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Après le NO2, les PM10 : la France condamnée par la Cour de Justice de l’UE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air

  • Réf. : 2022_05_a06
  • Publié le: 12 mai 2022
  • Date de mise à jour: 18 mai 2022
  • France
  • UE

Le 28 avril 2022, la France a été condamnée par la Cour de Justice de l’UE (CJUE) pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour « dépassement de manière systématique et persistante » de la valeur limite de concentration (VLC) journalière pour les PM10 (voir encadré ci-dessous).

Quelles sont les valeurs limites de concentrations et autres obligations à respecter ?

Les VLC fixées pour les PM10 par la directive 2008/50/CE sont :

  • 40 µg/m3 en moyenne annuelle,
  • 50 µg/m3 en moyenne journalière, à ne pas dépasser plus de 35 fois par année civile [ annexe XI].

 

Les Etats membres (EM) ne doivent pas dépasser ces VLC [de même que celles pour les autres polluants visés par cette directive (SO2, NO2, CO, plomb, benzène)] dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations (article 13.1 de la directive). Les VLC pour les PM10 sont juridiquement contraignantes depuis le 1er janvier 2005 et devaient donc être respectées à cette échéance (cf. article 13 et annexe XI de la directive). Cependant, la directive autorisait les Etats membres à reporter ce délai jusqu’au 11 juin 2011 à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi pour la zone de dépassement des VLC à laquelle le report de délai s’appliquerait et à condition que cet État membre fasse la preuve qu’il a pris toutes les mesures appropriées aux niveaux national, régional et local pour respecter les délais (article 22.2).

La directive 2008/50/CE (article 23) prévoit que, lorsque dans une zone ou agglomération donnée, les concentrations de polluants dépassent la valeur limite ou la valeur cible fixée aux annexes XI [SO2, NO2, PM10, CO, plomb, benzène] et XIV [PM2,5], majorée de toute marge de dépassement autorisée, les EM sont tenus d’établir des plans relatifs à la qualité de l’air pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante.

Ces plans doivent prévoir des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible (article 23.1). Le contenu minimal de ces plans est fixé en annexe (annexe XV, section A et article 24). Les EM concernés devaient soumettre ces plans à la Commission le plus rapidement possible, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.

 

 

Une procédure prévue par les traités européens

La France, tout comme les 26 autres Etats membres (EM) de l’UE, aurait dû respecter la VLC journalière (voir encadré ci-dessus) fixée par la directive 2008/50/CE pour les PM10 depuis le 1er janvier 2005. C’est la septième fois que la CJUE a rendu un jugement contre un EM pour non-respect de la législation de l’UE sur la qualité de l’air, après ceux contre la Bulgarie (du 5 avril 2017), la Pologne (du 22 février 2018), la France sur le NO2 (du 24 octobre 2019), l’Italie sur les PM10 (10 novembre 2020), le Royaume-Uni sur le NO2 (du 4 mars 2021) et l’Allemagne sur le NO2 (du 3 juin 2021) (voir encadré « NO2 : la France a déjà été condamnée par la CJUE et par le Conseil d’Etat pour non-respect des VLC » ci-dessous).

 

L’objet précis de la condamnation : les dépassements des valeurs limites de concentrations des PM10 et la durée de ces dépassements

Dans son arrêt, la CJUE condamne la France à deux titres :

  • dépassement de manière systématique et persistante la VLC journalière pour les PM10 depuis le 1er janvier 2005 dans l’agglomération et la zone de qualité Paris et, depuis le 1erjanvier 2005 jusqu’à l’année 2016 incluse, dans l’agglomération et la zone de qualité Martinique/Fort-de-France. La France a ainsi manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XI (voir encadré ci-dessus),
  • manquement, dans ces deux zones depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui incombent à la France en vertu de l’article 23.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XV, et en particulier à l’obligation de veiller à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible (voir encadré ci-dessus).

 

Comme la CJUE l’avait rappelé dans un communiqué publié le 24 octobre 2019, un Etat membre visé par un tel arrêt de la CJUE est alors juridiquement contraint de prendre des mesures supplémentaires pour réduire la pollution de l’air : ainsi, la France doit maintenant se conformer à cet arrêt dans les meilleurs délais. A défaut, la CJUE peut imposer des amendes (voir encadré en fin d’article sur la procédure d’infraction).

 

NO2 : la France a déjà été condamnée par la CJUE et par le Conseil d’Etat pour non-respect des VLC

Le 24 octobre 2019, la France a été condamnée par la Cour de Justice de l’UE (CJUE) pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour « dépassement de manière systématique et persistent » des valeurs limites de concentration (VLC) pour le NO2 (affaire n°C-636/18) (lire notre article).

 

Le 3 décembre 2020, la Commission européenne a annoncé dans un communiqué qu’elle a formellement demandé à la France d’exécuter l’arrêt rendu par la CJUE le 24 octobre 2019 (lire notre article).

 

De même, le Conseil d’État français a constaté pour Paris un dépassement continu des valeurs limites pour le NO2 jusqu’en 2020 ainsi qu’un dépassement des valeurs limites pour les PM10 jusqu’en 2018 et 2019 (arrêt du Conseil d’État du 4 août 2021 – lire notre article).

 

A noter également que la France n’est pas le seul Etat membre à avoir été condamné par la CJUE pour non-respect des VLC de la directive 2008/50/CE :

  • le 5 avril 2017, la CJUE a rendu un arrêt à l’encontre de la Bulgarie pour non-respect des VLC applicables aux PM10. Il s’agissait de la première fois que la CJUE avait rendu un jugement contre un EM pour non-respect de la législation de l’UE sur la qualité de l’air ;
  • ce cas a créé un précédent car le 22 février 2018, la CJUE a rendu un 2e arrêt, à l’encontre de la Pologne, pour non-respect des VLC journalière et annuelle pour les PM10 sur la période 2007-2015, pour non-adoption, dans des plans sur la qualité de l’air, des mesures appropriées visant à réduire la période de dépassement des VLC, et pour transposition incomplète de la directive 2008/50/CE ;
  • le 10 novembre 2020, la CJUE a rendu un arrêt à l’encontre de l’Italie pour non-respect de la VLC journalière et de la VLC annuelle des PM10 dans plusieurs zones du pays sur la période 2008-2017, pour ne pas avoir adopté de mesures appropriées pour garantir le respect des valeurs limites fixées pour les PM10 dans l’ensemble de ces zones, et pour non-respect de l’obligation prévue à l’article 23.1 de veiller à ce que la période de dépassement des VLC soit la plus courte possible ;
  • le 4 mars 2021, la CJUE a rendu un arrêt à l’encontre du Royaume-Uni pour non-respect des VLC  annuelle et horaire du NO2 dans plusieurs zones sur la période 2010-2017 [alors qu’il était encore Etat membre de l’UE], pour ne pas avoir adopté de mesures appropriées pour garantir le respect de cette VLC dans l’ensemble de ces zones et pour non-adoption, dans des plans sur la qualité de l’air, des mesures appropriées visant à réduire la période de dépassement de ces VLC ;
  • le 3 juin 2021, , la CJUE a rendu un arrêt à l’encontre de l’Allemagne pour non-respect des VLC annuelle et horaire pour le NO2 dans plusieurs zones du pays sur la période 2010-2016, pour ne pas avoir adopté de mesures appropriées pour garantir le respect de cette VLC dans l’ensemble de ces zones et pour non-adoption, dans des plans sur la qualité de l’air, des mesures appropriées visant à réduire la période de dépassement de ces VLC.

C’est sur ces deux premiers arrêts que la CJUE s’est appuyée pour rendre son arrêt contre la France le 24 octobre 2019 et elle s’est appuyée sur l’ensemble de ces arrêts pour rendre son nouvel arrêt du 28 avril 2022.

Depuis le 2e arrêt de la CJUE contre la France du 28 avril 2022, la CJUE a rendu deux arrêts supplémentaires :

  • le 12 mai 2022, la CJUE a rendu un deuxième arrêt à l’encontre de l’Italie, cette fois, pour non-respect de la VLC annuelle pour le NO2 dans plusieurs zones depuis 2010, pour ne pas avoir adopté de mesures appropriées pour garantir le respect de cette VLC dans l’ensemble de ces zones et pour non-adoption, dans des plans sur la qualité de l’air, des mesures appropriées visant à réduire la période de dépassement de ces VLC ;
  • le 12 mai 2022, la CJUE a rendu un deuxième arrêt à l’encontre de la Bulgarie, cette fois, pour non-respect de la VLC horaire pour le SO2 dans le sud-est du pays depuis 2007.

Enfin, le 18 février 2021, la Commission européenne a annoncé dans un communiqué qu’elle avait décidé de saisir la CJUE d’un recours (3e étape de la procédure d’infraction – voir encadré en fin d’article) contre la Slovaquie pour non-respect des obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2008/50/CE (lire notre article).

 

 

Retour chronologique sur les principales étapes de la procédure précontentieuse

7 novembre 2008 : en application de l’article 22.2, de la directive 2008/50/CE, la France a demandé le report du délai prévu pour le respect des valeurs limites fixées pour les PM10. Cette demande concernait les valeurs limites annuelles et/ou journalières de 28 zones et agglomérations du territoire français, dont zone Paris.

2 juillet 2009 : sur le fondement de l’article 22.4 de cette directive, par décision du 2 juillet 2009, la Commission a émis des objections à cette demande de report.

23 novembre 2009 : compte tenu de ces objections et des rapports annuels sur la qualité de l’air présentés par la France pour les années 2005 à 2008, la Commission lui a adressé, le 23 novembre 2009, une lettre de mise en demeure (1ère étape de la procédure d’infraction – voir encadré en fin d’article) pour infraction à l’article 5.1, de la directive 1999/30/CE, dont les dispositions ont été reprises à l’article 13.1, de la directive 2008/50/CE, en raison du fait que les valeurs limites journalières et/ou annuelles applicables aux PM10 dans 13 zones et agglomérations françaises, dont Paris, continuaient à ne pas être respectées au cours des années 2007 et/ou 2008.

Par la suite, dans plusieurs courriers, les autorités françaises ont répondu à la lettre de mise en demeure et ont une nouvelle fois demandé, en application de l’article 22.2, de la directive 2008/50/CE, le report du délai prévu pour le respect des valeurs limites journalières et/ou annuelles applicables aux PM10 notamment dans 12 zones et agglomérations françaises, dont Paris.

29 octobre 2010 : malgré les nouvelles réponses des autorités françaises, toujours en s’appuyant sur des rapports sur la qualité de l’air présentés par la France pour les années 2005 à 2008 et de la décision du 2 juillet 2009, la Commission lui a adressé, le 29 octobre 2010, un avis motivé (2e étape de la procédure d’infraction – voir encadré en fin d’article), dans lequel elle considérait que la France avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 13.1, de la directive 2008/50/CE, du fait du non-respect des valeurs limites journalières et/ou annuelles applicables aux PM10 dans 16 zones et agglomérations françaises, dont Paris.

17 décembre 2010 : par décision, la Commission a émis des objections à la demande de 2e report des autorités françaises.

27 décembre 2010 : la France a répondu par lettre à l’avis motivé. Elle a évoqué notamment une diminution substantielle des dépassements des VLC en cause et a fourni des indications complémentaires sur les plans et les mesures mis en œuvre en vue de réduire les niveaux de concentration de PM10 dans l’air ambiant.

3 mars 2011 : les autorités françaises ont adressé à la Commission une réponse complémentaire à l’avis motivé.

22 février 2013 : la Commission a adressé une lettre de mise en demeure complémentaire à la France pour non-respect des valeurs limites journalières applicables aux PM10 dans 11 zones et agglomérations, dont Paris et la zone Martinique/Fort-de-France, ayant perduré au moins cinq années pendant la période allant de l’année 2005 à l’année 2011. Par ailleurs, cette lettre de mise en demeure complémentaire visait également la violation par la France de l’article 23.1, de la directive 2008/50/CE.

12 juillet 2013 : la France a répondu à la lettre de mise en demeure complémentaire. Une réunion technique a été organisée le 28 février 2014 et des éléments complémentaires ont été communiqués à la Commission par les autorités françaises au cours de l’année 2014.

29 avril 2015 : après un examen des informations communiquées par la France, dont les rapports sur la qualité de l’air pour les années 2005 à 2013, la Commission a émis un avis motivé complémentaire. Cet avis portait sur la violation de l’article 13.1, de la directive 2008/50/CE et de l’annexe XI de celle-ci, en ce qui concerne 10 des 11 zones et agglomérations visées dans la lettre de mise en demeure complémentaire (dont Paris et la zone Martinique/Fort-de-France), pour non-respect des valeurs limites journalières applicables aux PM10 pendant au moins six années sur la période allant de l’année 2005 à l’année 2013. Plus particulièrement, la Commission s’est référée à un dépassement de ces valeurs pendant toute la période en cause dans l’agglomération parisienne et pendant huit années, à savoir les années 2005 à 2007 et les années 2009 à 2013, dans la zone Martinique/Fort-de-France. En outre, la Commission a considéré que la France avait manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’article 23.1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50/CE et de l’annexe XV, section A, de celle-ci, au motif qu’elle n’avait pas adopté ou mis en place des mesures suffisamment efficaces et appropriées afin de s’assurer que la période de dépassement des valeurs en cause soit la plus courte possible.

29 juin 2015 : la France a répondu par lettre à l’avis motivé complémentaire. Ensuite, par lettres des 25 juillet 2016, 7 juillet 2017, 8 février 2018, 19 avril 2018, 25 mars 2020 et 12 avril 2021, elle a transmis des éléments complémentaires à la Commission concernant la situation quant à la qualité de l’air, ainsi que les mesures adoptées ou envisagées pour améliorer la qualité de l’air sur son territoire.

30 octobre 2020 : après un examen de ces informations, la Commission a considéré que la France avait bien manqué aux obligations lui incombant en vertu de la directive 2008/50/CE et a introduit le recours (lire notre article) qui a abouti à l’arrêt du 28 avril 2022.

 

Synthèse des arguments des deux Parties (CJUE et France)

Le premier grief : violation systématique et persistante des dispositions combinées de l’article 13.1 et de l’annexe XI de la directive 2008/50/CE

La France ne conteste pas les dépassements des VLC journalière fixée pour les PM10 dans les zones et agglomérations faisant l’objet du recours introduit par la Commission.

 

En ce qui concerne Paris, la France met notamment en exergue que les concentrations de PM10 montrent une tendance à la baisse structurelle, qui concerne tant les niveaux de fond urbains et ruraux que les concentrations à proximité des axes routiers, ce qui illustre que les mesures adoptées par les autorités françaises en matière de qualité de l’air produisent des effets certains augurant du respect ultérieur des valeurs limites fixées pour les PM10 dans cette zone.

 

Quant à la zone Martinique/Fort-de-France, la France indique que, dans le cadre de l’exercice annuel de communication des données pour l’année 2018, elle a transmis à la Commission, contrairement à ce qu’avance cette dernière, une note technique relative à la détermination de la part des poussières naturelles au sein des PM10 lors des dépassements de la VLC journalière dans cette zone. Elle précise que la base de données nationale ne permet pas actuellement de déduire automatiquement les contributions naturelles aux dépassements de la VLC journalière de PM10 et que des développements de cette base de données étaient programmés pour le 3e trimestre de l’année 2021 en vue de prévoir une telle fonctionnalité.

 

En outre, la France soutient que la contribution considérable des poussières naturelles aux concentrations totales de PM10 conduit à considérer que des déductions, telles que celles appliquées au titre des années 2017 et 2018 en se basant sur la méthodologie établie par la Commission, auraient pu légitimement être opérées également sur la période allant de l’année 2005 à l’année 2016. Elle précise que, bien qu’il soit établi que, au cours de cette période, des sources naturelles ont contribué au dépassement de la valeur limite en cause, les autorités françaises n’ont pas été en mesure, faute d’implantation de station de mesure adéquate avant l’année 2016, d’appliquer la méthodologie établie par la Commission, pour prouver et déduire les dépassements imputables à des sources naturelles.

Pour sa part, la CJUE souligne que les données résultant des rapports annuels relatifs à la qualité de l’air, présentées par la France en vertu de l’article 27 de la directive 2008/50/CE, montrent que, de l’année 2005 à l’année 2019 incluse, la VLC journalière fixée pour les PM10 a été très régulièrement dépassée dans Paris. Il en a été de même dans la zone Martinique/Fort-de-France de l’année 2005 à l’année 2016 incluse, à l’exception de l’année 2008, ce que, d’ailleurs, la France ne conteste pas.

 

Selon la CJUE, il en résulte que les dépassements ainsi constatés doivent être considérés comme persistants et systématiques, sans que la Commission soit tenue d’apporter des preuves supplémentaires á cet égard [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 76].

 

Dans la mesure où, la France fait observer que les concentrations de PM10 à Paris montrent une tendance à la baisse structurelle, il convient de rappeler qu’un manquement peut demeurer systématique et persistant malgré une éventuelle tendance partielle à la baisse mise en évidence par les données recueillies, si cette tendance n’aboutit pas à ce que les valeurs limites soient respectées.

 

Enfin, la France fait observer que les déductions des poussières naturelles des concentrations totales de PM10 appliquées par la Commission pour la zone Martinique/Fort-de-France en ce qui concerne les années 2017 et 2018 auraient pu légitimement être opérées sur toute la période allant de l’année 2005 à l’année 2016. Or, cet argument ne permet pas de constater non plus que la VLC journalière applicable aux PM10 aurait été respectée pendant cette période si cette déduction avait été faite. En effet, la France admet elle-même que les autorités françaises n’ont pas été en mesure, faute d’implantation de station de mesure adéquate avant l’année 2016, d’appliquer la méthodologie établie par la Commission, pour prouver et déduire les dépassements imputables à des sources naturelles.

 

La CJUE conclut donc que le premier grief doit être accueilli.

 

Le deuxième grief : violation de l’article 23.1 et de l’annexe XV de la directive 2008/50/CE

La CJUE relève que la France ne conteste pas que ses plans nationaux ne soient pas conformes aux exigences visées à l’annexe XV, section A, point 8, sous b) et c), de la directive 2008/50/CE, en vertu desquelles les plans relatifs à la qualité de l’air doivent comporter un calendrier de mise en œuvre ainsi que l’estimation de l’amélioration de la qualité de l’air escomptée et du délai prévu pour la réalisation de ces objectifs. En outre, certains de ces plans prévoient de longs délais de mise en conformité, les objectifs poursuivis devant être atteints au cours de l’année 2020 ou même plus tard.

Quant aux plans locaux de la France, la CJUE relève qu’à la fois le Plan de protection de l’atmosphère (PPA) d’Île de France, tel que révisé en 2013, et le PPA actuel de Paris (de 2018), prévoient de longs délais de mise en conformité, les objectifs poursuivis devant être atteints, respectivement, en 2020, à l’exception des endroits les plus exposés au trafic routier, et en 2025. En outre, le PPA de Martinique, qui a été adopté en 2014, ne contient aucune information précise en ce qui concerne le délai de mise en conformité.

Par ailleurs, les mesures concrètes, dont la France fait état, ont été adoptées ou envisagées bien après l’expiration du délai de réponse à l’avis motivé complémentaire et sont en cours d’adoption, de planification ou n’ont été mises en œuvre que récemment.

Selon la CJUE, dans la mesure où la France invoque une tendance à l’amélioration de la qualité de l’air enregistrée dans l’agglomération de Paris, il convient de rappeler que la valeur limite journalière fixée pour les PM10 a été dépassée dans cette zone, entre l’année 2005 et l’année 2019, chaque année. Bien que ce dépassement montre une tendance générale à la baisse durant cette période, le nombre de jours durant lesquels cette valeur limite a été dépassée au cours de l’année 2019 est encore de 67 et donc presque le double du nombre maximal de jours de dépassement autorisé (35), et cela malgré les mesures prévues et mises en œuvre par les autorités françaises.

La CJUE souligne que compte tenu de l’ensemble de ces éléments cités dans les quatre paragraphes précédents, il y a lieu de constater que la France n’a manifestement pas adopté en temps utile des mesures appropriées permettant d’assurer que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour les PM10 soit la plus courte possible dans les zones concernées. Ainsi, le dépassement de cette valeur limite journalière est demeuré systématique et persistant durant plus de neuf ans à Paris et six ans dans la zone Martinique/Fort-de-France après la date à partir de laquelle la France avait l’obligation de prendre toutes les mesures appropriées et efficaces pour se conformer à l’exigence selon laquelle la période de dépassement de ces valeurs doit être la plus courte possible.

La CJUE conclut donc que le deuxième grief doit être accueilli.

 

Conclusions de la CJUE du 28 avril 2022

Dans son arrêt du 28 avril 2022 (réf. affaire C-286/21), la CJUE conclut qu’une telle situation démontre par elle-même que la France n’a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour les PM10 soit « la plus courte possible », au sens de l’article 23.1 de la directive 2008/50, ce que, d’ailleurs, la France ne conteste pas.

Arrêt de la CJUE

La CJUE arrête :

  • qu’en dépassant de manière systématique et persistante la valeur limite de concentration journalière pour les PM10 depuis le 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2019 incluse, dans l’agglomération et la zone de qualité Paris et, depuis le 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2016 incluse (à l’exception de l’année 2008) dans l’agglomération et la zone de qualité Martinique/Fort‑de‑France, la France a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13.1 et de l’annexe XI de la directive 2008/50/CE ; et
  • qu’en n’intégrant pas dans les plans relatifs à la qualité de l’air des mesures appropriées pour que la période de dépassement de cette valeur limite soit la plus courte possible, la France a manqué, dans ces deux zones depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23.1 et de l’annexe XV de la directive 2008/50/CE.

 

A ce stade, aucune sanction financière n’est prononcée à légard de la France. Cet arrêt de la CJUE constitue la troisième étape de la procédure d’infraction de l’UE, la 4e étape étant celle de la saisine de la CJUE pour établir d’éventuelles sanctions financières (voir encadré ci-dessous).

 

En savoir plus

L’arrêt de la CJUE

 

Qu’est-ce que la procédure d’infraction de l’UE ?

En tant que « gardienne » des Traités de l’UE, la Commission est chargée de veiller, avec la Cour de Justice de l’UE (CJUE), à ce que le droit européen soit appliqué correctement dans les Etats membres (EM).

En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE, article 258), la Commission peut poursuivre en justice un EM qui manque aux obligations qui lui incombent au titre de la législation de l’UE. Elle engage ainsi une procédure juridique dite procédure d’infraction qui se déroule en quatre étapes :

Etape 1 : mise en demeure

La Commission envoie une lettre de mise en demeure [demande d’informations] à l’EM (article 258).

 

Etape 2 : avis motivé

Si la Commission n’est pas satisfaite des informations reçues et conclut que l’EM ne s’acquitte pas de ses obligations juridiques, elle peut ensuite lui envoyer un avis motivé [demande formelle de s’y conformer] (article 258).

 

Etape 3 : saisine de la CJUE (assignation devant la CJUE) + arrêt contraignant

Si l’EM ne s’y conforme toujours pas, la Commission peut alors décider de saisir la CJUE (article 258) qui, si elle le juge nécessaire, rend un arrêt contraignant.

 

Etape 4 : 2e saisine de la CJUE + sanctions financières

Si malgré ce 1er arrêt, la Commission estime que l’EM n’a pas pris les mesures pour exécuter l’arrêt de la CJUE, elle peut, après avoir mis cet EM en demeure de présenter ses observations, saisir une 2e fois la CJUE, en lui demandant d’imposer des sanctions financières sur la base d’un montant proposé par la Commission (article 260). Ces sanctions financières peuvent prendre la forme, via un 2e arrêt de la CJUE, d’une somme forfaitaire et/ou une indemnité journalière (astreinte), à dater du 2e arrêt de la CJUE jusqu’à ce qu’il soit mis un terme à l’infraction. Ces sanctions financières sont calculées en tenant compte de l’importance des règles violées et de l’incidence de l’infraction sur les intérêts généraux et particuliers ; de la période pendant laquelle le droit de l’UE n’a pas été appliqué et de la capacité de paiement de l’Etat membre, garantissant l’effet dissuasif de l’amende. Dans son 2e arrêt, la CJUE peut modifier le montant proposé par la Commission.

 

 

 

 

 

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