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Adaptation au dérèglement climatique : le PNUE publie son rapport annuel sur l’écart entre les besoins et les efforts (Adaptation Gap Report)

  • Réf. : 2023_11_a01
  • Publié le: 2 novembre 2023
  • Date de mise à jour: 2 novembre 2023
  • International

Le 2 novembre 2023, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a publié son rapport annuel sur l’adaptation (Adaptation Gap Report) qui évalue l’écart entre les efforts consentis par les Etats pour s’adapter au dérèglement climatique (dont les flux de financement fournis par les pays industrialisés aux pays en développement) et les besoins réels nécessaires des pays en développement pour y faire face. Cette année le rapport s’intitule : « Rapport 2023 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques – Manque de préparation et de financement – l’insuffisance des investissements et de la planification en matière d’adaptation au climat expose le monde au danger ». Ce rapport est réalisé à l’instar du rapport annuel du PNUE sur l’atténuation (Emissions Gap Report) sur l’écart entre, d’une part, l’ambition des Etats en termes d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030 et, d’autre part, la science (c’est-à-dire les réductions nécessaires en 2030 pour suivre une trajectoire d’émissions de GES compatibles avec l’objectif de +1,5°C).

 

Que retenir de ce nouveau rapport sur l’adaptation ?

Manque de progrès

Le PNUE constate que les progrès en matière d’adaptation au climat ralentissent dans les trois domaines évalués : le financement, la planification et la mise en œuvre, alors qu’ils devraient pourtant s’intensifier pour contrer les effets croissants du changement climatique.

Selon le PNUE, la lenteur et l’insuffisance des mesures d’atténuation et d’adaptation se traduisent de plus en plus par des limites à l’adaptation, dont certaines ont peut-être déjà été atteintes. Ce manque d’adaptation aggrave la crise climatique et a des répercussions considérables sur les pertes et les dommages, en particulier pour les personnes les plus vulnérables.

 

Coûts révisés à la hausse

Le rapport a fait l’objet d’une importante mise à jour et estime désormais que les coûts d’adaptation sont plus élevés que ceux estimés dans les rapports précédents. Ainsi, l’estimation des coûts actualisés de l’adaptation pour les pays en développement se situe dans une fourchette centrale plausible entre 215 à 387 milliards de dollars (Md$) par an au cours de la décennie 2021-2030. Cette fourchette s’explique par deux modes d’estimations de ces coûts. D’une part, les coûts modélisés de l’adaptation dans les pays en développement sont estimés à 215 Md$ par an au cours de cette décennie et devraient augmenter de manière significative d’ici 2050. D’autre part, le financement de l’adaptation nécessaire pour mettre en œuvre les priorités nationales en matière d’adaptation, basé sur l’extrapolation des contributions déterminées au niveau national (NDC) et des plans nationaux d’adaptation (NAP) de tous les pays en développement, est estimé à 387 Md$ par an pour la période 2021-2030.

 

Un grand écart entre les besoins et les flux de financement fourni

Les besoins de financement pour l’adaptation des pays en développement sont 10 à 18 fois plus importants que les flux de financement public international en 2021, soit en hausse de plus de 50% par rapport à la fourchette d’estimation précédente (flux de financement international en 2020 estimés à 5 à 10 inférieurs aux besoins réels, voir p.32 de notre dossier de fond sur la COP-27).

Le rapport souligne que les flux publics multilatéraux et bilatéraux de financement de l’adaptation vers les pays en développement ont diminué de 15% pour atteindre environ 21 Md$ en 2021. Cette baisse, jugée inquiétante par le PNUE, intervient malgré les promesses faites lors de la COP-26 à Glasgow de doubler le soutien financier à l’adaptation en 2019 pour atteindre environ 40 Md$ par an d’ici à 2025. 

En raison de l’augmentation des besoins de financement de l’adaptation et de l’affaiblissement des flux, l’estimation du déficit actuel de financement de l’adaptation est désormais comprise entre 194 et 366 Md$ par an.

 

Les pertes et préjudices

En raison de la lenteur d’adoption et de mise en oeuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation, les pertes et les préjudices (loss and damage) liés au climat augmentent.

Selon une étude sur les pertes économiques subies par les 55 pays les plus vulnérables publiée le 14 juin 2022 par le groupe V20 (Vulnerable Twenty) et le Forum de la Vulnérabilité climatique (Climate Vulnerable Forum), ces 55 pays ont déjà subi à elles seules des pertes et des préjudices de 525 Md$ sur la période 2000-2019, soit 22% de leur PIB total en 2019 (voir pp.22-23 de l’étude pour la liste des 55 pays vulnérables). Ces coûts augmenteront fortement au cours des prochaines décennies, en particulier en l’absence de mesures fortes d’atténuation et d’adaptation, mais des chiffres plus solides sont nécessaires pour étayer l’urgence de remédier aux pertes et aux préjudices.

Le nouveau fonds pour les pertes et préjudices, décidé lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh le 20 novembre 2022 (cf. décisions 2/CP.27 et 2/CMA.3voir p.35 de notre dossier de fond sur la COP-27) mais qui doit être finalisé et rendu opérationnel lors de la COP-28 (30 nov.–12 déc. 2023), sera un instrument important pour mobiliser des ressources, mais des problèmes subsistent. Le fonds devra s’orienter vers des mécanismes de financement plus innovants pour atteindre l’ampleur d’investissement nécessaire.

 

L’importance d’investir dans l’adaptation

Investir dans l’adaptation et l’atténuation aujourd’hui permettra de minimiser les coûts climatiques à l’avenir. Une adaptation ambitieuse peut renforcer la résilience, ce qui est particulièrement important pour les pays à faible revenu et les groupes défavorisés, notamment les femmes. Des études indiquent que chaque Md$ investi dans l’adaptation aux inondations côtières entraîne une réduction de 14 Md$ des dommages économiques. Un investissement de 16 Md$ par an dans l’agriculture permettrait d’éviter à environ 78 millions de personnes de souffrir de la faim ou d’une famine chronique en raison des effets du climat.

 

L’importance de trouver des moyens de financement de l’adaptation

Le PNUE souligne qu’il est essentiel de trouver des moyens novateurs pour financer une meilleure adaptation au dérèglement climatique, en mettant l’accent sur l’adaptation anticipée et l’efficacité. Ni l’objectif de doubler les flux financiers internationaux vers les pays en développement d’ici à 2025 (par rapport à 2019), ni un éventuel nouvel objectif collectif quantifié de financement climat au sens large pour 2030 ne permettront à eux seuls de combler de manière significative le déficit de financement de l’adaptation.

Le nouveau rapport du PNUE identifie sept moyens d’accroître les financements, notamment par le biais des dépenses nationales et du financement international et du secteur privé. Parmi les autres pistes figurent les transferts de fonds, l’augmentation et l’adaptation des financements aux petites et moyennes entreprises, la mise en œuvre de l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris sur la réorientation des flux financiers vers des trajectoires de développement à bas-carbone et résilientes au changement climatique (lire notre article), et une réforme de l’architecture financière mondiale, comme le propose l’initiative de Bridgetown (Bridgetown Agendalire notre article).

 

En savoir plus

Communiqué du PNUE en français et en anglais

Synthèse en français et en anglais

Messages clés en français et en anglais

Rapport intégral

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