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Les objectifs de neutralité carbone ou « net zero » en débat

  • Réf. : 2021_04_a01
  • Publié le: 15 avril 2021
  • Date de mise à jour: 15 avril 2021
  • International

Dans le cadre de l’Accord de Paris, Etats, territoires et entreprises sont de plus en plus nombreux à afficher l’ambition de parvenir à zéro émission nette (en 2030 ou 2050 généralement), c’est-à-dire à un équilibre entre émissions et absorptions : la neutralité carbone. Cette expression peut avoir des contours flous : parle-t-on uniquement du CO2 ou de tous les gaz à effet de serre ? des émissions directes ou aussi des émissions indirectes ? Sur ce point, lire nos articles :

 

Une grande entreprise sur cinq a déjà annoncé un objectif de zéro émission nette…

D’après un rapport (Taking Stock: A global assessment of net zero targets) de l’Energy and Climate Intelligence Unit (ECIU, ONG britannique spécialisée), et d’Oxford Net Zero (programme de recherche de l’Université éponyme), publié le 23 mars 2021, 21% des 2 000 plus grandes entreprises mondiales ont déjà annoncé vouloir atteindre, à terme, la neutralité carbone. Selon les auteurs du rapport, seules un quart de ces entreprises respectent des critères de robustesse quant à cet engagement (notamment tels que définis par l’ONU dans sa campagne « Race to Zero »), dénotant un manque de transparence et un risque clair de greenwashing. Le rapport conclut en outre que 61% des pays et 13% des villes de plus de 500 000 habitants affichent aussi cette ambition. Ce rapport constitue la première analyse systématique de ces engagements « net zéro ».

 

C’est dans ce cadre que trois publications récentes, dans des revues scientifiques internationales, apportent des éléments d’analyse et de cadrage :

 

Pour des objectifs neutralité plus transparents et plus efficaces

L’auteur d’un article publié le 4 février 2021 dans la revue Communications Earth & Environment, Stephen M. Smith, explique que la séparation claire entre les émissions d’un côté (et leur réduction) ; et les absorptions de l’autre n’est pas suffisante pour améliorer la transparence et permettre la mise en œuvre effective de l’ambition zéro émission nette. Selon lui, les techniques de réduction des émissions et les techniques pour générer des émissions négatives sont en réalité souvent liées, et les séparer n’est pas un moyen efficace pour s’assurer de leur efficacité. Il propose à la place de gérer les risques via une action, un suivi et une gestion à court-terme ambitieux et rigoureux. Il s’appuie sur cinq problèmes principaux posés par la séparation stricte entre réductions d’émissions et séquestration :

  • Il est tentant de reporter à plus tard la compensation par des émissions négatives. Or, le réchauffement climatique étant sensible au cumul des émissions à court terme, il faut s’assurer que la réduction des émissions nettes soit suffisante pour ne pas atteindre la hausse des températures moyennes mondiales visée avant d’avoir mis en place les émissions négatives, qui arriveraient alors trop tard ;
  • Considérer les émissions négatives à part permet de les utiliser telles quelles dans des projets de compensation via des crédits carbone, qui posent cependant souvent des problèmes de double-compte, d’additionnalité et permettent de reporter à plus tard les efforts de réductions des émissions ;
  • L’utilisation d’émissions négatives peut maintenir en place des sources d’émission sans action pour les réduire, si celles-ci sont de toutes façons pensées pour être compensées par ailleurs, ce qui peut freiner l’adoption de techniques de réduction ou d’autres changements structurels pour décarboner des secteurs ;
  • Les projets de développement d’émissions négatives, et notamment les techniques de captage et stockage de carbone (CSC, CCS en anglais), ne sont pas toujours matures et leur déploiement à grande échelle reste incertain ;
  • Il y a un risque que le carbone stocké (dans la biomasse, dans le sous-sol, dans les produits en bois, dans le sol…) soit déstocké à tout moment, et retourne à l’atmosphère (c’est le risque de non-permanence : le carbone stocké l’est temporairement ; le carbone non émis l’est pour toujours).

 

Comment corriger des objectifs de zéro émission nette trop vagues ?

D’après un article publié dans la revue Nature le 16 mars 2021, les auteurs constatent eux aussi la difficulté de comparer des annonces de neutralité carbone par des entreprises ou des Etats, annonces parfois vagues et aux périmètres hétérogènes, mélangeant réductions d’émissions, émissions évitées, compensation via des émissions négatives générées par ces entités ou via le recours au crédits carbone générés par d’autres entités. Les auteurs appellent ainsi les entreprises et Etats :

  • à clarifier le périmètre pris en compte,
  • à démontrer que leur ambition est adéquate et juste,
  • à mettre en place des feuilles de route concrètes.

A travers ces actions, ces engagements pourraient ainsi être véritablement évalués. La COP-26 pourrait être une opportunité, pour les auteurs de cet article, de pousser les Etats à revoir leur NDC en ce sens.

 

Editorial de la revue Nature, 2021

Enfin, un éditorial de la revue Nature, publié le 31 mars 2021 propose un résumé de ces débats autour de la transparence et la crédibilité de ces engagements, la nécessité de cadres de suivi et de vérification, et de définitions claires, acceptées et appliquées par les différents acteurs étatiques et non-étatiques.

 

En savoir plus

Smith, M. (2021) A case for transparent net-zero carbon targets. Communications Earth & Environment volume 2, Article number: 24 (2021). Consulter

Rogelj, J., Geden, O., Cowie, A., & Reisinger, A. (2021). Net-zero emissions targets are vague: three ways to fix. Nature 591, 365-368 (2021). Consulter

Sans auteur (2021). More countries are pledging to achieve carbon neutrality. They must now show how they plan to do this. Nature 592, 8 (2021). Consulter

 

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