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COP-21 : décryptage des INDC remises

  • Réf. : 2015_11_a9
  • Publié le: 1 novembre 2015
  • Date de mise à jour: 13 juin 2019
  • International

Au 30 octobre 2015, 156 Parties à la CCNUCC [sur 196] avaient soumis leur INDC au futur accord climat international [128 INDC au total couvrant 156 Parties car l’UE a soumis une seule INDC pour l’ensemble de ses 28 Etats membres. La France n’a pas donc eu à remettre une INDC nationale] . Toutes les 43 Parties à l’annexe I [pays industrialisés] ont soumis leur INDC, les dernières en date ayant été l’Ukraine et la Turquie [30 sept.] . Parmi les 113 autres Parties [sur le total de 156] , figurent sept pays émergents [Mexique, Chine, Corée du Sud, Singapour, Indonésie, Afrique du Sud, Brésil] .

Contexte : au titre de la décision 1/CP.20 [adoptée à la COP-20, Lima, 2014] (lire notre dossier complet sur ce sujet) , les Parties à la CCNUCC devaient soumettre leur INDC  » bien en amont de la COP-21  » et avant le 31 mars 2015 pour les Parties  » en mesure de le faire « .

Le Secrétariat de la CCNUCC était chargé de réaliser un rapport de synthèse sur l’impact agrégé [au regard de l’objectif de 2°C] des INDC soumises avant le 1 er octobre 2015 pour publication avant le 1 er novembre 2015 ( voir page suivante ) .

Les 156 Parties ayant soumis leur INDC représentent 91,15% des émissions mondiales de GES [en 2012, hors transport aérien et maritime international (voir encadré ci-dessous)] . Ce nombre élevé est en net contraste avec les 37 Parties ayant soumis des engagements au titre de la 2e période du Protocole de Kyoto (2013-2020) qui couvrent 12% des émissions mondiales de GES ( source : PBL/JRC, 16/12/2014 ).

Au total, 40 Parties n’ont pas encore soumis leur INDC [au 30 octobre 2015] , dont neuf Etats pétroliers de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) [ Angola, Iran, Iraq, Koweït, Libye, Nigeria, Qatar, Arabie Saoudite, Venezuela] qui représentent près de la moitié (4%) des émissions mondiales de GES non encore couvertes par une INDC (8,85%). Les trois autres membres de l’OPEP [Algérie, Emirats Arabes Unis et Equateur] ont soumis leur INDC.

Le cas de Taïwan

Non reconnu par la communauté internationale, Taïwan (0,6% des émissions mondiales de GES) n’est pas une Partie à la CCNUCC mais demande depuis plusieurs années, sans succès, de bénéficier d’un statut d’observateur. Taïwan a adopté volontairement une INDC le 17 septembre 2015, en s’engageant à réduire ses émissions de CO 2 de 50% d’ici 2030 [aucune autre précision disponible] .

Parmi les autres pays n’ayant pas encore remis leur INDC, figurent notamment le Soudan (0,9% des émissions mondiales de GES), le Pakistan (0,7%), l’Egypte (0,5%) et la Malaisie (0,5%).

Quel périmètre prendre en compte ?

Il faut opérer une distinction entre :

  • les émissions de GES couvertes par l’ensemble des Parties à la CCNUCC ( 53,5 Gt CO2e en 2012) [et donc rattachées à un pays] , ainsi que par Taïwan ( voir encadré ci-dessus ;
  • les émissions qui ne sont pas attribuées à un pays, à savoir les émissions du transport aérien et maritime international ( 1,2 Gt CO2e dont 524,3 Mt CO 2 e pour l’aérien et 668,5 Mt CO 2 e pour le maritime). Ces deux secteurs, qui représentent donc 2,1% des émissions totales mondiales, ne sont visés par aucun objectif chiffré contraignant de réduction mais ils font l’objet d’actions au sein respectivement de l’OACI et de l’OMI.

Dès lors, soit on entend par total le vrai total mondial (53,5 + 1,2 = 54,7 Gt CO2e ) qui n’exclut aucune émission, soit on parle du total des émissions couvertes par les INDC uniquement ). Le CITEPA a choisi le 2 e cas ( Source : CITEPA d’après données d’émission PBL/JRC, 16/12/2014 ) .

Comparaison des INDC soumises

Une analyse des INDC soumises fait ressortir des similitudes quant à la démarche suivie par certains types de pays :

  • à l’instar du modèle établi par le Protocole de Kyoto, les engagements de la quasi-totalité des pays industrialisés [UE, Australie, Canada, Etats-Unis, Japon, Russie, Ukraine,…] sont sous forme d’objectif en pourcentage de réduction par rapport à une année de référence [1990, 2005 ou 2013] . Les objectifs fixés par la Suisse et Monaco sont les plus ambitieux (-50% d’ici 2030, base 1990) ;
  • la plupart des pays en développement (PED) s’engagent sur des réductions d’émission en 2030 par rapport à un scénario tendanciel à cet horizon. Par ailleurs, dans la quasi-totalité des cas, deux objectifs sont proposés : un objectif à caractère inconditionnel, assorti d’un 2 e objectif plus ambitieux conditionné à la mise à disposition d’un soutien international [financement surtout mais aussi transfert de technologies et renforcement des capacités] . Il s’ensuit que le financement des actions climat des PED sera un enjeu majeur à la COP-21 ( voir encadré sur page suivante ) ;
  • le premier et 3 e pays émetteurs, respectivement la Chine et l’Inde, s’engagent à réduire l’intensité carbone de leur économie ( Chine  : -60 à -65% de CO 2 par unité de PIB en 2030, Inde : -33 à -35%). Plusieurs autres Etats ont également suivi cette approche : Chile , Singapour , Tunisie et Viêtnam ;
  • quelques pays s’engagent sur des objectifs exprimés en termes d’émissions de GES par habitant , assortis d’un plafond : Arménie (limiter le niveau d’émissions cumulées de GES à 633 Mt CO 2 e sur la période 2015-2030, soit 5,4 t CO 2 e/ habitant en moyenne annuelle ; Costa Rica  : limite maximale absolue de 9,4 Mt CO 2 e en 2030, soit 1,73 t CO 2 e/habitant ; Israël  : 7,7 t CO 2 e/hab en 2030 [contre 10,4 t CO2e/hab en 2005]  ; Malawi : 0,7 à 0,8 t CO2e/hab en 2030 [contre 1,4 t CO2e en 2010] .

INDC : forum UE-Maroc des 12-13 octobre 2015

Le forum international sur les « contributions nationales » [INDC] , qui s’est tenu les 12-13 octobre 2015 à Rabat (Maroc) à l’initiative de la Commission européenne et du Maroc [pays hôte de la COP-22, fin 2016] , a réuni quelque 200 participants, notamment des Ministres et des représentants des administrations centrales de plus de 40 pays. Son objectif était surtout d’évaluer l’effort agrégé des INDC soumises à cette date au regard du niveau d’ambition global nécessaire pour ramener les émissions mondiales de GES sur une trajectoire compatible avec l’objectif de 2°C .

Les participants ont reconnu le travail considérable d’un nombre inédit de Gouvernements, approuvé au plus haut niveau politique, pour établir des stratégies d’actions climat. Pour beaucoup d’entre eux, notamment les pays en développement, au premier rang desquels les petits pays vulnérables, il s’agit d’une première.

Conclusions  : les participants ont conclu que le nombre de contributions soumises constitue un progrès sans précédent en termes d’émissions mondiales de GES couvertes [environ 90%] par rapport à la situation actuelle [12% couvertes par la 2e période d’engagement du Protocole de Kyoto (source : JRC/PBL, 16/12/2014)] . Cependant, ils ont souligné que le niveau d’ambition affiché jusqu’ici demeure insuffisant par rapport à l’objectif de 2°C. Pour atteindre cet objectif à terme, selon les participants, l’architecture du futur accord de Paris doit inclure un objectif à long terme [horizon 2050] , un mécanisme dit d’ambition obligeant les Parties à effectuer un réexamen régulier de leurs engagements [cycle de cinq ans] , ainsi que des règles relatives à la transparence et à la responsabilité ( accountability ).

www.indcforum.org

Quatre INDC méritent une attention toute particulière :

  • Ukraine : l’objectif affiché est d’émettre en 2030 40% de moins de GES qu’en 1990 [944,35 Mt CO2e] . Or, en 2012 [402,7 Mt CO2e] , l’Ukraine a d’ores et déjà émis 52,4% de moins qu’en 1990 ( source : CCNUCC ) . Cela signifie donc que l’objectif 2030 équivaudrait à émettre davantage qu’en 2012 [566,6 Mt CO2e] soit une hausse de 40,7% sur la période 2012-2030.
  • Turquie : objectif « jusqu’à » -21% [donc l’objectif peut être moins de 21%] en 2030 par rapport au scénario tendanciel à cet horizon [1,2 Mt CO 2 e ( source : INDC )] , soit 929 Mt CO 2 e au lieu de 1 175 Mt CO 2 e en 2030. Or, la mise en œuvre de cet objectif impliquerait plus du doublement (+116%) des émis-sions en 2030 par rapport au niveau de 2012 [430 Mt CO2e] .
  • Brésil : -37% de GES en 2025 par rapport au niveau de 2005, soit -6,4% par rapport à 1990 (et un 2 e objectif indicatif de   -43% uniquement à des fins de référence). Le Brésil est le seul grand pays émergent à avoir soumis un objectif de réduction en relatif par rapport à une année de référence.
  • Afrique du Sud : ce pays propose une démarche originale : pic, plateau, baisse (peak, plateau and decline) : atteindre un pic des émissions de GES entre 2020 et 2025, puis les stabiliser entre 2025 et 2035, pour les baisser après 2035 [baisse non quantifiée] .

Malgré leur caractère très hétérogène, les INDC constitueront la pierre angulaire de l’action climat post-2020 dans le cadre de l’accord de Paris.

Impact agrégé des INDC soumises

Le Secrétariat de la CCNUCC a publié le 30 octobre 2015 [conformément à la décision 1/CP.20 (voir encadré p.6)] , un rapport de synthèse de l’impact agrégé de l’ensemble des INDC soumises avant le 1er octobre 2015 [au total, 119 INDC couvrant 147 Parties à la CCNUCC sur 196] . Le rapport fournit des estimations des niveaux d’émissions de GES agrégées en 2025 et en 2030 qui résulteraient de la mise en œuvre des INDC étudiées. Ces niveaux sont ensuite comparés aux émissions mondiales de 1990, 2000 et 2010.

Messages clés du rapport

La mise en œuvre des engagements de réduction proposés par les INDC étudiées conduirait :

Evolution des émissions mondiales de GES selon un scénario avec INDC et selon un scénario tendanciel (sans INDC)

Source : CITEPA d’après CCNUCC (30/10/2015, données scénario 2030 avec INDC) et PNUE (19/11/2014, données historiques et scénario tendanciel 2030).

  • conduirait à une baisse de 9% des émissions moyennes mondiales de GES par habitant en 2030 par rapport au niveau de 1990 [et de 5% par rapport à 2010] . Ces estimations se basent sur un niveau moyen mondial de 6,7 t CO2e par habitant e 2030 projeté par la CCNUCC en prenant en compte les INDC.

Les INDC sont-elles compatibles avec l’objectif de 2°C ?

La plupart des INDC ne fournissent des projections d’émis-sions que jusqu’à l’horizon 2025-2030. Or, l’objectif de 2°C est relatif à 2100. Ainsi, le rapport de la CCNUCC n’évalue pas l’adéquation du niveau d’ambition agrégé des INDC avec le niveau nécessaire pour ramener les émissions mondiales de GES sur une trajectoire compatible avec l’objectif de 2°C.

Cependant, différents organismes ont tout de même évalué que cet objectif ne serait pas atteint avec les INDC actuelles. L’AIE ( voir ci-dessus ) , ainsi que l’initiative indépen-dante internationale Climate Action Tracker (CAT) ( voir évaluation publiée le 1 er octobre 2015 ) , estiment tous deux que la trajectoire d’émissions induite par les INDC conduirait à une hausse de 2,7°C. Quant à la Fondation Nicolas Hulot , la mise à jour de son analyse sous forme de  » thermomètre des engagements « , publiée le 29 octobre 2015, indique que les INDC soumises nous conduiraient vers un scénario à plus de 3°C à l’horizon 2100.

A noter enfin que les INDC déjà soumises ne feront pas l’objet d’une révision à la COP-21, le but des négociations à Paris étant, entre autres, de fixer un cadre visant à déterminer si elles seront révisées à l’avenir, et si oui, comment, à quelle fréquence et si cette révision doit être à la hausse pour être compatible avec l’objectif de 2°C.

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