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Financement climat pour les pays en développement : un écart de 20 milliards de $ en 2019 au regard de l’objectif des 100 milliards en 2020

  • Réf. : 2021_09_a06
  • Publié le: 29 septembre 2021
  • Date de mise à jour: 11 octobre 2021
  • International

Le 17 septembre 2021, l’OCDE a publié sa quatrième évaluation des progrès accomplis en vue de la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $ par an avant 2020 pour aider les pays en développement à mettre en œuvre l’action climat (mesures d’atténuation et d’adaptation).

 

L’objectif des 100 milliards de $ 

Lors de la COP-15 (2009 à Copenhague), les pays industrialisés s’étaient mis d’accord sur un objectif collectif : ils s’étaient engagés à mobiliser et à fournir, avant 2020, 100 milliards de $ US par an, à partir de sources publiques et privées, bilatérales et multilatérales, pour répondre aux besoins des pays en développement (PED) en matière d’atténuation et d’adaptation. Cet engagement avait été inscrit dans le paragraphe 8 de l’Accord de Copenhague (décision 2/CP.15) et formalisé dans le cadre des Accords de Cancún adoptés lors de la COP-16 (2010) et plus précisément au paragraphe 98 de la décision 1/CP.16. Une part appréciable de ce financement doit être acheminée via le Fonds vert [de Copenhague] pour le climat (Green Climate Fund ou GCF), établi également par l’Accord de Copenhague (paragraphe 10). Lors de la COP-21 (2015 à Paris), l’objectif collectif avait été réitéré et prolongé jusqu’en 2025 (cf. paragraphe 53 de la décision 1/CP.21 accompagnant l’Accord de Paris). Au titre de l’article 9 paragraphe 4 de l’Accord de Paris, les Parties doivent viser à parvenir à un équilibre dans le financement climat entre les deux volets de l’action climat (atténuation et adaptation). Par ailleurs, au titre du paragraphe 53 de la décision 1/CP.21, la Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA) doit fixer, avant 2025, un nouvel objectif chiffré collectif à partir d’un niveau plancher de 100 milliards de $ par an, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement. Conformément à la décision 14/CMA-1 (adoptée à la COP-24 à Katowice, Pologne, fin 2018), les négociations sur ce nouvel objectif chiffré vont être lancées à la COP-26, qui aurait dû se tenir fin 2020, mais qui a été reportée d’un an en raison de la pandémie du Covid-19. Ces discussions seront sans doute très difficiles et a fortiori dans le contexte post-Covid-19.

Pour les PED, la concrétisation intégrale de l’engagement des 100 milliards de $ par les pays industrialisés est considérée comme une condition sine qua non pour établir, voire renforcer la confiance entre les deux catégories de pays. Ainsi, le dossier financement climat constitue depuis plus de 10 ans une véritable pierre d’achoppement des négociations climat dans le cadre de la CCNUCC.

 

Les évaluations de l’OCDE sur la mise en œuvre de l’objectif des 100 milliards de $ US

Depuis 2015, l’OCDE a produit, à la demande des pays donateurs, des analyses des progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $ (voir encadré en fin d’article). Ces analyses reposent sur un cadre comptable robuste, conforme aux conclusions de la COP-24 convenues par toutes les Parties à l’Accord de Paris en ce qui concerne les sources de financement et les instruments financiers permettant de comptabiliser les ressources financières fournies et mobilisées par des interventions publiques (cf. décision 18/CMA.1). Les chiffres de l’OCDE rendent compte de quatre composantes distinctes du financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés :

  • le financement climatique public bilatéral mobilisé par les pays développés,
  • le financement climatique public multilatéral mobilisé par les pays développés,
  • les crédits à l’exportation liés au climat bénéficiant d’un soutien public accordés par les pays développés, et
  • le financement climat privé mobilisés par les pays développés.

 

Le financement climat fourni et mobilisé en 2019

Les financements climatiques fournis et mobilisés par les pays développés pour les pays en développement ont totalisé 79.6 milliards de $ US en 2019 (somme des quatre composantes), soit une hausse de 2% par rapport aux 78.3 milliards de 2018. Cette légère hausse de 2% contraste avec la progression de 10% entre 2017 et 2018 et de 21,5% entre 2016 et 2017.

La hausse de 2% entre 2018 et 2019 s’explique par une augmentation des financements publics pour le climat fournis par les institutions multilatérales (+15%), tandis que les engagements en financements publics bilatéraux pour le climat ont diminué (-10%), tout comme les financements pour le climat mobilisés auprès de sources privées (-4%) (voir graphique et tableau ci-après).

 

Financement climatique fourni et mobilisé en 2013-2019 (en milliards de $ US)

 

 

Source : OCDE, 17 septembre 2021 (p.7).

Remarques

Les chiffres étant arrondis, les totaux ne correspondent pas nécessairement à la somme de leurs composantes.

Les chiffres relatifs au financement privé mobilisé pour le climat à partir de 2016 ne sont pas directement comparables à ceux de 2013-14 en raison de la modernisation des méthodes de comptabilisation et du manque de données qui en résulte dans la série chronologique de 2015.

Les financements climat Sud-Sud sont exclus.

 

Répartition entre atténuation et adaptation et répartition sectorielle

Le rapport montre également que sur l’ensemble du financement climat en 2019, 25% ont été attribués à l’adaptation (contre 21% en 2018), 64% à l’atténuation (contre 70% en 2018), et le reste à des activités transversales (c’est-à-dire à des actions ciblant les deux volets). Plus de la moitié du financement climat total a ciblé les infrastructures – principalement l’énergie et les transports – et la plupart du reste est allée à l’agriculture, l’eau et l’assainissement.

 

Répartition du financement climat fourni entre atténuation, adaptation ou les deux (2016-2019) (en milliards de $ US)

Source : OCDE, 17 septembre 2021 (p.8).

Remarque

« Ciblant les deux objectifs » se rapporte à des projets présentant des avantages en termes à la fois d’atténuation et d’adaptation ou à des financements climatiques qui n’ont pas encore été alloués à l’atténuation et/ou à l’adaptation au moment de la déclaration.

 

Répartition géographique du financement climat fourni

L’Asie reste la principale région bénéficiaire des financements climat fournis et mobilisés par les pays développés (30,6 milliards de $ en moyenne par an sur la période 2016-2019, soit 43%), nettement devant l’Afrique et les Amériques. Si le financement climatique des pays les moins avancés (PMA) a continué d’augmenter en 2019 (+27% par rapport à 2018), celui des petits États insulaires en développement (PEID) est retombé au niveau de 2017 (en passant de 2,1 milliards de $ à 1,5 milliards de $) après une hausse en 2018. Pour les deux catégories PMA et PEID, le financement de l’adaptation représente plus de 40% en moyenne sur la période 2016-2019, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de l’ensemble des pays en développement (21% en moyenne sur la période 2016-2019).

L’OCDE souligne que ces données confirment que les PEID sont confrontés à des difficultés spécifiques pour accéder au financement du climat et que la communauté internationale doit envisager un financement climat qui soit adapté aux défis auxquels les PEID sont confrontés, moins fragmenté, plus facile d’accès, prévisible et à long terme.

 

Répartition géographique du financement climat fourni (2016-2019)

Source : OCDE, 17 septembre 2021 (p.10).

 

Les Etats-Unis annoncent un doublement de leur financement climat et l’UE propose un soutien supplémentaire 

Le 21 septembre 2021, à l’occasion de la 76e session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies (UNGA), le Président des Etats-Unis, Joe Biden, a annoncé que son pays allait « travailler avec le Congrès [le Parlement américain] pour doubler de nouveau » son financement climat, ce qui porterait la contribution totale des Etats-Unis à environ 11,4 milliards de $ par an. Il s’agit du deuxième doublement du financement climat américain en 2021. En effet, lors du sommet des dirigeants pour le climat, convoqué à son initiative les 22-23 avril 2021, Joe Biden avait promis, une première fois, de doubler la contribution des Etats-Unis au financement climat d’ici 2024 (par rapport à la moyenne 2013-2016), dont un triplement de leur aide aux pays vulnérables pour l’adaptation. Selon le World Resources Institute (WRI), centre de réflexion international basé à Washington, cette contribution totaliserait environ 5,7 Md€ par an d’ici 2024.

Quant à l’UE, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé, lors de son discours sur l’Etat de l’Union, le 15 septembre 2021, que l’UE proposerait de fournir un financement climat supplémentaire de 4 milliards € jusqu’en 2027, en sus de la contribution annuelle de 25 milliards de $ par an.

 

 

Bilan et prochaines étapes

Lors de la publication du rapport, Mathias Cormann, Secrétaire général de l’OCDE a déclaré : « Les progrès limités des volumes globaux de financement climat entre 2018 et 2019 sont décevants, en particulier à l’approche de la COP-26 ». Si le financement climat a légèrement progressé en 2019, il manque encore plus de 20 milliards de $ pour atteindre l’objectif de mobilisation de 100 milliards USD en 2020.

Pour l’instant, il n’est pas possible de déterminer si l’objectif des 100 Md$/an en 2020 a été réalisé car le reporting du financement climat se fait ex post : les pays développés vont communiquer en 2022 les informations sur le financement qu’ils ont mobilisé et fourni sur 2019-2020. Il ne sera possible de déterminer avec précision si l’engagement des 100 Md $ a été tenu qu’à ce moment-là. Cependant, vu cet écart de 20,4 milliards de $ en 2019, il est très probable selon l’OCDE que « le financement du climat reste bien en deçà de son objectif » des 100 milliards de $ pour l’année 2020. Les données correctement vérifiées pour 2020 ne seront pas disponibles avant le début de 2022. À ce moment-là, une analyse approfondie sera menée par l’OCDE afin de tirer des enseignements utiles pour la période allant jusqu’à 2025.

A noter que le Canada et l’Allemagne travaillent sur un plan de mise en œuvre pour mobiliser le financement complémentaire nécessaire pour atteindre l’objectif de 100 milliards USD par an.

Enfin, pour les pays en développement, le bilan 2019 est un sujet de grande préoccupation car il remet en question la confiance établie entre eux et les pays industrialisés et risque surtout d’amoindrir les chances d’une COP-26 réussie.

 

Les rapports d’évaluation précédents de l’OCDE 

L’OCDE a publié précédemment plusieurs rapports sur le thème financement climat :

Ces rapports ont mis en exergue le déséquilibre du soutien financier apporté par les pays industrialisés aux PED entre l’atténuation et l’adaptation alors que l’adaptation représente pour les PED, et notamment pour les pays vulnérables (petits Etats insulaires et pays les moins avancés en tête) un enjeu beaucoup plus important que l’atténuation.

 

En savoir plus

Rapport de l’OCDE en français

Déclaration de Mathias Cormann, Secrétaire général de l’OCDE, en français

Overseas Development Institute (2021). A fair share of climate finance: apportioning responsibility for the $100 billion climate finance goal. 6 septembre 2021. Consulter le communiqué et le rapport.

 

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