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COP-24: résultats et bilan. Au-delà des attentes avec le quasi-bouclage des règles d’application mais en reste sur l’ambition

  • Réf. : 2019_01_a1
  • Publié le: 12 février 2019
  • Date de mise à jour: 16 mai 2019
  • International

A l’ouverture de la COP-24, des incertitudes planaient quant à la capacité des Parties d’aboutir à l’adoption des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, non seulement du fait de fortes divergences sur certains volets clés [transparence,…], mais aussi étant donné le contexte géopolitique international difficile et très différent de celui de 2015 qui avait permis le succès de la COP-21. Cependant, après d’intenses négociations, des règles concrètes ont été adoptées par les 197 Parties. Ces règles très détaillées et relativement contraignantes, rendront l’Accord opérationnel en 2020. Elles devraient renforcer la confiance entre les Parties et ce, grâce au nouveau système unique de rapportage transparent qui s’appliquera à toutes les Parties. Malgré cette avancée clé, le résultat de la COP-24 est en demi-teinte sur trois autres dossiers majeurs : l’ambition post-2020 (sachant que les Parties doivent soumettre leur CDN [NDC en anglais] au plus tard neuf mois avant la COP-26 [soit février 2020 si celle-ci se tient en nov. 2020] ), l’ambition et l’action pré-2020, ainsi que le rapport +1,5°C du GIEC dont les conclusions n’ont pu être actées faute de consensus.

Evolution des émissions de gaz à effet de serre de quelques pays à l’annexe I* de la Convention Climat
1990-2016, en % de leur niveau de 1990

*Les Parties à l’annexe I (pays industrialisés) sont au nombre de 43 (42 pays et l’UE en tant qu’organisation régionale d’intégration économique).

Source : CCNUCC, données GES des pays annexe I 1990-2016, septembre 2018.

La COP-24 [24e Conférence des Parties à la Convention Climat avec plusieurs sessions de négociation, par exemple, la CMA (Réunion des Parties à l’Accord de Paris)] s’est tenue du 2 au 15 décembre 2018 à Katowice sous Présidence polonaise.

Bilan

Avancées : trois ans et trois jours après l’adoption de l’Accord de Paris, ses règles de mise en œuvre ont été adoptées. Ainsi, ces modalités, procédures et lignes directrices plus complètes que les attentes en amont de la COP-24 rendent l’Accord presque pleinement opérationnel (voir plus loin).

Le saut de joie du Président de la COP-24, Michal Kurtyka, après l’annonce de l’adoption définitive des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, le 15 déc. 2018 à 21h58. © Euronews, 15/12/2018.


L’avancée la plus importante est le fait d’avoir abouti à un seul et unique système de règles universelles, pourtoutes les Parties, certes avec des flexibilités mais en préservant « l’esprit de Paris » et ce, notamment pour le cadre de transparence, clé de voûte du régime multilatéral climat post-2020.

Le rapportage et la vérification se feront selon un format commun à partir de 2025, ce qui confirme la fin de la division entre pays industrialisés et pays en développement (PED) [établie par la CCNUCC et reprise par le Protocole de Kyoto avec un jeu de règles distinct]. En outre, les nouvelles règles de rapportage sont très détaillées et relativement contraignantes.

C’est notamment l’assouplissement de la position de la Chine qui a permis ce résultat. Ainsi, sous la pression de l’UE et des Etats-Unis, le négociateur en chef de la Chine a indiqué le 13 décembre 2018 [soit deux jours avant la fin de la COP-24] que son pays accepterait des règles uniformes pour le cadre de transparence à condition de bénéficier d’une période de transition.

Insuffisances et faiblesses :

  • un volet entier des règles n’a pas pu être adopté: les mécanismes de marché [article 6]. Faute de consensus sur ce volet le plus technique et le plus complexe parmi tous les volets, et face à l’opposition du Brésil, la CMA [Conférence des Parties à l’Accord de Paris (organe de prise de décision de l’Accord)] a décidé de reporter la finalisation de ces règles à 2019 [SBSTA, puis COP-25] ;
  • l’incapacité des Parties à parvenir à un consensus pour acter le rapport spécial du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] sur le réchauffement à +1,5°C en raison de l’opposition de quatre pays pétroliers : Etats-Unis, Arabie saoudite, Russie et Koweït. Par conséquent, dans la décision principale de la COP-24, la COP « salue l’achèvement en temps voulu du rapport » [qu’elle avait elle-même commandé lors de la COP-21] mais pas le contenu du rapport lui-même ;
  • l’échec de la COP-24 à engager une hausse des efforts collectifs malgré les voyants scientifiques au rouge. Les Parties n’ont pas pris d’engagement formel pour renforcer le niveau d’ambition collective d’ici 2020 [échéance pour soumettre les nouvelles contributions nationales (CDN)], ni lancé un nouvel élan en ce sens. L’Appel à l’action de Talanoa ne demande pas explicitement aux Parties de relever le niveau d’ambition de leur prochaine CDN.

Résultats dans le cadre des négociations : détail

Le résultat principal est l’adoption des règles de mise en œuvre [rulebook] de l’Accord de Paris par la CMA [17 des 18
décisions adoptées]. Ainsi, ces décisions établissent les règles sous forme de modalités, procédures et/ou lignes directrices (MPG) des volets clés de l’Accord, dont :

  • contributions nationales (CDN) [cf. article 4 de l’Accord]:
  • obligation de fournir des informations visant la clarté, la transparence et la compréhension des CDN
    [voir annexe I de la décision] dès les CDN de 2025,
  • obligation d’appliquer l’annexe II pour comptabiliser les émissions et absorptions de GES dès les CDN de 2025,
  • obligation d’harmoniser, à partir de 2031, les périodes auxquelles se réfèrent les engagements des CDN [mais aucun consensus sur une durée à imposer];
  • cadre de transparence

 

Rapportage : les Parties doivent rapporter, via des rapports de transparence biennaux (ou BTR), quatre types d’information [voir annexe de la décision] : inventaires d’émission, CDN, soutien fourni aux PED [financement, transfert de technologies, renforcement des capacités] et soutien reçu par les PED [cf. article 9].


Vérification
: ce cadre de transparence est complété par :

  • un examen technique par des experts, et
  • un examen non-coercitif et multilatéral des progrès.


Echéances:

Pays industrialisés étant Parties à l’Accord :

  • 01/01/2023: les MPG « transparence » s’appliqueront [premier BTR à soumettre en 2024],

PED étant Parties à l’Accord :

  • 01/01/2025: les MPG « transparence » s’appliqueront [premier BTR à soumettre en 2026].

A partir de 2025, il y aura un système unique et commun applicable tant aux pays industrialisés qu’aux PED.

  • financement ex ante:
  • obligation pour les pays industrialisés de soumettre, à partir de2020, unecommunication biennale sur leurs futurs niveaux de financement public pour les pays en développement (PED)[ article 9];
  • mise en place d’unDialogue ministériel biennal sur le financement climat à partir de 2021 [pour prendre le relais de celui créé en 2013 pour la période 2014-2020],
  • lancement, à la CMA-3 [nov. 2020], des discussions pour fixer un nouvel objectif financement chiffré collectif post-2025 à partir du niveau plancher de 100 Md$/an [soit l’objectif à atteindre d’ici 2020, fixé à Copenhague (2009) et confirmé à Cancún (2010)];
  • bilan mondial[tous les cinq ans à partir de 2023 (cf. article 14)]: il couvrira l’atténuation, l’adaptation et les moyens de mise en œuvre
    [financement, transfert de technologies, renforcement des capacités]. Une évaluation technique sera effectuée pour dresser le bilan des progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme [cf. articles 2 et 4] et les pistes pour améliorer l’action et le soutien ;
  • comité visant à faciliter la mise en œuvre de l’Accord et à promouvoir le respect des dispositions [cf. art. 15]:
  • il doit fonctionner de manière transparente, non accusatoire et non punitive,
  • il est autorisé à initier un « examen » dans quatre cas spécifiques relevant des obligations des Parties en matière de rapportage au titre du cadre de transparence [CDN, financement,…],
  • il doit se réunir au moins deux fois par an à partir de 2020.

Les trois autres principaux résultats de la COP-24 sont :

Résultats en dehors des négociations officielles

La Présidence polonaise a porté trois initiatives :

L’année 2019 sera donc celle de l’ambition, avec comme point d’orgue le Sommet climat convoqué par le Secrétaire-Général de l’ONU à New York le 23 septembre 2019.

 

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