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La Commission européenne a présenté sa proposition de révision du règlement sur les gaz fluorés

  • Réf. : 2022_05_a01
  • Publié le: 11 mai 2022
  • Date de mise à jour: 16 mai 2022
  • UE

Le 5 avril 2022, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement révisant le règlement dit F-Gas (règlement (UE) n° 517/2014) sur les gaz à effet de serre fluorés, au premier rang desquels les hydrofluorocarbures (HFC) (voir encadré de contexte en fin d’article). Annoncée dans le programme de travail 2022 de la Commission, publiée le 19 octobre 2021 (lire notre brève), cette proposition législative fait suite à la consultation publique menée du 15 septembre au 29 décembre 2020 (lire notre brève).

Sur la base des conclusions de l’évaluation du règlement existant réalisée par la Commission[1] dans le cadre de son réexamen, l’objectif global de la proposition législative est de parvenir à des réductions supplémentaires des émissions de gaz fluorés afin de contribuer à la réalisation d’une réduction globale de 55% des émissions de GES de l’ensemble des secteurs d’ici à 2030 et de la neutralité carbone à l’horizon 2050 (objectifs fixés par le règlement (UE) 2021/1119, dite « loi européenne sur le climat » – lire notre article).

Plus spécifiquement, la proposition vise à :

  • relever le niveau d’ambition : la proposition a pour objet de renforcer le fonctionnement du système de quotas pour limiter les HFC (et de permettre leur réduction progressive), réduisant de 98% l’incidence potentielle sur le climat des nouveaux HFC mis sur le marché entre 2015 et 2050. Elle introduirait également de nouvelles restrictions pour garantir que l’utilisation de gaz fluorés dans de nouveaux équipements ne serait possible que s’il n’existe aucune solution de remplacement appropriée. Par exemple, le SF6, le gaz à effet de serre le plus puissant[2], sera progressivement éliminé de tous les nouveaux équipements de transmission électrique (« appareillages de commutation ») d’ici à 2031 ;
  • renforcer et améliorer l’application et le respect des règles : la proposition permettrait aux autorités douanières et de surveillance de contrôler plus facilement les importations et les exportations, en s’attaquant au commerce illégal de gaz fluorés (notamment les sous-déclarations douanières et la non-déclaration douanière des quantités de HFC importées – lire notre dernier article publié sur ce sujet). En outre, les sanctions deviendront plus sévères et plus standardisées. Le système de quotas sera limité aux véritables négociants en gaz à l’aide de règles d’enregistrement plus strictes et de l’introduction d’un prix fixe des quotas. Le nombre d’ingénieurs qualifiés pour manipuler des équipements respectueux du climat en Europe augmenterait car les États membres seraient tenus d’étendre leurs programmes de certification et de formation relatives aux solutions alternatives ;
  • assurer une surveillance plus complète : un éventail plus large de substances et d’activités serait couvert et les procédures de déclaration et de vérification des données seraient améliorées afin de combler les lacunes existantes et d’améliorer la qualité des processus et des données en vue du respect des obligations ;
  • aligner intégralement le règlement F-Gas sur le Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone, tel qu’il a été modifié par l’Amendement de Kigali, adopté en 2016 (lire notre dossier de fond). La proposition de règlement supprimerait certaines exemptions et rendrait l’élimination progressive des HFC de l’UE totalement conforme au calendrier fixé par l’Amendement de Kigali (voir tableau ci-après).

 

Calendriers de réduction de la consommation et de la production des HFC pour les pays développés (dont l’UE) au titre de l’Amendement de Kigali au Protocole de Montréal

Remarques :

Les paliers de réduction sont les mêmes pour la production et la consommation.

Source : Amendement de Kigali (article 2J), 2016

 

Selon les estimations de la Commission, la proposition de règlement devrait permettre d’économiser 40 Mt CO2e d’ici 2030, allant au-delà de la réduction prévue par le règlement en vigueur, pour atteindre des économies supplémentaires totales de 310 Mt CO2e d’ici 2050 (source : communiqué de la Commission européenne, 5 avril 2022).

 

Prochaines étapes

La proposition de règlement a été soumise aux deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) pour examen et adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire, prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 289 et 294). Au cours de cette procédure, qui devrait durer deux ans environ, le texte initial proposé par la Commission risque d’être modifié au fur et à mesure des négociations entre les deux co-législateurs.

 

 

Le règlement Gaz fluorés et son évaluation

Le règlement (UE) n°517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés ou GES-F (JOUE L 150 du 20 mai 2014) est venu remplacer le règlement (CE) n° 842/2006. Le règlement (UE) n° 517/2014 a pour objectif de réaliser des réductions supplémentaires importantes de ces gaz de synthèse utilisés dans les applications industrielles. Ainsi, il vise à réduire d’ici 2030 les émissions de gaz fluorés de l’UE de deux tiers par rapport aux niveaux de 2014. Les émissions cumulées qui devraient être évitées par la mise en œuvre du règlement sont estimées à 1,5 Gt CO2e d’ici 2030 et à 5 Gt CO2e d’ici 2050 (source : Commission européenne/DG CLIM).

 

Le règlement impose une réduction progressive de la quantité de hydrofluorocarbures (HFC) mise sur le marché par l’allocation de quotas.

 

Le règlement vise deux familles de GES-F et un GES-F individuel :

  • les HFC : 19 molécules,
  • les hydrocarbures perfluorés (PFC) : 7 molécules,
  • l’hexafluorure de soufre (SF6).

 

En particulier, le règlement établit des règles sur :

  • le confinement,
  • l’utilisation, la récupération et la destruction des GES-F visés,
  • les conditions de mise sur le marché (dont l’étiquetage),
  • les restrictions d’utilisation de certains produits et équipements contenant des GES-F,
  • les conditions applicables à certaines utilisations spécifiques des GES-F,
  • les limites quantitatives de mise sur le marché des HFC.

 

Ainsi, le règlement (UE) 517/2014 (articles 15 à 18 et annexe V) instaure un mécanisme de réduction progressive consistant à appliquer un plafond dégressif au volume total (soit une quantité maximale) de HFC à mettre sur le marché dans l’UE (en tCO2e) depuis 2016-2017 pour atteindre, d’ici 2030, 21% des volumes vendus sur la période 2009-2012. La quantité maximale est calculée en appliquant les pourcentages ci-après, fixés à l’annexe V du règlement, à la moyenne annuelle des quantités totales de HFC mises sur le marché dans l’UE au cours de la période 2009-2012 :

Source : règlement (UE) 517/2014 (article 15).

Le palier de réduction qui s’applique actuellement à l’UE est donc -45% de la moyenne annuelle des quantités totales de HFC mises sur le marché dans l’UE au cours de la période 2009-2012.

Lire notre dossier de fond sur le règlement (UE) 517/2014.

 

Les émissions de gaz fluorés dans l’UE ont doublé entre 1990 et 2014. Cependant, à la suite de l’adoption de la mise en œuvre du règlement (UE) 517/2014, ces émissions connaissent une baisse constante depuis 2015 (source : données AEE). Ainsi, d’après les conclusions de l’évaluation réalisée par la Commission dans le cadre de la révision du règlement sur les gaz fluorés, celui-ci a permis d’inverser la tendance et d’entraîner, d’une année sur l’autre depuis 2015, une diminution des émissions de gaz fluorés. Aujourd’hui, les gaz fluorés représentent 2,5% des émissions totales de GES dans l’UE (source : communiqué de la Commission européenne, 5 avril 2022).

Par ailleurs, l’offre de HFC sur le marché de l’UE a diminué de 37% en tonnes métriques et de 47% en tonnes équivalent CO2 entre 2015 et 2019 (source : Commission européenne, proposition de règlement, COM(2022)150 final, 5 avril 2022, p.2). L’accent est désormais placé sur l’utilisation de solutions de remplacement à faible potentiel de réchauffement global (PRG), notamment les solutions de remplacement naturelles (par exemple, le CO2, l’ammoniac, les hydrocarbures, l’eau) pour de nombreux types d’équipements qui utilisaient traditionnellement des gaz fluorés. Toutefois, les réductions d’émissions envisagées d’ici à 2030 ne seront pas entièrement réalisées et un potentiel de réduction supplémentaire des émissions reste inexploité.

En outre, le règlement sur les gaz fluorés en vigueur ne peut pas garantir pleinement le respect de toutes les obligations (notamment l’objectif de 2036) découlant de l’Amendement de Kigali. Il n’existe pas d’objectif européen de réduction claire et suffisant à l’horizon 2036. Il faut donc rendre le règlement existant compatible avec les nouvelles règles fixées par l’Amendement de Kigali.

De même, les objectifs actuels du règlement existant ne sont pas compatibles avec les nouvelles ambitions climat de l’UE définies dans le cadre du pacte vert (Green Deal) et du règlement (UE) 2021/1119 (dite « loi européenne sur le climat » – lire notre article).

Enfin, des problèmes liés aux importations illégales de HFC, à un mauvais usage du système de quotas, à un besoin d’amélioration du suivi des quantités de HFC, pointés par la Commission, devaient être traités dans le cadre de la révision du règlement en vigueur.

 

 

En savoir plus

Proposition de règlement F-Gas (COM(2022) 150 final) (en français)

Communiqué de la Commission sur les deux propositions de règlement sur les gaz fluorés et sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone

Fiche questions-réponses sur les deux propositions gaz fluorés et couche d’ozone (en français)

La page du site de la DG CLIM consacrée aux gaz fluorés et à la révision du règlement F-Gas

Le portail du site de la DG CLIM consacré aux gaz fluorés et au dispositif d’autorisation des HFC : l’allocation, l’autorisation et la déclaration des quotas de HFC

Protocole de Montréal sur les SAO (sur le site du PNUE)

Plaquette PNUE : L’Amendement de Kigali au Protocole de Montréal : Réduction progressive des HFC, 2016

[1] Voir l’annexe 5 de l’analyse d’impact accompagnant la proposition de règlement.

[2] Avec un pouvoir de réchauffement global à 100 ans estimé à 22 800 fois celui du CO2 dans le 4e rapport d’évaluation du Giec (AR4) (valeur PRG approuvée par la COP à la Convention Climat et qui doit être utilisée dans les inventaires nationaux jusqu’à fin 2022), à 23 500 fois dans l’AR5 (valeur PRG approuvée par la COP-24 et qui devra être utilisée par les Parties à partir du 1er janvier 2023 (pour leur inventaire relatif à l’année 2021) et à 25 200 fois dans l’AR6 (valeur PRG non encore approuvée par la COP).

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