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Principe du pollueur-payeur : selon la Cour des comptes européenne, le contribuable paie trop souvent le coût à la place du pollueur

  • Réf. : 2021_07_a06
  • Publié le: 21 juillet 2021
  • Date de mise à jour: 21 juillet 2021
  • UE

Le 5 juillet 2021, la Cour des comptes européenne (CCE – voir encadré ci-dessous) a publié un rapport sur l’application du principe du pollueur payeur (PPP – voir ci-dessous) dans l’UE.

 

Mission de la Cour des comptes européenne

La Cour des comptes européenne a été instituée pour contrôler les finances de l’UE. Ses travaux d’audit portent sur le budget et les politiques de l’UE, principalement dans des domaines liés à la croissance, à l’emploi, à la valeur ajoutée, aux finances publiques, à l’environnement et à l’action pour le climat. La Cour contrôle le budget, tant en ce qui concerne les recettes que les dépenses (source : CCE).

 

Objet du nouveau rapport

Ce nouveau rapport d’audit de la CCE vise à déterminer si le PPP a été correctement appliqué dans quatre domaines de la politique environnementale de l’UE : la pollution industrielle, les déchets, l’eau et les sols. La CCE justifie sa décision de réaliser cet audit pour deux raisons principales : la pollution coûte cher à la société et se trouve au cœur des préoccupations des citoyens de l’UE, et le PPP a un rôle déterminant à jouer pour permettre à l’UE d’atteindre ses objectifs environnementaux de manière efficace et juste.

 

Qu’est-ce que le PPP et d’où vient-il ?

Selon le principe du pollueur-payeur, les pollueurs doivent supporter les coûts engendrés par la pollution résultant de leurs propres activités, y compris le coût des mesures prises pour prévenir, combattre et éliminer cette pollution, et les coûts liés à la réparation. En application de ce principe, il est dans l’intérêt des pollueurs d’éviter de causer des dommages environnementaux puisqu’ils sont tenus pour responsables de la pollution qu’ils génèrent.

C’est l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a instauré pour la première fois le PPP en 1972 (source : OCDE, 2020). En 1992, la déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (communément appelée « déclaration de Rio ») a reconnu le PPP comme l’un des 27 principes directeurs du développement durable à venir.

Le PPP est l’un des principes fondamentaux de la politique environnementale de l’UE. En vertu de l’article 191, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) de 2007, « la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement […] est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur ». A noter toutefois que les législateurs de l’UE (Parlement européen et Conseil de l’UE [les Ministres]) ne sont pas liés par ce principe lorsqu’ils adoptent une politique de l’UE dans des domaines autres que celui de l’environnement, même lorsque ces politiques sont susceptibles d’avoir un impact environnemental important, par exemple dans les domaines des transports, de la pêche ou de l’agriculture.

La Commission européenne est chargée d’élaborer des propositions législatives en matière d’environnement fondées sur le PPP. Les États membres sont quant à eux responsables de transposer, de mettre en œuvre et de faire appliquer les directives et règlements de l’UE dans le domaine de l’environnement. Les législateurs de l’UE et ceux des États membres disposent de divers instruments pour appliquer le PPP.

Plusieurs actes relevant de la législation environnementale jouent un rôle important dans l’application du PPP, notamment, en ce qui concerne la pollution de l’air, la directive dite IED (directive 2010/75/UE sur les émissions industrielles), en cours de révision (lire notre article) et la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale qui définit le cadre de l’UE en la matière. Selon le principe de responsabilité environnementale, les opérateurs économiques sont tenus de payer la réparation des dommages qu’ils causent à l’environnement, ce qui les incite en théorie à éviter d’en provoquer (voir plaquette en anglais sur la directive 2004/35/CE).

 

Conclusions de la CCE

Dans son rapport d’audit du 5 juillet 2021, la CCE conclut que, dans l’ensemble, le PPP est bien pris en compte à des degrés divers dans les différentes politiques environnementales de l’UE mais que sa couverture et son application restent incomplètes. Les actions menées par la Commission pour soutenir la mise en œuvre de la directive 2004/35/CE par les États membres n’ont pas permis de remédier à certaines faiblesses :

  • le budget de l’UE est parfois utilisé pour financer des actions de dépollution dont les coûts auraient dû, en vertu du PPP, être supportés par les pollueurs eux-mêmes ;
  • le PPP est appliqué différemment d’un volet de la politique environnementale de l’UE à l’autre. En particulier, en ce qui concerne les émissions industrielles, la CCE conclut que le PPP était bien appliqué aux installations industrielles les plus polluantes, qui relèvent de la directive IED. Les propriétaires des installations sont en effet tenus de supporter les coûts liés au respect des conditions fixées dans l’autorisation qui leur a été délivrée, y compris celle de prendre des mesures pour maintenir les émissions sous le plafond autorisé. Cependant, la directive IED ne s’applique pas aux petites installations et n’exige pas des installations qu’elles prennent en charge le coût de la pollution résiduelle pour la société.

 

Enfin, le rapport met en évidence des pistes exploitables pour parvenir à une meilleure intégration du PPP dans la future législation environnementale et dans le financement par l’UE de projets de réparation des dommages environnementaux.

 

Recommandations de la CCE

Dans son audit, la CCE formule trois recommandations :

  • évaluer les possibilités d’intégrer davantage le PPP dans la législation environnementale : la CCE recommande que la Commission évalue, d’ici 2024, les modifications réglementaires et administratives, ainsi que le rapport coûts-avantages global d’une meilleure application du PPP, en particulier en ce qui concerne l’abaissement des valeurs limites d’émission, prévues par la directive IED, afin de réduire encore la pollution résiduelle ;
  • envisager de renforcer l’application de la directive sur la responsabilité environnementale : la CCE recommande à la Commission, d’ici fin 2023, de s’appuyer sur l’évaluation de la directive sur la responsabilité environnementale attendue pour avril 2023 pour examiner dans quelle mesure il serait possible d’améliorer les critères utilisés pour définir les dommages environnementaux auxquels la directive devrait s’appliquer et d’accroître le recours aux instruments de garantie financière ;
  • protéger les fonds de l’UE en veillant à ce qu’ils ne soient pas utilisés pour financer des projets qui devraient être à la charge du pollueur : en sa qualité de gardienne des Traités, la CCE recommande que la Commission veille, d’ici 2025, à ce que les fonds de l’UE ne puissent être utilisés pour la dépollution qu’à condition que des contrôles, réalisés en coopération avec les États membres, aient établi que les autorités nationales ou infranationales compétentes ont tout mis en œuvre pour que le pollueur prenne en charge la pollution dont il est responsable. En outre, la CCE recommande que la Commission examine, d’ici 2025, la possibilité de modifier la législation pour rendre obligatoire le recours par les exploitants à des garanties financières couvrant les risques environnementaux.

 

Prochaines étapes

Les conclusions et recommandations de ce rapport de la CCE pourront servir au Parlement européen et au Conseil dans le cadre du contrôle de toute la législation environnementale et de l’évaluation, par la Commission, de la directive sur la responsabilité environnementale, évaluation qui doit s’achever en 2023.

 

En savoir plus

Communiqué de la CCE

Rapport intégral de la CCE

 

 

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