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Etat de la couche d’ozone : mise à jour 2022 de l’évaluation scientifique quadriennale (OMM/PNUE)

  • Réf. : 2023_01_a06
  • Publié le: 24 janvier 2023
  • Date de mise à jour: 23 janvier 2023
  • International

Le 9 janvier 2023, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ont conjointement publié une synthèse de l’édition 2023 de l’évaluation scientifique de l’appauvrissement de la couche d’ozone [ozone stratosphérique]. Cette 10e évaluation quadriennale a été réalisée avec la collaboration de l’Agence américaine de l’étude des océans et de l’atmosphère (NOAA), de l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace (NASA), ainsi que de la Commission européenne. Elle a été élaborée et approuvée par 230 scientifiques de 30 pays (dont la France) au sein du Groupe d’experts sur l’évaluation scientifique (Scientific Assessment Panel ou SAP). La 9e évaluation en la matière avait été publiée par l’OMM et le PNUE en 2018, (lire notre brève), la 8e évaluation en 2014 (lire notre article) et le 7e en 2010 (lire notre article), la première ayant été publiée en 1989. La réalisation d’une telle évaluation scientifique est prévue « au moins tous les quatre ans » par l’article 6 du Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone (1987).

 

Que retenir de cette 10e évaluation ?

 

Ce que le Protocole de Montréal a réussi à réaliser

  • les actions mises en œuvre dans le cadre du Protocole de Montréal ont continué à faire baisser les concentrations atmosphériques des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (SAO) et à permettre la poursuite de la reconstitution de la couche d’ozone stratosphérique ;
  • les concentrations atmosphériques de SAO chlorées et bromées mesurées dans la troposphère ont continué à baisser depuis la 9e évaluation en 2018 ;
  • la baisse des émissions de SAO du fait du respect des obligations découlant du Protocole de Montréal permettrait d’éviter un réchauffement compris entre +0,5°C et +1,0°C d’ici 2050 par rapport au scénario extrême où il y aurait une hausse incontrôlée des émissions de SAO de 3 à 3,5% par an ;
  • la reconstitution de la couche d’ozone progresse dans la stratosphère supérieure. La colonne d’ozone total en Antarctique poursuit sa reconstitution malgré une variabilité interannuelle importante de l’ampleur et de la durée du trou d’ozone. En dehors de la zone de l’Antarctique (de 90°N au 60°S), la reconstitution limitée depuis 1996 fait l’objet d’une confiance faible de la part des scientifiques ;
  • selon les projections, la colonne d’ozone total devrait se reconstituer à ses niveaux antérieurs à 1980 [année de référence] d’ici 2066 environ dans l’Antarctique, d’ici 2045 environ dans l’Arctique et d’ici 2040 environ pour les autres zones (60°N-60°S). L’évaluation de l’appauvrissement de la colonne d’ozone total des différentes régions du globe demeure peu ou prou inchangée depuis le 9e bilan en 2018 ;
  • selon les projections, le respect des obligations découlant de l’amendement de Kigali au Protocole de Montréal (adopté en 2016 – lire notre dossier de fond) devrait permettre d’éviter un réchauffement de 0,3°C à 0,5°C d’ici 2100 (estimation hors émissions de HFC-23 – lire notre article).

 

 

Les problèmes scientifiques et politiques actuels

  • l’identification des émissions inattendues de CFC-11 de 2013 à 2018 a conduit à des enquêtes scientifiques (voir rapport de l’OMM publié en 2021) et à des actions politiques en réponse. Grâce à des observations, à des analyses et à des estimations, il a été possible de localiser la région constituant la source d’au moins la moitié de ces émissions inattendues (Chine orientale). Ces émissions ont nettement baissé de 2017 à 2019 ;
  • des émissions d’autres SAO dont la source n’est pas connue ont été identifiées (CFC-13, CFC-112a, CFC-113a, CFC-114a, CFC-115 et le tétrachlorure de carbone [CCl4], ainsi que HFC-23). Certaines de ces émissions non élucidées proviendraient vraisemblablement des fuites de matières premières ou seraient des sous-produits. Pour le reste de ces émissions non élucidées, l’origine n’est pas connue ;
  • en dehors des régions polaires, selon les observations et les travaux de modélisation, l’ozone présent dans la stratosphère supérieure continue à se reconstituer. En revanche, l’ozone présent dans les couches inférieures de la stratosphère n’a pas montré de signes d’une reconstitution ;
  • le réseau existant de stations de surveillance de l’atmosphère fournit des mesures des concentrations mondiales en surface des SAO à longue durée de vie et de HFC provenant d’émissions anthropiques. Toutefois, les lacunes de la surveillance atmosphérique régionale limitent la capacité de la communauté scientifique à identifier et à quantifier les émissions de SAO de nombreuses régions sources ;
  • plusieurs instruments spatiaux (satellites,…) fournissant des mesures mondiales à résolution verticale des composés atmosphériques liés à l’ozone (par exemple le chlore réactif, la vapeur d’eau et les traceurs de transport à longue durée de vie) doivent être retirés du service d’ici quelques années. Si ces instruments ne sont pas remplacés, la capacité de surveiller et d’expliquer l’évolution de la couche d’ozone stratosphérique à l’avenir sera entravée ;
  • pour la première fois, Groupe d’experts sur l’évaluation scientifique (SAP) a examiné les impacts potentiels sur l’ozone stratosphérique de l’injection d’aérosols stratosphériques (stratospheric aerosol injection ou SAI), qui a été proposée comme une option possible de géo-ingénierie pour atténuer le réchauffement climatique et ce, conformément au cahier des charges défini pour le rapport d’évaluation 2022 du SAP. L’évaluation a identifié d’importantes conséquences potentielles, telles que l’aggravation du trou d’ozone en Antarctique et le retard dans la reconstitution de l’ozone. De nombreuses lacunes et incertitudes concernant les connaissances empêchent une évaluation plus solide à l’heure actuelle ;
  • parmi les préoccupations croissantes concernant l’ozone au 21e siècle figurent les impacts :
    • de nouvelles augmentations des concentrations de protoxyde d’azote (N2O), de méthane (CH4) et de CO2,
    • de l’expansion rapide de la consommation de SAO et de HFC comme matières premières et des émissions qui en résultent,
    • du changement climatique sur la colonne d’ozone total dans les zones tropicales,
    • des incendies de forêt et des éruptions volcaniques,
    • de la fréquence accrue des lancements de fusées civiles,
    • des émissions d’une nouvelle flotte d’avions commerciaux supersoniques proposée.

 

 

Ce qu’il faut prendre en compte dans l’élaboration des futures politiques

  • si les émissions de SAO utilisées comme matières premières, telles qu’elles sont actuellement estimées, devaient être éliminées dans les années à venir, le retour des concentrations du chlore stratosphérique effectif équivalent (Equivalent Effective Stratospheric Chlorine ou EESC) des latitudes moyennes à leur niveau de 1980 pourrait être avancé de près de quatre ans, en grande partie grâce à la réduction des émissions de CCl4, et ainsi réduire le forçage climatique total dû aux SAO ;
  • l’élimination des émissions futures de bromure de méthyle (CH3Br) provenant des applications de quarantaine et de pré-expédition actuellement autorisées par le Protocole de Montréal permettrait d’accélérer de deux ans le retour des concentrations d’EESC des latitudes moyennes à leur niveau de 1980 ;
  • les émissions de SAO chlorées à très courte durée de vie d’origine anthropique, et surtout celles de dichlorométhane (CH2Cl2), continuent de croître et contribuent à l’appauvrissement de la couche d’ozone. L’élimination de ces émissions permettrait d’inverser rapidement cet appauvrissement ;
  • une réduction de 3% des émissions mondiales de N2O d’origine anthropique, en moyenne sur la période 2023-2070, entraînerait une augmentation de la colonne d’ozone total mondial, en moyenne annuelle, d’environ 0,5 DU (unités Dobson – voir encadré ci-dessous) sur la même période et une diminution d’environ 0,04 Wm-2 du forçage radiatif (voir encadré ci-dessous), en moyenne sur la période 2023-2100 ;
  • les émissions mondiales de HFC-23 (lire notre article), qui sont en grande partie un sous-produit de la production de HCFC-22 (lire notre article), sont jusqu’à huit fois plus importantes qu’initialement projeté et risquent d’augmenter si les mesures de réduction ne sont pas mises en place lors de la production de HCFC-22 ou si l’utilisation de HCFC-22 comme matière première ne diminue pas ;
  • les émissions actuelles cumulées, pondérées en fonction du PRG, des CFC et des HCFC sont comparables à celles des HFC. Pour réduire les émissions futures des CFC et des HCFC, il faut s’attaquer aux émissions provenant des réserves, à celles issues de la production et de la consommation toujours autorisées en tant que matières premières et à celles des sous-produits.

 

Définitions : unité Dobson et forçage radiatif

Unité Dobson

L’unité Dobson (DU pour Dobson unit) est une unité de mesure de la masse surfacique de l’ozone atmosphérique, spécifiquement dans la couche d’ozone de la stratosphère.

Une unité Dobson correspond à une couche d’ozone qui aurait une épaisseur de 10 µm  dans les conditions normales de température et de pression1. Une unité Dobson est équivalente à 2,69 × 1020 molécules d’ozone par mètre carré (soit 2,69 × 1016 par centimètre carré), ou à 0,4462 millimole d’ozone par mètre carré.

La valeur de 220 unités Dobson a été choisie comme limite en deçà de laquelle on peut considérer qu’il existe un trou dans la couche d’ozone, car des valeurs d’ozone de moins de 220 unités Dobson n’ont pas été relevées avant 1979 dans les observations historiques au-dessus de l’Antarctique.

L’unité Dobson tient son nom de Gordon Dobson, qui était chercheur à l’université d’Oxford et qui, dans les années 1920, a construit le premier instrument permettant de mesurer l’ozone.

Source : wikipedia

 

Forçage radiatif

Le forçage radiatif (appelé parfois forçage climatique), exprimé en watt par mètre carré (W/m2), est le changement du bilan radiatif (rayonnement descendant moins rayonnement montant) au sommet de la troposphère (10 à 16 km d’altitude), dû à un changement d’un des facteurs d’évolution du climat, comme les concentrations de GES. Un forçage radiatif positif a tendance à réchauffer la surface du globe tandis qu’un forçage radiatif négatif a tendance à la refroidir (sources : MEDDE/SCEE/ONERC, septembre 2013 & Giec, 4AR/WGI/SPM, 2007).

 

Organisation Météorologique Mondiale (OMM) / Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) / Agence américaine de l’étude des océans et de l’atmosphère (NOAA) / Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace (NASA) / Commission européenne (2022). Scientific assessment of ozone depletion – 2022. Executive summary. 9 janvier 2023. Consulter le communiqué et la synthèse du rapport

Secrétariat de l’ozone (au sein du site du PNUE)

Etat de la ratification de l’amendement de Kigali (au 20 janvier 2023)

 

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