 2023)

Le bilan est mitigé sur quatre volets clés :

  • sur l’adaptation : la décision sur l’objectif mondial est peu ambitieuse. Elle n’a pas réussi à donner de signaux forts alors que cette question était cruciale pour les pays africains ;
  • sur l’atténuation : peu d’avancées concrètes dans le programme de travail MWP ;
  • sur les mécanismes de marché (articles 6.2 et 6.4) : toujours pas d’accord sur l’intégralité des règles techniques encadrant les échanges de « crédits carbone », 8 ans après l’adoption de l’Accord de Paris ;
  • sur le financement et notamment le financement de l’adaptation. Malgré les nombreuses annonces de contributions aux divers fonds (fonds d’adaptation, fonds vert et nouveau fonds pertes et préjudices), on est loin du compte par rapport aux besoins réels des pays en développement vulnérables (petit Etats insulaires et pays les moins avancés, mais pas uniquement…). Les pays en développement craignent qu’à présent que le fonds pertes et préjudices est opérationnel et que les pays industrialisés commencent à l’alimenter, cela puisse dédouaner ceux-ci d’accroître le financement de l’adaptation via le fonds d’adaptation. Peu d’avancées concrètes ont été faites sur la définition d’un nouvel objectif collectif chiffré post-2025 : la plupart des pays industrialisés ne sont pas disposés à se mettre d’accord sur le fond du sujet (c’est-à-dire de chiffrer l’objectif) avant l’échéance de la COP-29. On note toujours de fortes divergences et tensions entre pays en développement et pays industrialisés, surtout sur le financement.

 

Globalement, les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux : il y a un décalage énorme entre la lenteur des négociations et l’urgence climatique.

 

 

Prochaines étapes

COP-29 (2024) : Bakou, Azerbaïdjan

La future COP-29 a d’ores-et-déjà été qualifiée de « COP du financement climat » car c’est à la COP-29 que les Parties doivent se mettre d’accord sur un nouvel objectif collectif chiffré pour le financement climat post-2025. Les négociations risquent d’être tendues (contexte géopolitique et économique mondial très difficile). Le sujet des combustibles fossiles sera de nouveau au cœur des débats formels et en dehors : après l’Egypte et les Emirats, l’Azerbaïdjan sera le 3e pays producteur d’énergies fossiles à accueillir la COP. L’Azerbaïdjan est l’un des dix premiers Etats pétro-gaziers, très dépendant de ces fossiles : en 2021, le secteur pétro-gazier représentait deux tiers (64%) de son PIB, soit plus que les Emirats (52%) (source : Climate Home News, 10 déc. 2023 d’après Carbon Tracker, 11 février 2021). En 2021, 90% des recettes d’exportations provenaient du secteur pétro-gazier (source : AIE, juin 2021)

Le 3 janvier 2024, Mukhtar Babayev, Ministre de l’Ecologie, a été nommé Président de la COP-29. C’est un ancien cadre de la Socar (State Oil Company of Azerbaïdjan Republic) de 1994 à 2010, dont le vice-Président, en charge des questions environnementales (2007-2010). Ce sera donc la deuxième année consécutive qu’un proche des intérêts fossiles présidera la COP. Quelles seront les conséquences sur les discussions sur la taxation des combustibles fossiles (qui s’appuieront probablement sur les propositions de la Task Force à soumettre au sommet G20 qui aura lieu pendant la COP-29). Les pays industrialisés devront prendre l’initiative de montrer la voie de la sortie des combustibles fossiles. Pays sous un régime plutôt autoritaire, l’Azerbaïdjan n’a pas une grande expérience en matière de diplomatie climat.

Un autre enjeu majeur pour le climat en 2024 est l’issue des élections présidentielles aux Etats-Unis – pour l’instant, l’ancien Président, Donald Trump, est donné gagnant et il est fort à parier que sa victoire aurait un impact non négligeable sur le multilatéralisme climatique.

 

Prochaines COP

Les lieux pressentis pour les prochaines COP sont les suivants :

  • COP-30 (2025) : Belém, Brésil, déjà surnommée « la COP des forêts tropicales » . Ce sera aussi l’année de la remise de la prochaine série de NDC (période de mise en œuvre jusqu’en 2035) ;
  • COP-31 (2026) : L’Australie pourrait être l’hôte de cette COP qui doit se dérouler dans la région « Europe occidentale et autres » incluant Etats-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande… ;
  • COP-32 (2027) : dans la région Afrique, il n’y a pas encore de candidature claire ;
  • COP-33 (2028) : dans la région Asie-Pacifique, l’Inde pourrait être pressentie. Ce sera l’année du deuxième Bilan mondial (Global Stocktake).

 

 

 

Lectures essentielles :

 

 

[1] Valérie Masson-Delmotte utilise le terme « transition vers l’abandon des énergies fossiles ».

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