CITEPA

Contact
 image

Guide du Citepa des enjeux de la COP-28 : l’essentiel pour comprendre le contexte des négociations

  • Réf. : 2023_12_a01
  • Publié le: 28 novembre 2023
  • Date de mise à jour: 3 décembre 2023
  • International

La Conférence de l’ONU sur le Climat se tient du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï (Emirats arabes unis, EAU). La COP-28, qui fait partie de cette Conférence, est une COP à forts enjeux où l’accent sera surtout mis sur la finalisation des modalités de fonctionnement du fonds spécifiquement consacré aux pertes et préjudices, mais aussi sur l’adaptation, l’atténuation et le financement climat. La Conférence de Dubaï marque également le point d’orgue des travaux du bilan mondial (Global Stocktake), avec le déroulement de la phase politique, déterminante et très attendue, de ce processus d’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Rappel de l’articulation des différents organes de la CCNUCC

Les organes subsidiaires SBSTA et SBI sont des organes techniques mis à disposition de la COP, de la CMP et de la CMA.

 

Le Citepa vous propose un guide pour comprendre où en étaient restées, avant l’ouverture de la Conférence de Dubaï sur le Climat, les négociations sur les sujets à forts enjeux, en particulier le bilan mondial ; les pertes et préjudices ; l’adaptation ; l’atténuation ; le financement climat.

 

Bilan mondial (article 14)

 

Contexte et enjeux généraux

L’article 14 de l’Accord de Paris prévoit la réalisation tous les cinq ans, à commencer par 2023, d’un bilan mondial (Global Stocktake ou GST). La décision 19/CMA.1 (adoptée lors de la Conférence de Katowice du 2 au 16 décembre 2018) est venue préciser les modalités de réalisation de ce bilan (lire pp. 30-34 de notre dossier de fond sur les résultats de Katowice). Il s’agit d’un bilan de la mise en œuvre de l’Accord de Paris afin d’évaluer les progrès collectifs, et non ceux des pays individuels, vers la réalisation de ses objectifs à long terme [articles 2 et 4]. Le bilan mondial doit servir de catalyseur pour renforcer le niveau d’ambition collective dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Il est destiné à éclairer la prochaine série de contributions nationales que doivent soumettre les Parties à l’Accord de Paris en 2025 et ce, conformément au mécanisme de révision quinquennale des NDC, juridiquement contraignant (au titre de l’article 4.2 de l’Accord de Paris), sachant que les engagements nationaux inscrits dans ces NDC-3 devraient être plus ambitieux que ceux des NDC-2 (cf. article 4.3 de l’Accord de Paris).

Conformément à la décision 19/CMA.1, le bilan mondial est composé de trois éléments :

  • collecte et traitement d’informations,
  • évaluation technique dont l’objectif est de dresser un bilan de la mise en œuvre de l’Accord de Paris pour évaluer, d’une part, les progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord et, d’autre part, les possibilités de renforcer l’action et le soutien,
  • volet politique : examen des résultats de l’évaluation technique et de ses conséquences en vue, d’une part, d’éclairer les Parties dans la mise à jour et le renforcement de leurs objectifs, actions et soutien déterminés au niveau national et, d’autre part, de renforcer la coopération internationale en faveur de l’action climat.

Par ailleurs, la décision 19/CMA.1 précise que le bilan mondial devait être réalisé avec l’aide du SBSTA et du SBI, qui devaient mettre en place un groupe de contact conjoint à cette fin et que celui-ci devait être soutenu par un dialogue technique (technical dialogue ou TD). Ce dernier a été chargé de réaliser son travail par des échanges de points de vue, d’informations et d’idées dans le cadre de tables rondes et d’ateliers qui devaient se tenir lors des sessions de négociation de la CMA. Ainsi, à la différence des négociations politiques, le GST a été caractérisé par des échanges et débats informels, inclusifs et dynamiques entre Etats, acteurs non étatiques, experts du climat et société civile.

Ce dialogue a axé son travail sur trois domaines thématiques :

  • atténuation,
  • adaptation et pertes et préjudices,
  • moyens de mise en œuvre (soutien financier, transfert de technologies, renforcement des capacités).

 

Calendrier du GST

La décision 19/CMA.1 a défini le calendrier pour le premier bilan mondial (établi avant la survenue de la pandémie de Covid-19) :

nov. 2021 – juin 2022 : collecte et traitement d’informations,

nov. 2022 – juin 2023 : évaluation technique,

nov-déc. 2023 : examen des résultats dans le cadre du volet politique (avec la contribution des Ministres).

 

Dialogue technique

Trois réunions du premier dialogue technique (dit TD 1) ont eu lieu :

▪ le premier (TD1.1) lors des sessions SB-56 (Bonn, 6-16 juin 2022). Voir rapport de synthèse du 1er dialogue technique (du 26 sept. 2022),

▪ le deuxième (TD1.2) lors des sessions SB-57 (Charm el-Cheikh, 6-12 novembre 2022). Voir rapport de synthèse du 2e dialogue technique (du 31 mars 2023), et

▪ le troisième (TD1.3) lors des sessions SB-58 (SBSTA-58 et SBI-58, 5-15 juin 2023). Voir rapport de synthèse du 3e dialogue technique (du 15 août 2023).

 

Le 3e dialogue technique (TD1.3) du GST s’est déroulé sur plusieurs jours (du 6 au 13 juin 2023) et dans trois formats différents :

  • deux sessions plénières (d’ouverture et de clôture) (respectivement les 6 et 13 juin 2023),
  • trois tables rondes structurées autour des trois domaines thématiques du GST : atténuation (7 juin 2023) ; adaptation et pertes et préjudices (8 juin 2023) ; moyens de mise en œuvre (soutien financier, transfert de technologies, renforcement des capacités) (9 juin 2023) ; ainsi qu’une 4e table ronde transversale sur le thème « intersections» (approches intégrées et holistiques) (10 juin 2023),
  • un Café du monde (World Café), cadre interactif informel. Le Café du monde est un processus de participation qui utilise un cadre informel pour permettre aux participants d’explorer des sujets dans le cadre du GST, dans une grande salle avec plusieurs petites tables. Le cadre facilite les échanges interactifs, car les participants peuvent tourner et circuler, avec des signaux toutes les 30 ou 45 minutes. Un expert et un rapporteur restent à chaque table (6 juin 2023).

Voir note d’information sur le TD1.3 (du 2 mai 2023)

 

Dans le cadre des travaux du dialogue technique, au total, plus de 1 600 documents totalisant plus de 170 000 pages d’informations ont été chargés dans le portail d’information du bilan mondial. Un outil dédié, permet de rechercher les informations soumises.

 

Les 58èmes sessions SB-58 à Bonn (5-15 juin 2023) ont marqué l’achèvement des négociations de la phase technique du GST. Lors de celles-ci, la veille de leur clôture, le 14 juin 2023, les deux co-facilitateurs des négociations sur le bilan mondial (Harald Winkler, Afrique du Sud, et Farhan Akthar, Etats-Unis) ont élaboré une note informelle sur la base des discussions menées par les Parties à Bonn sur le sujet du bilan mondial. Ils l’ont soumise aux Parties pour avis et c’est sa deuxième version @ 20h) qui a été adoptée. Il s’agit d’un projet de structure indicative pour une décision de la CMA-5 (qui aura lieu parallèlement à la COP-28, du 30 nov. au 12 déc. 2023 à Dubaï, Emirats arabes unis). Ce texte, qui vise à faciliter les discussions avant la mise au point de la version finale du projet de décision à soumettre pour examen et adoption par la CMA-5, comporte cinq volets :

▪ A. Préambule ;

▪ B. Contexte et aspects transversaux ;

▪ C. Progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord de Paris, compte tenu de l’équité et des meilleures connaissances scientifiques disponibles, et en vue d’informer les Parties pour qu’elles mettent à jour et renforcent leurs actions et soutien, déterminés au niveau national. Ce volet comporte cinq sous-volets :

C.1 – Atténuation,

C.2 – Adaptation,

C.3 – Ce sous-volet comporte quatre options [alternatives ou « alt »], les crochets indiquant le manque de

consensus sur ces points lors des SB-58 à Bonn :

[alt 1 : C.3 – Flux financiers et moyens de mise en œuvre et soutien,

alt 2 : C.3 – Moyens de mise en œuvre et soutien, y compris les flux financiers,

alt.3 : C.3 – Moyens de mise en œuvre et soutien,

alt 4 : C.3 – rendre les flux financiers compatibles avec une trajectoire d’évolution vers un développement à

faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques,

C.3 bis – moyens de mise en œuvre et soutien],

C.4 Efforts liés aux pertes et préjudices,

C.5 Efforts liés aux mesures de riposte ; 

▪ D. Renforcement de la coopération internationale ;

▪ E. Recommandations et prochaines étapes.

 

Le volet C.3 sur les flux financiers, les moyens de mise en œuvre et le soutien a fait l’objet de vifs débats lors des discussions à Bonn au sein du 3e dialogue technique du bilan mondial. Selon Carbon Brief, ce sujet était clairement une pomme de discorde. Le sujet du financement climat est étroitement liée à celui de la responsabilité historique des pays industrialisés vis-à-vis de la crise climatique (voir analyse de Carbon Brief, publiée le 5 octobre 2021). Comme lors de chaque session de négociation dans le cadre de la CCNUCC, cette responsabilité historique a cristallisé l’important écart entre la position des pays du Nord et celle des pays du Sud et a constitué à Bonn, une fois de plus, une source de vives tensions entre ces deux groupes de pays.

Cette 2e version de la note informelle reflète ces divergences d’opinion sur le sujet du financement, la section C étant désormais déclinée en quatre options [alternatives ou « alt »], les crochets indiquant le manque de consensus sur ces points.

 

Rapport de synthèse du dialogue technique du GST

Le Secrétariat de la CCNUCC a publié le 8 septembre 2023 un rapport de synthèse présentant les principaux résultats des trois réunions du premier dialogue technique (Technical Dialogue ou TD1). Ce rapport de synthèse a été réalisé conformément à une demande des Parties à l’Accord de Paris formulée lors de la CMA-1 (première réunion de celles-ci parallèlement à la COP-24, Katowice, Pologne, 2018). Cette demande a été formalisée dans une décision de la CMA-1, à savoir la décision 19/CMA.1 qui définit les modalités de mise en œuvre du GST (cf. chapitre I, paragraphe 6(c).

 

Le rapport a été réalisé par les deux co-facilitateurs des négociations sur le GST (Harald Winkler, Afrique du Sud, et Farhan Akthar, Etats-Unis), en collaboration avec les deux organes subsidiaires de la CCNUCC, le SBI (mise en œuvre) et le SBSTA (conseil scientifique et technologique).

 

La publication de ce rapport marque l’achèvement de la phase technique du GST. Sa phase politique se déroulera lors de la COP-28 (du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, Emirats arabes unis).

 

Ce rapport synthétise les principaux résultats des trois réunions du dialogue technique qui ont eu lieu sur 2022-23 dans le cadre du GST. Il est basé sur les contributions reçues au cours du processus et sur les discussions qui ont eu lieu lors de chacune des trois réunions du dialogue technique. Le rapport vise à fournir une vue d’ensemble des discussions menées, en identifiant les domaines clés dans lesquels il faut renforcer l’action. Il fournit une évaluation des progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord de Paris. Il comporte également des informations techniques, des bonnes pratiques, les lacunes d’information, les enseignements tirés, ainsi que les prochaines étapes, afin d’aider les Parties à rectifier le tir pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

 

Les résultats sont présentés pour chacun des trois domaines thématiques couverts par le GST :

  • atténuation,
  • adaptation et pertes et préjudices,
  • moyens de mise en œuvre (soutien financier, flux de financement, transfert de technologies, renforcement des capacités).

Sur la base de l’ensemble des contributions soumises et des discussions menées dans le cadre du dialogue technique, les deux co-facilitateurs ont fait ressortir 17 messages clés. (Pour plus de précisions, lire notre article).

Conclusions

Les résultats techniques présentés dans le rapport de synthèse montrent que des actions beaucoup plus importantes sur tous les fronts et par tous les acteurs sont nécessaires pour atteindre les objectifs à long terme de l’Accord de Paris.

Prochaines étapes – Phase politique : vers l’élaboration d’une décision et/ou d’une déclaration à Dubaï

Les travaux du premier GST s’achèveront lors de la CMA-5. Après la fin de la phase technique, la CMA-5 verra le déroulement de la phase politique, très attendue, qui sera centrée sur un examen, par les Parties, des résultats de l’évaluation technique et de ses conséquences en vue :

  • d’une part, d’éclairer la mise à jour et le renforcement des NDC (ambition, actions et soutien), et
  • d’autre part, de renforcer la coopération internationale en faveur de l’action climat.

La phase politique devrait déboucher sur une décision de la CMA et sur une déclaration politique par les Ministres ou les Chefs d’Etat et de Gouvernement, réunis à Dubaï.

Concrètement, pendant la première semaine de la CMA-5 (30 nov. – 5 nov. 2023), le comité de haut niveau du GST (composé des Présidences britannique, égyptienne et émiratie de la CMA [respectivement de la CMA-3, de la CMA-4 et de la CMA-5], ainsi que des Présidents du SBI et du SBSTA) organisera une série d’évènements de haut niveau pour débattre des conséquences de ces résultats de l’évaluation technique.

Le comité de haut niveau a publié, le 28 juillet 2023, une note présentant sa vision et l’organisation de ces évènements de haut niveau dans le cadre de la phase politique du GST. En particulier, il prévoit de les organiser lors du sommet mondial pour l’action climat (World Climate Action Summit) qui se tiendra les 1er et 2 décembre 2023 à Dubaï, et auquel les dirigeants mondiaux seront conviés. D’abord, le comité de haut niveau prévoit une séquence politique de haut niveau, suivie d’une série d’évènements traitant des trois domaines thématiques du dialogue technique du GST, en vue d’évaluer les progrès collectifs et d’éclairer l’action, le soutien et la coopération internationale en faveur de la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris.

Le comité fera une synthèse de ces évènements sous forme de messages et recommandations politiques clés, identifiant les leviers d’action, les lacunes et les obstacles, et mettant en exergue les bonnes pratiques, en vue de renforcer l’action et le soutien en faveur du climat. Cette synthèse sera destinée à éclairer les discussions finales des Parties de la CMA-5 pour qu’elles aboutissent à une décision et à une déclaration politique.

Si les trois réunions du dialogue technique en 2022-2023 se sont déroulées en très grande partie sans heurt, ne prêtant pas à controverse, la phase politique sera une étape déterminante, mais bien plus délicate. La question clé est de savoir comment les résultats techniques de cet état des lieux global vont se concrétiser sur le plan politique et quel niveau d’ambition y sera associé.

 

Rapport de synthèse des contributions des Etats en amont de la phase politique du GST à Dubaï

Le 4 octobre 2023, le Secrétariat de la CCNUCC a publié un rapport de synthèse présentant une analyse des contributions soumises par les Parties (Etats) et les acteurs non-étatiques (provinces, Etats fédérés, régions, villes, secteur privé [entreprises, institutions financières, investisseurs,…], ONG, société civile, etc.) en amont de la phase politique du Bilan mondial

Ce rapport a été élaboré suite à une demande en ce sens formulée par les organes subsidiaires SBSTA (conseil scientifique et technologique) et SBI (mise en œuvre) lors de leurs 58èmes sessions à Bonn (SB-58, 5-15 juin 2023 – lire notre article).

Contexte

Conformément à la décision 19/CMA-1 (paragraphe 7), les présidents des deux organes subsidiaires (SBSTA et SBI) ont publié, le 28 juillet 2023, une liste de quatre questions destinées à aider les Parties et les acteurs non-étatiques dans leur préparation de l’examen des résultats de l’évaluation technique du GST et des conséquences de ces résultats. Les Parties et les acteurs non-étatiques pouvaient ainsi s’appuyer sur ces questions pour rédiger, avant le 15 septembre 2023, leurs contributions écrites proposant des éléments à prendre en compte dans l’examen des résultats de l’évaluation technique du GST qui se déroulera à Dubaï lors de la CMA-5 qui aura lieu parallèlement à la COP-28 (du 30 nov. au 12 déc. 2023).

Voici les quatre questions :

  • Quels ont été les progrès collectifs accomplis à ce jour dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, y compris au titre de l’article 2, dans les domaines thématiques de l’atténuation, de l’adaptation et des moyens de mise en œuvre et de soutien ?
  • Quelles sont les possibilités et les défis liés au renforcement de l’action en faveur du progrès collectif dans les domaines thématiques précités ? Quels sont les mesures possibles, les bonnes pratiques et les exemples de coopération internationale à cet égard ? Comment les éléments contextuels devraient-ils être pris en compte ?
  • Quels sont les mécanismes et les stratégies efficaces en place pour garantir que les moyens de mise en œuvre et de soutien soient renforcés et qu’ils soient cohérents avec les objectifs de l’Accord de Paris ?
  • Quels sont les messages politiques clés pour renforcer l’action et accroître le soutien ? Quelles devraient être les prochaines étapes à cet égard ?

 

Objet du rapport

Ce rapport très complet (701 paragraphes sur 65 pages) synthétise les points de vue des Parties et acteurs non-étatiques exprimés dans leurs contributions soumises au Secrétariat de la CCNUCC sur les éléments à prendre en compte, lors de la phase politique du GST à Dubaï, dans l’examen des résultats de l’évaluation technique du GST. Il s’appuie sur la note informelle (deuxième version @ 20h) rédigée par les deux co-facilitateurs des négociations sur ce sujet (Harald Winkler, Afrique du Sud, et Farhan Akthar, Etats-Unis) sur la base des discussions menées par les Parties lors des sessions SB-58 à Bonn sur le sujet du bilan mondial. Cette note informelle présente le projet de structure indicative (indicative draft structure) pour une décision à adopter par la CMA-5, lequel a été avalisé – non sans difficulté – par les Parties à Bonn en juin 2023.

Au total, au 2 octobre 2023, le Secrétariat de la CCNUCC avait reçu des contributions :

  • de 24 Parties au nom des groupes de négociation ou à titre individuel et représentant 180 Parties (sur les 195 Parties à l’Accord de Paris) et
  • de 44 acteurs non-étatiques.

 

Structure du rapport

Le rapport de synthèse présente les points de vue des Parties et des acteurs non-étatiques en suivant le projet de structure indicative avalisé par les Parties en juin 2023 lors des sessions SB-58 à Bonn. Ce projet de structure comporte cinq volets (A à E). Le Secrétariat de la CCNUCC a ajouté un 6e volet (F : Autres sujets à examiner) :

  1. Préambule (§ 14 à § 28) ;
  2. Contexte et aspects transversaux (§ 29 à § 67) ;
  3. C. [le chapitre clé] Progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord de Paris, compte tenu de l’équité et des meilleures connaissances scientifiques disponibles, et en vue d’informer les Parties pour qu’elles mettent à jour et renforcent leurs actions et soutien, déterminés au niveau national. Ce volet comporte cinq sous-volets :

C.1 – Atténuation (§ 68 à § 118),

C.2 – Adaptation (§ 119 à § 157),

C.3 – Dans un souci de simplification, le nouveau rapport de synthèse rassemble les points de vue des Parties sur le sujet soutien/moyens de mise en œuvre/financement en trois sous-volets (qui correspondent aux « mesures de mise en œuvre », terme largement utilisé par la CCNUCC depuis de nombreuses années) :

  • Financement et flux de financement (161 à § 309),
  • Développement et transfert de technologies (310 à § 333),
  • Renforcement des capacités (334 à § 347) ;

C.4 – Efforts en matière de pertes et préjudices (§ 348 à § 421),

C.5 – Efforts en matière de mesures de riposte (§ 422 à § 445),

  1. Renforcement de la coopération internationale en faveur de l’action climat (§ 446 à § 534) ;
  2. Recommandations et prochaines étapes (§ 535 à § 693)
  3. Autres sujets à examiner (§ 694 à § 701).

 

C’est le volet E qui contient le plus grand nombre de paragraphes (158), suivi du volet C.3(a) (148).

 

Conclusions

Ce rapport de synthèse constitue un « schéma directeur » de ce que pourrait contenir le résultat final du GST, basé sur les propres contributions des Parties. En bref, il faut retenir de ce rapport que s’il y a divergence des points de vue des Parties sur la façon d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, les contributions des Gouvernements nationaux font ressortir un large consensus sur le fait que l’action climat jusque-là n’a pas été suffisante et que toutes les Parties doivent renforcer leur action climat et qu’il faut renforcer le soutien en faveur des pays en développement, afin de limiter le réchauffement à +1,5°C, d’éviter les pertes et préjudices et de s’adapter au dérèglement climatique.

 

Prochaines étapes

Lors de la phase politique du GST à Dubaï, les Parties vont devoir synthétiser davantage les observations de ce rapport de synthèse, ainsi que supprimer les redondances, tout en réglant leurs divergences d’opinion, pour construire un consensus sur un texte ambitieux, concis, percutant, facile d’accès et équilibré pour examen et adoption par la CMA-5 sous forme de décision. Il reste donc beaucoup de travail à accomplir en vue de dégager un accord sur un texte final.

 

Atelier de préparation de la phase politique

Lors des sessions SB-57 (Charm el-Cheikh, novembre 2022), le SBSTA et le SBI ont mandaté leurs présidents pour convoquer un atelier en présentiel en octobre 2023 pour élaborer des éléments pour le volet « examen politique des résultats du dialogue technique » en vue d’éclairer les travaux de leur groupe de contact conjoint (cf. conclusions des sessions SBSTA-57 (paragraphe 31b) et conclusions des sessions SBI-57 (paragraphe 53b).

L’atelier a eu lieu du 12 au 14 octobre 2023 à Abu Dhabi, Emirats arabes unis. Il a été co-présidé par les deux co-présidents des SB : Nabeel Munir (président du SBI) et Harry Vreuls (président du SBSTA). Les Parties ont mené des discussions sur les éventuels éléments des résultats du GST, en s’appuyant sur le projet de structure indicative avalisé lors des SB-58 (Bonn, juin 2023).

Au terme de l’atelier, les présidents des SB ont indiqué qu’ils allaient préparer un rapport de synthèse de l’atelier, reflétant les éléments révisés sur la base des discussions et des nombreuses contributions apportées pendant l’atelier. Voir note informelle présentant une synthèse des résultats de cet atelier, dont les éléments révisés, publiée le 30 octobre 2023.

A Dubaï, trois tables rondes de haut niveau auront lieu dans le cadre du sommet mondial pour l’action climat, chacune portant sur un des trois domaines thématiques du bilan mondial :

 

Voir page du site de la CCNUCC consacrée au bilan mondial.

Enjeu de la COP-28 : faire déboucher les travaux du bilan mondial (Global Stocktake ou GST) sur une décision de la COP/CMA et/ou une déclaration politique ambitieuse pour « rectifier le tir » afin de rendre la trajectoire d’émissions de GES d’ici 2030 et au-delà compatible avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C

 

 

Pertes et préjudices (article 8)

 

Contexte et enjeux généraux

Le sujet des pertes et préjudices (en anglais Loss and damage ou L&D), très clivant entre pays du Nord et pays du Sud, constitue le troisième volet de l’action climat, après l’atténuation et l’adaptation. Il se réfère aux pertes et dommages irréversibles induits par le changement climatique qui dépassent les capacités des sociétés et des écosystèmes à s’y adapter, ainsi qu’aux impacts socio-économiques qui en résultent. Parfois, ce sujet est appelé les « réparations climatiques ».

Ce sujet est étroitement lié, d’une part, à la question très controversée de la responsabilité historique des émissions de GES qui incombe en premier lieu aux pays industrialisés, et d’autre part, à la justice climatique. Le sujet des pertes et préjudices est très cher aux pays vulnérables (dont les petits Etats insulaires et les pays les moins avancés) qui sont les moins responsables du changement climatique (ils y ont contribué le moins), qui sont en première ligne face aux impacts du changement climatique et qui sont les moins bien équipés pour y faire face.

Quant aux pays industrialisés, ils s’opposent depuis plusieurs années à accorder une grande attention politique sur cette question dans le cadre des négociations de la CCNUCC, craignant, d’une part, des actions en justice qui les tiendraient pour responsables de leurs contributions historiques au changement climatique et, par extension, de ces pertes et préjudices déjà subis, et d’autre part, et de se voir contraints à verser des indemnisations financières aux pays vulnérables. Il faut néanmoins garder à l’esprit que la décision 1/CP.21 (paragraphe 51), qui accompagnait l’Accord de Paris, précise que l’article 8 « ne peut donner lieu, ni servir de fondement à aucune responsabilité, ni indemnisation ». Jusque-là, les pays industrialisés ont toujours refusé de céder aux demandes de financement des pays vulnérables pour les pertes et dommages, demandes qui vont croissant. En effet, depuis plusieurs années, les pays en développement et les ONG demandent aux pays industrialisés de faire preuve de solidarité internationale en mettant en place un mécanisme de financement spécifique pour canaliser les ressources financières pour les pertes et dommages, dispositif qui serait distinct du financement de l’adaptation (financement nouveau et additionnel donc). La question des pertes et préjudices cristallise l’important écart qui demeure entre la position des pays du Nord et celle des pays du Sud. Au lieu d’être comblé ces dernières années, il n’a fait que s’agrandir.

Le rapport de référence ( « Finance for Climate Action : Scaling up investment for climate and development ») publié lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh, le 8 novembre 2022, par le Groupe d’experts indépendants de haut niveau sur le financement climat (Independent High-Level Expert Group on Climate Finance) quantifie des estimations concernant les besoins en termes de financement climat des pays en développement. Selon ce rapport, les estimations visant quantifier en termes monétaires les pertes et préjudices futurs sont sujettes à de fortes incertitudes mais des événements récents suggèrent qu’elles pourraient atteindre 150 à 300 Md$ d’ici 2030 pour faire face aux impacts immédiats et à la reconstruction ultérieure.

Si la toute première référence au sujet des pertes et préjudices dans les négociations climat internationales remonte à….1991, soit un an avant l’adoption de la Convention Climat, il fallait attendre 2013 pour le début des travaux concrets en la matière au sein de la CCNUCC, avec le lancement du mécanisme international de Varsovie sur les impacts associés au changement climatique (Warsaw International Mechanism ou WIM) (cf. décision 2/CP.19). Ce mécanisme promeut la mise en œuvre d’approches pour faire face aux pertes et dommages. Le sujet a été juridiquement formalisé dans l’article 8 de l’Accord de Paris.

La décision 2/CMA.2 (adoptée à Madrid en 2019) a établi, dans le cadre du WIM, le réseau de Santiago pour la prévention, la réduction et la prise en compte des pertes et dommages, afin de catalyser l’assistance technique des organisations, organes, réseaux et experts compétents pour la mise en œuvre d’approches pertinentes aux niveaux local, national et régional dans les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique. Malgré ces avancées ces dernières années, le volet pertes et dommages n’a pas bénéficié d’autant d’attention technique ou politique dans le cadre des négociations de la CCNUCC que les deux autres volets (surtout l’atténuation et, dans une moindre mesure, l’adaptation).

A Glasgow, le Pacte de Glasgow sur le climat (cf. décision 1/CMA.3) a défini les fonctions du réseau de Santiago et a lancé un processus pour concrétiser ses modalités institutionnelles et opérationnelles. Les Parties, réunies au sein de la CMA, ont décidé que le réseau de Santiago recevrait des ressources financières afin de soutenir l’assistance technique aux pays en développement pour éviter, minimiser et traiter les pertes et dommages. La CMA a exhorté les pays développés à fournir des ressources financières pour le fonctionnement de ce réseau.

Par ailleurs, toujours via la décision 1/CMA.3 (§ 73), la CMA a décidé d’établir le Dialogue de Glasgow entre les Parties, les organisations et parties prenantes pertinentes pour discuter des modalités de financement des activités pour éviter, minimiser et traiter les pertes et dommages liés aux effets néfastes du changement climatique. Ce Dialogue, comme son nom l’indique, n’est pas investi de pouvoirs de prise de décision. Il doit se tenir lors des sessions inter-COP du SBI (et non pendant les sessions de la CMA) et terminer ses travaux lors de sa 3e réunion (en juin 2024 lors des sessions SBI-60). Sa première réunion a eu lieu à Bonn, les 7, 8 et 11 juin 2022 (dans le cadre du SBI-56 – lire notre article).

Au titre de la décision 2/CMA.4, adoptée à Charm el-Cheikh lors de la CMA-4, les Parties avaient décidé que le 2e réunion du Dialogue de Glasgow s’appuierait sur la première réunion, et que cette 2e réunion serait axée :

  • sur la mise en place des nouvelles modalités de financement (pour aider les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique à traiter les pertes et préjudices, et à mobiliser des ressources nouvelles et additionnelles) et du nouveau fonds pour les pertes et préjudices,
  • sur l’optimisation du soutien apporté par les modalités de financement en place, notamment pour faire face aux pertes économiques, aux phénomènes qui se manifestent lentement et aux phénomènes météorologiques extrêmes.

La 2e réunion du Dialogue a eu lieu du 8 au 10 juin 2023 à Bonn lors des sessions SBI-58, et non pas pendant la CMA-4. Les discussions se sont concentrées sur le soutien aux différentes phases des pertes et préjudices, et les préférences respectives des Parties pour un fonds autonome ou une approche « en mosaïque ». Sur ce dernier point, selon Carbon Brief, les discussions ont fait ressortir une divergence d’opinions entre, d’une part, les Parties qui préfèrent mettre l’accent sur les « modalités de financement » en dehors du nouveau fonds dédié (les pays industrialisés) et, d’autre part, les Parties qui souhaitent cibler les discussions sur le fonds dédié lui-même (les pays en développement en tête). Les pays en développement souhaitent voir la mise en place du fonds spécifique pour les pertes et préjudices comme une entité fonctionnant sous l’égide de la CCNUCC, financé par des contributions des pays industrialisés et fournissant des dons et/ou des subventions plutôt que des prêts. Parmi la mosaïque de solutions préconisée lors de la COP-27 par l’UE et les Etats-Unis (lire notre article), figurent notamment le financement des banques multilatérales de développement, des régimes d’assurance, et des organisations humanitaires.

Les Parties ont également réfléchi à la question de savoir comment il pourrait y avoir une coopération entre, d’une part, les nouvelles modalités de financement et le nouveau fonds et, d’autre part, les acteurs non étatiques, y compris le secteur privé.

Lors des discussions en sous-groupes le deuxième jour (9 juin 2023), les Parties ont échangé leurs points de vue sur les capacités des institutions existantes à répondre aux pertes et aux préjudices et sur la meilleure façon dont il convient de traiter les pertes et préjudices pour que le financement ne réponde pas seulement aux besoins immédiats mais aussi aux besoins de reconstruction et de redressement des communautés locales à moyen et à long terme, et pour que ce financement n’alourdisse pas le fardeau de la dette des pays en développement.

Enfin, des discussions ont été menées sur les nouvelles sources de financement pour compléter le financement qui serait issu du nouveau fonds, à savoir d’éventuelles taxes sur le transport maritime et aérien international ou sur les combustibles fossiles.

Voir compte rendu de la 2e réunion du Dialogue de Glasgow.

 

Modalités de financement des pertes et préjudices

Les attentes sur le dossier du financement des pertes et préjudices étaient très fortes en amont de la COP-27 et de la CMA-4 (Charm el-Cheikh, Egypte, novembre 2022) puisque c’était le continent africain qui l’accueillait. L’avancée la plus importante issue de cette conférence concernait incontestablement le sujet pertes et préjudices. Ainsi, la COP-27 et la CMA-4 ont décidé de mettre en place de « nouvelles modalités de financement » pour aider les « pays en développement particulièrement vulnérables », en fournissant et en aidant à mobiliser des ressources nouvelles et additionnelles (paragraphe 2 de la décision 2/CP.27 et paragraphe 2 de la décision 2/CMA.4).

Dans ce contexte, la COP-27 et la CMA-4 ont établi un fonds spécifique dédié aux pertes et préjudices, et un comité de transition pour rendre ce fonds opérationnel. Ce comité est chargé de formuler des recommandations en ce sens pour examen et adoption lors de la COP-28 et de la CMA-5 (30 nov.-13 déc. 2023) (paragraphes 3 et 4 de la décision 2/CP.27 et paragraphes 3 et 4 de la décision 2/CMA.4). Selon le paragraphe 3 du cahier des charges (terms of reference) du comité de transition), établi à l’annexe de ces deux décisions, les travaux dudit comité s’achèveront avec l’adoption au plus tard lors de la COP-28 et de la CMA-5 d’une décision relative aux nouvelles modalités de financement des pertes et préjudices. L’objectif est donc que le fonds spécifique dédié aux pertes et préjudices soit opérationnel à la COP-28/CMA-5.

Le comité de transition est composé de 24 membres qui devaient être nommés avant le 15 décembre 2022 (cf. annexe de la décision 2/CP.27 et de la décision 2/CMA.4). La répartition des membres de ce comité, définie en annexe de la décision 2/CP.27 et de la décision 2/CMA.4, est la suivante :

  • 14 des pays en développement (PED)
  • 3 membres du groupe régional Afrique de l’ONU (dont 1 représentant de la COP-27),
  • 3 membres du groupe régional Asie-Pacifique (dont 1 représentant de la COP-28),
  • 3 membres du groupe régional Amérique latine et Caraïbe,
  • 2 membres des petits Etats insulaires,
  • 2 membres des pays les moins avancés, et
  • 1 membre d’un pays en développement n’entrant pas dans une des catégories précitées [en l’occurrence l’Arménie] ;
  • 10 des pays industrialisés.

 

Le comité est donc composé d’une majorité de PED.

 

La décision 2/CP.27 et la décision 2/CMA.4 adoptées à Charm el-Cheikh ont établi à leur annexe le cahier des charges du nouveau comité de transition. Ainsi, le comité doit se réunir au moins 3 fois en 2023 et achever ses travaux de préparation du fonds dédié aux pertes et préjudices à la COP-28/CMA-5. L’objectif affiché est donc que le fonds soit opérationnel à la COP-28/CMA-5. Le principal enjeu pour ce comité est de concrétiser l’opérationnalisation du nouveau fonds afin qu’il ne reste pas une coquille vide car au terme de la COP-27, il y avait tout simplement un accord de principe sur la création du fonds pour les pertes et préjudices conclu au terme de la COP-27 : tout restait à construire.

La première réunion du comité de transition (dite TC 1) s’est tenue à Louxor du 27 au 29 mars 2023 (lire notre article). La composition du Comité, qui devait être décidée avant le 15 décembre 2022, a pris du retard en raison de la nomination tardive des trois membres provenant du groupe régional Asie-Pacifique des pays membres de l’ONU. Sur les cinq groupes régionaux, celui d’Asie-Pacifique a été le dernier à nommer ses membres en raison d’un manque de consensus entre les différents pays d’Asie sur le choix des 3 membres représentant leur région. Ils ont fini par trouver un compromis mi-mars 2023, en nommant des représentants de six pays qui se partageront la participation aux trois réunions prévues du comité en 2023 : l’Inde, les Philippines et l’Arabie saoudite partagent un siège alors que la Chine, la Corée du Sud et le Pakistan partagent l’autre. Le 3e membre de ce groupe, un représentant de la Présidence de la COP-28 (Emirats arabes unis), n’a pas fait l’objet du désaccord entre les pays de la région.

Voir liste complète des 24 membres, dont Jean-Christophe Donnellier de la France.

Lors de cette première réunion, les deux co-Présidents du comité ont été élus : Richard Sherman (Afrique du Sud) et Outi Honkatukia (Finlande). Par ailleurs, les modalités de travail (voir note des co-Présidents du 28 mars 2023) et le programme de travail ont été adoptés (voir note des co-Présidents du 29 mars 2023). Selon Mohamed Nasr, négociateur en chef du gouvernement égyptien, il y avait une ambiance constructive et les membres du comité ont fait preuve de coopération, d’entente et de responsabilité (source : Climate Home News, 31 mars 2023). Les discussions ont fait ressortir une certaine convergence sur une feuille de route en vue de la mise en place du Fonds.

Face à la perspective de manquer de temps pour faire aboutir les travaux sur des résultats concrets, le comité a décidé de programmer une 4e réunion (TC 4) du 17 au 20 octobre 2023.

Organisation et calendrier des travaux en 2023

(source : note des Co-présidents du 29 mars 2023).

 

Les positions des pays n’avaient pas changé depuis la COP-27 et la CMA-4. Les discussions à Louxor ont surtout fait ressortir des divergences sur les deux questions clés :

  • quels pays doivent bénéficier du Fonds : les pays en développement « particulièrement vulnérables » ou tous les pays en développement ?
  • qui va contribuer au Fonds ?

Voir note de synthèse des résultats.

La 2e réunion du comité a eu lieu à Bonn du 25 au 27 mai 2023. Voir note de synthèse des résultats.

La 3e réunion s’est tenue du 29 août au 1er septembre 2023 à Santo Domingo, République dominicaine. Voir note de synthèse des résultats.

La 4e réunion s’est tenue du 17 au 20 octobre 2023 à Aswan, Egypte. Voir note de synthèse des résultats.

Le matin du dernier jour de cette 4e réunion, le 20 octobre 2023, les deux co-Présidents ont remis aux membres du comité un projet de texte de négociation (draft negotiating text) de 17 pages pour examen :

  • la partie I de ce projet de texte de négociation porte sur les questions relatives à la localisation (à l’hébergement) du fonds : quatre options ont été proposées :
    • option 1 : la Banque mondiale,
    • option 2 : la Banque mondiale (assortie de conditions),
    • option 3 : nouvelle institution autonome
    • option 4 : procédure ouverte et transparente pour sélectionner une institution internationale appropriée pour héberger le fonds.
  • la partie II constitue le projet de cahier des charges sur la gouvernance du fonds.

 

En raison des fortes divergences surtout entre pays du Sud et pays du Nord et faute de temps pour examiner en détail le projet de texte de négociation, les membres du comité de transition ne sont pas parvenus à un consensus pour l’avaliser en vue de le soumettre à la COP-28 et à la CMA-5 pour examen et adoption.

Première grande divergence – Auprès de quel organisme le fonds sera-t-il hébergé et donc qui va le contrôler ?

Les Etats-Unis ont proposé que le fonds soit hébergé auprès de la Banque mondiale mais les pays en développement s’y sont fermement opposés, soulignant que le fonds ne sera pas indépendant de la Banque mondiale sur les plans juridique ou opérationnel et que donc les Etats-Unis, son plus grand actionnaire (et donc les pays industrialisés), auront la mainmise sur le fonds. En outre, selon les pays en développement, la Banque mondiale est trop lente, inefficace et inadaptée à leurs besoins. Elle n’est pas adaptée à garantir un accès rapide et direct au financement du type nécessaire pour faire face aux pertes et préjudices. Une question clé est de savoir comment, sous l’égide de la Banque mondiale, le fonds pourrait rendre des comptes à la COP et à la CMA. Les pays en développement craignent notamment que le processus de prise de décision soit dominé par les grands contributeurs au fonds pertes et préjudices et non par les pays touchés en première ligne (pays en développement), que l’accès au financement soit difficile, voire impossible pour les pays non membres de la Banque mondiale et que les prêts soient privilégiés par rapport aux subventions (ou dons). En outre, les frais d’hébergement et de gestion du fonds pourrait se chiffrer à plus de 20% de son revenu (source : Climate Home News, 3 nov. 2023). Pour ces raisons, les pays en développement ont préconisé que le fonds relève d’une nouvelle structure indépendante ou qu’il soit établi dans le cadre du mécanisme financier de la CCNUCC.

Deuxième grande divergence – A quels pays accorder la priorité pour bénéficier du fonds ?

Cette question renvoie directement à la définition des pays « particulièrement vulnérables » pour reprendre la formulation des deux décisions de la COP-27 et de la CMA-4 (décision 2/CP.27 et la décision 2/CMA.4). Les pays industrialisés souhaitent que le fonds soit attribué sur la base de la vulnérabilité mais il n’existe pas de définition claire et précise de cette notion. Il faudrait surtout définir des critères de vulnérabilité (seuil,…). Si ces critères devaient s’appliquer, le fonds ne pourrait sans doute pas répondre aux besoins des pays à revenu intermédiaire, comme le Pakistan ou la Libye qui ont connu d’importantes inondations récemment. Les pays en développement craignent qu’en pratique tout critère de vulnérabilité se limite aux pays les moins avancés et aux petits Etats insulaires.

Enfin, les pays en développement se sont prononcés pour la fixation d’un objectif chiffré sous forme de somme plancher du fonds ou d’engagement minimum : atteindre 100 Md$ par an d’ici 2030 pour alimenter le fonds (cf. proposition des membres du comité de transition provenant des pays en développement, soumise le 23 août 2023). 

Malgré ces divergences, les membres du comité de transition ont pu néanmoins se mettre d’accord sur la composition du Conseil (Board) du fonds :

  • 14 des pays en développement (PED)
  • 3 membres du groupe régional Afrique de l’ONU,
  • 3 membres du groupe régional Asie-Pacifique,
  • 3 membres du groupe régional Amérique latine et Caraïbe,
  • 2 membres des petits Etats insulaires,
  • 2 membres des pays les moins avancés, et
  • 1 membre d’un PED n’entrant pas dans une des catégories précitées ;
  • 12 des pays industrialisés.

 

Ainsi, les pays contributeurs au fonds (pays industrialisés) pourront siéger au Conseil, qui est toutefois composé d’une majorité de PED.

Etant donné le retard accusé dans l’avancement des discussions lors de la 4e réunion du comité de transition, ses membres ont convenu de tenir une 5e réunion d’urgence les 3-4 novembre 2023 à Abu Dhabi, Emirats arabes unis. Le principal objet de cette réunion supplémentaire était d’adopter le rapport final du comité avant de le soumettre à la COP-28 et à la CMA-5 pour examen et adoption. Ce rapport devrait intégrer la version finale du projet de texte de négociation précité, une fois avalisée par les membres du comité de transition.

La 5e réunion a ainsi eu lieu les 3-4 nov. 2023 à Abu Dhabi. Elle a vu resurgir de fortes dissensions entre pays du Sud et du Nord, mais aussi entre pays du Nord eux-mêmes. Ainsi, alors que les Etats-Unis et le Japon campaient sur leur position ferme (aucune obligation de contribution), l’Allemagne, la France, la Norvège et le Canada ont adopté une position plus ouverte et constructive. Après d’âpres discussions, les membres du comité sont parvenus à un pré-accord sur les modalités de mise en place du comité et ce, malgré les réserves des Etats-Unis et de plusieurs pays en développement. Une version révisée du projet de texte de négociation rédigée par les deux co-présidents du comité (17 pages) a été soumis tard dans la soirée du 4 novembre 2023 à ses membres. Ils ont fini par l’avaliser. Il sera ensuite soumis pour examen et adoption formelle par la COP-28/CMA-5. Il s’agit d’un texte de compromis fragile adopté à contre-cœur des pays en développement qui ont fait d’importantes concessions : il reste bien en deçà de leurs attentes et bien loin de l’ambition nécessaire, étant donné l’urgence climatique :

  • dans un premier temps (période provisoire de quatre ans), le fonds sera hébergé par la Banque mondiale : les pays en développement ont accepté ce compromis mais sous conditions (ainsi, par exemple, les Parties à la CCNUCC et à l’Accord de Paris qui ne sont pas membres de la Banque mondiale pourront avoir accès au fonds sans que soit nécessaire une décision ou d’une franchise de la part du Conseil d’administration de la Banque mondiale à l’égard de décisions de financement prises à titre individuel – (cf. paragraphe 20(g)). En clair, selon les pays en développement, les pays du Nord conserveront le contrôle du fonds, du moins pendant cette période provisoire;
  • la contribution au fonds est basée sur le volontariat : aucune obligation de contribution au fonds ne figure dans le texte de compromis sous la pression des Etats-Unis et du Japon, alors que les pays en développement défendaient une contribution obligatoire des pays industrialisés en vertu de leur responsabilité historique. Les pays industrialisés sont simplement « invités» à fournir en premier des contributions financières au fonds (cf. paragraphe 13 de la version révisée du projet de texte de négociation). Les pays industrialisés sont également « exhortés » [« urged »] à continuer de fournir du soutien pour les pertes et préjudices (paragraphe 12) ;
  • la version finale du projet de texte de négociation ne spécifie pas quelles catégories de pays pourraient être bénéficiaires du fonds mais elle précise que le conseil du fonds élaborera un système d’attribution des ressources (resource allocation system) qui devra prendre en compte notamment les priorités et besoins des pays en développement particulièrement vulnérables et l’ampleur des impacts des épisodes climatiques spécifiques en lien avec les circonstances nationales, tout en garantissant un plancher minimum d’attribution (en pourcentage) pour les pays les moins avancés et les petits Etats insulaires (cf. annexe I, section IX, paragraphe 59). Ce sera donc le conseil et non les pays donateurs qui décideront quels pays seraient bénéficiaires du fonds ;
  • aucun objectif chiffré sur le montant du fonds à terme n’a été fixé, aucun chiffre n’a été avancé sur les éventuelles contributions des pays donateurs ;
  • aucune échéance n’a été fixée pour alimenter le fonds ;
  • il n’y a pas de précisions sur les sources de financement, la version finale du projet de texte de négociation se limitant à préciser que « le fonds peut recevoir des contributions d’une grande variété de sources » (cf. paragraphe 20(i)) ;
  • il n’y a pas de capitalisation immédiate, ni de plan de capitalisation clair ;
  • aucune stratégie de sortie du giron de la Banque mondiale n’est définie.

 

Les pays industrialisés souhaitent élargir la base des donateurs au secteur privé, s’appuyant sur une « mosaïque » de solutions en termes de sources de financement, pour reprendre le terme utilisé par l’ancien vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans lors de la COP-27. Pour leur part, les pays en développement insistent sur l’importance de privilégier le financement à base de subventions ou de dons (plutôt que des prêts) pour ne pas alourdir davantage le fardeau de leurs dettes.

Même si le fonds sera hébergé auprès de la Banque mondiale pendant la période provisoire de quatre ans, le fonds sera géré par un Secrétariat nouveau, indépendant dédié (cf. paragraphe 3). La version finale du projet de texte de négociation prévoit, en attendant l’installation de ce Secrétariat, la mise en place d’un Secrétariat provisoire du Fonds pour fournir un soutien administratif et logistique au conseil du fonds. Les Secrétariats de la CCNUCC, du Fonds vert pour le climat et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sont priés de constituer conjointement ce Secrétariat provisoire (cf. paragraphe 26). 

Le fonds devra rendre des comptes à la COP et à la CMA et fonctionner sous l’égide de ces deux organes (cf. paragraphe 4). Le Conseil (Board) doit soumettre des rapports annuels à la COP et à la CMA pour examen (cf. annexe I, section IV.B(c)). Sa première réunion devra se tenir au plus tard le 31 janvier 2024 (paragraphe 10).

Le fonds fera l’objet d’une reconstitution (replenishment) tous les quatre ans, à l’instar de la période quadriennale de reconstitution du Fonds vert pour le climat (lire notre article), mais pourra recevoir des contributions financières sur une base permanente (cf. annexe I, section VIII, paragraphe 54).

Enfin, les modalités de fonctionnement du Fonds devront être approuvées lors de la COP-29 et de la CMA-6 (novembre 2024) (cf. paragraphe 5) et non lors de la COP-28/CMA-5.

Lors de cette 5e réunion, le comité de transition a adopté son rapport final pour remise à la COP-28 et à la CMA-5 (FCCC/PA/CP/2023/9 + FCCC/PA/CMP/2023/9).

Même si le projet de texte issu des cinq réunions est loin d’être parfait, il représente le meilleur compromis auquel les membres du comité pouvaient parvenir. Il constitue donc, pour les Parties réunies à Dubaï, une base de discussion, voire une base d’une décision finale à adopter par la COP-28 et la CMA-5. Une chose est sûre : il fera l’objet de vives négociations à Dubaï. Tout va se jouer à la COP-28/CMA-5. La question clé est de savoir si les Parties vont chercher à renégocier des éléments de la version révisée du projet de texte de négociation ou si elles décident de l’adopter telle quelle, sachant que c’est un texte de compromis qui vise à rallier toutes les Parties.  Les « promesses » ou « déclarations » volontaires en matière de pertes et préjudices (ou d’autres sujets d’ailleurs) à Dubaï ne pourront pas se substituer à un accord concret entre toutes les Parties dans le cadre de la CMA pour opérationnaliser le fonds spécifique pertes et préjudices.

Une fois les décisions COP-28/CMA-5 adoptées, il faudra activer et capitaliser rapidement le fonds pour qu’il ne reste pas un « compte bancaire vide ».

Pour rappel, il a fallu cinq ans pour rendre opérationnel le Fonds vert pour le climat (GCF) qui a été formellement créé à Cancún en 2010 et a été opérationnel en 2015. Par conséquent, l’objectif de rendre opérationnel le fonds pertes et préjudices au bout d’un an est très ambitieux.

A noter enfin que le Secrétariat de la CCNUCC a été chargé d’organiser deux ateliers en 2023 pour éclairer le travail du comité de transition destiné à élaborer les recommandations (paragraphe 7(a) de la décision 2/CP.27 et paragraphe 7(a) de la décision 2/CMA.4). Le premier atelier a eu lieu à Bonn les 29-30 avril 2023 (voir rapport des résultats) et le 2e atelier a eu lieu les 15-16 juillet 2023 à Bangkok (voir rapport des résultats).

Enjeux de la COP-28 : adopter une décision de la COP/CMA sur les modalités de fonctionnement du fonds spécifique dédié aux pertes et préjudices pour le rendre opérationnel (une des clés du succès de la COP-28 est l’opérationnalisation intégrale de ce fonds) ; obtenir des pays industrialisés des engagements concrets en termes de contributions financières pour alimenter et capitaliser ce nouveau fonds. 

 

Réseau de Santiago dans le cadre du mécanisme de Varsovie sur les pertes et préjudices (SBI/SBSTA)

Lors de la CMA-4 (Charm el-Cheikh, novembre 2022), les Parties à l’Accord de Paris avaient adopté les dispositions institutionnelles et financières (décision 12/CMA.4) pour rendre opérationnel le réseau de Santiago pour la prévention, la réduction et le traitement des pertes et préjudices. En particulier, les Parties s’étaient mises d’accord pour établir un secrétariat destiné à faciliter le travail du réseau de Santiago (dont le pays hôte restait à déterminer), un conseil consultatif (advisory board) qui doit fournir des recommandations et assurer une supervision sur la mise en œuvre effective des activités du réseau.

Le sujet a été repris lors des 58èmes sessions du SBSTA et du SBI à Bonn (5-15 juin 2023) : deux options figuraient sur la table, telles que proposées conjointement par le SBI et le SBSTA via un groupe d’évaluation (Evaluation Panel) dans son rapport publié le 1er juin 2023 :

Les débats sont restés bloqués à Bonn faute de consensus parmi les pays en développement sur l’option à retenir.

Les Parties ont donc décidé de poursuivre l’examen de cette question à la 59e session des SB (SB-59, 30 nov. – 12 déc. 2023), en tenant compte du projet de texte établi par les co-facilitateurs lors de la session SB-58. En d’autres termes, elles ont reporté la prise de décision à leur prochaine réunion qui aura lieu parallèlement à la COP-28.

Voir les conclusions conjointes SBI/SBSTA.

Enjeu de la COP-28 : décider d’un pays hôte pour accueillir le Secrétariat du réseau de Santiago pour les pertes et préjudices.

 

 

Adaptation (article 7)

 

Le sujet de l’adaptation, désormais au même rang d’importance que l’adaptation depuis l’Accord de Paris. sera abordé à Dubaï dans le cadre de plusieurs axes de négociation, et notamment l’objectif mondial en matière d’adaptation, le financement de l’adaptation et les plans nationaux d’adaptation.

 

  1. Objectif mondial en matière d’adaptation (GGA)

Contexte

Depuis l’adoption de l’Accord de Paris, le sujet de l’adaptation est désormais au même rang d’importance que l’atténuation. Son article 7.1 prévoit la fixation d’un objectif mondial en matière d’adaptation consistant à renforcer les capacités d’adaptation, à accroître la résilience aux changements climatiques et à réduire la vulnérabilité à ces changements. Si le principe d’un objectif mondial est énoncé dans l’Accord de Paris, il incombe aux Parties de le définir concrètement. Or, depuis la COP-21, la concrétisation de cet objectif n’avait pas figuré parmi les sujets prioritaires des CMA et n’avait donc pas fait l’objet de discussions plus poussées et ce, malgré les demandes des pays en développement. Le tout premier atelier informel sur cet objectif mondial sur l’adaptation, organisé à l’initiative des Présidences de la COP-25 et de la COP-26, s’était tenu en ligne le 19 mai 2021.

S’il existe des méthodologies bien établies pour suivre et évaluer les émissions de GES et les efforts et actions menés pour les réduire, il est plus difficile de définir des paramètres communs pour l’adaptation, et plus précisément de définir, de mesurer, de suivre, d’évaluer et de financer les actions d’adaptation. Ces difficultés ont eu pour conséquence de freiner les progrès en la matière, alors qu’en même temps, les risques climatiques s’accélèrent et s’intensifient. En amont de la Conférence de Glasgow sur le Climat (COP-26 et CMA-3, novembre 2021), les seules références à l’adaptation dans l’ordre du jour provisoire de la CMA concernaient le Fonds d’adaptation et le Comité d’adaptation. Le sujet de l’objectif global a été ajouté à l’ordre du jour de la CMA-3 le premier jour de la Conférence, sous la pression des pays africains notamment. Depuis plusieurs années, les pays africains (qui consacrent déjà une part importante de leur PIB à l’adaptation, entre 2 et 9% selon les pays, source : PNUD, 2017) font pression lors des négociations de la CCNUCC pour qu’un objectif quantitatif et qualitatif concret sur l’adaptation soit adopté.

La décision 7/CMA.3, adoptée au terme de la CMA-3 à Glasgow, a chargé le SBI et le SBSTA de déterminer conjointement les finalités et les modalités d’un objectif mondial en matière d’adaptation.

En soulignant le besoin de renforcer l’action sur l’adaptation, les Parties de la CMA-3 ont reconnu l’importance de l’objectif mondial en matière d’adaptation pour la mise en œuvre effective de l’Accord de Paris, et se sont mises d’accord pour lancer un programme de travail de deux ans (2022-2023) dit « Glasgow-Charm el-Cheikh » (Glasgow-Charm el-Cheikh Work Programme on the Global Goal on Adaptation) (cf. paragraphes 11 et 12 de la décision 1/CMA.3) et ce, sous l’égide conjointe du SBSTA et du SBI. La mise en œuvre de ce programme de travail a commencé après la CMA-3. Le programme de travail vise notamment à améliorer la compréhension de l’objectif mondial en matière d’adaptation (définition et choix de métriques, de méthodologies, d’indicateurs et de données,..) et, sur ces bases, à mieux quantifier les progrès accomplis par les Parties.

Dans le cadre de ce programme de travail, quatre ateliers par an sont prévus, soit au total, huit sur les deux années du programme. En 2022, quatre ateliers ont ainsi été programmés : le premier les 8-9 juin 2022 à Bonn lors des sessions de négociation intermédiaires du SBSTA-56 et du SBI-56, le deuxième en virtuel les 30-31 août 2022, le troisième en virtuel les 17-18 octobre 2022 et le quatrième le 5 novembre 2022 lors de la CMA-4 à Charm el-Cheikh. Voir synthèse des résultats des quatre ateliers de 2022.

Quatre autres ateliers ont été programmés en 2023 :

 

Sous la pression des pays en développement lors des sessions intermédiaires de négociation à Bonn (juin 2022 – lire notre article), les Parties sont parvenues à un accord pour inscrire le sujet à l’ordre du jour formel de la CMA-4 à Charm el-Cheikh (cf. voir ordre du jour provisoire en date du 26 août 2022, agenda item 6(c)). Ceci a constitué une avancée non négligeable en amont de cette Conférence.

A Charm el Cheikh, la CMA-4 a décidé de lancer un cadre (framework) pour l’objectif mondial sur l’adaptation à mettre en œuvre en 2023 via une approche structurée dans le cadre du programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh. Ce cadre doit être adopté lors de la CMA-5 (Dubaï, 30 nov.-12 déc. 2023) et aider les Parties à atteindre l’objectif mondial et à évaluer les progrès collectifs accomplis à cet effet (paragraphe 8 de la décision 3/CMA.4).

Le sujet a été repris lors des 58èmes sessions du SBSTA et du SBI à Bonn (5-15 juin 2023). Des consultations informelles ont été menées à Bonn sur le cadre (framework) pour l’objectif mondial sur l’adaptation. Les Parties se sont penchées sur les éventuels éléments structurels d’un projet de décision pour examen et adoption par la CMA-5.

Les discussions ont fait ressortir de fortes divergences d’opinion entre les pays industrialisés et les pays en développement et ce, notamment sur les attentes vis-à-vis des débats sur ce dossier. Les pays industrialisés souhaitaient lancer les discussions uniquement alors que les pays en développement, le groupe de négociation G77+Chine en tête, voulaient passer aux négociations concrètes sur le fond et, plus précisément, à la définition d’objectifs généraux, d’objectifs spécifiques, d’indicateurs et de paramètres de mesure (metrics) au sein de ce cadre.

Ce groupe de 134 pays en développement a cherché à obtenir un accord sur une note informelle (version du 13 juin 2023 @12h15), élaborée par les deux co-facilitateurs, pour résumer les points de vue exprimés à ce jour sur ce sujet de négociation. La note informelle était un projet de texte de sept pages qui comportait une liste d’options en matière d’objectifs, d’indicateurs et de paramètres de mesure pour l’adaptation (mesures visant à préserver les sols et l’eau, mise en place d’ici 2027 de systèmes d’alerte précoce des évènements climatiques extrêmes, renforcement de 50% de la résilience vis-à-vis des effets du changement climatique d’ici 2030,…). Selon le groupe G77+Chine, ce projet de texte a repris équitablement les éléments clés des discussions et a posé les jalons d’un accord ambitieux à Dubaï.

Cependant, les pays industrialisés (les Etats-Unis, l’UE et le Royaume-Uni en tête) ont indiqué leur préférence pour que les débats débouchent sur un projet de texte sommaire, d’une page, et axée uniquement sur la structure principale d’une future décision sans entrer dans le détail sur les objectifs, indicateurs ou paramètres de mesure. Dans leurs propres contributions écrites soumises en amont des sessions SB-58, les Etats-Unis et l’UE avaient insisté sur l’importance de ne pas intégrer, à ce stade, d’objectifs spécifiques dans le projet de texte.

Lors de la dernière session des consultations informelles, le 14 juin 2023, le clivage entre les deux camps a atteint un point critique lorsque l’intransigeance de ceux-ci et l’absence de consensus a failli faire échouer les discussions. Le 15 juin 2023, à quelques heures de la fin des sessions SB-58, les co-facilitateurs des consultations informelles ont proposé un texte de compromis qui se rapproche davantage de la position des pays industrialisés mais qui comporte néanmoins une note en bas de page indiquant un lien vers la note informelle sur les objectifs spécifiques préconisés par le groupe G77+Chine. C’est ce texte de compromis qui a été adopté.

Ainsi, cette version finale du projet de conclusions conjointes SBI/SBSTA énumère les éventuels éléments structurels d’un projet de décision pour examen et adoption par la CMA-5 mais ces éléments sont assortis de plusieurs options qui reflètent clairement ces positions divergentes des deux camps.

(Source de ces informations : IISD, 19 juin 2023 et Climate Home News, 16 juin 2023)

Voir les conclusions conjointes du SBI/SBSTA sur ce sujet.

 

Enjeu de la COP-28 : avancer sur la définition de l’objectif mondial d’adaptation, en concrétisant le cadre (framework) en cours d’élaboration au sein du programme de travail Glasgow Charm el-Cheikh.

 

  1. Financement de l’adaptation

Contexte

Le Pacte de Glasgow pour le Climat, adopté le 13 novembre 2021 par la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-3) dans la ville écossaise a exhorté les pays développés à au moins doubler, d’ici 2025, leur soutien financier collectif aux pays en développement pour leurs actions d’adaptation (par rapport aux niveaux de 2019), en s’efforçant de parvenir à un équilibre entre l’atténuation et l’adaptation (cf. paragraphe 18 de la décision 1/CMA.3). Cela correspond, en se basant sur le financement consacré à l’adaptation fourni par les pays industrialisés en 2019 (20,3 Md$ – source : OCDE, 16 nov. 2023, p.10) à environ 40,6 Md $ en 2025 (lire notre article). Pour rappel, l’article 9 de l’Accord de Paris demande aux Parties de parvenir à un équilibre entre atténuation et adaptation dans le financement climat.

Le 16 novembre 2023, l’OCDE a publié sa 6e évaluation des progrès accomplis par les pays industrialisés en vue de la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $ (Md$) par an avant 2020 pour aider les pays en développement à mettre en œuvre l’action climat (mesures d’atténuation et d’adaptation). Cette 6e édition du rapport annuel a été publiée en vue d’éclairer les négociations dans le cadre de la prochaine Conférence des Parties à la Convention Climat (COP-28, Dubaï, Emirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre 2023).

Ce 6e bilan souligne qu’alors qu’entre 2019 et 2020, le financement de l’adaptation avait augmenté de 8,3 Md$ (+41%), il a baissé de 4 Md$ (-14%) entre 2020 et 2021. Parallèlement, le financement de l’atténuation a crû de 5,1 Md$ (+11%) en 2021 par rapport à 2020, alors qu’entre 2019 et 2020, celui-ci avait baissé de 2,8 Md$ (-5%). La baisse du financement de l’adaptation entre 2020 et 2021 n’est pas de bon augure au regard de l’objectif fixé à Glasgow. Il reste donc quatre ans pour atteindre cet objectif. A noter que les chiffres définitifs pour 2025 ne seront disponibles qu’en 2027 du fait du dispositif de rapportage du financement climat en place.

 

Efforts consentis par les pays industrialisés et estimation des besoins réels des pays en développement en matière de financement de l’adaptation

Rapport du PNUE : Estimation des coûts annuels de l’adaptation d’ici 2030 – entre 160 et 340 Md$

Le 2 novembre 2023, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié son rapport annuel sur l’adaptation Adaptation Gap Report (à l’instar de son rapport annuel sur les émissions de GES, Emissions Gap Report). Ce rapport évalue l’écart entre les efforts consentis par les Etats pour s’adapter au dérèglement climatique (dont les flux de financement fournis par les pays industrialisés aux pays en développement) et les besoins réels nécessaires des pays en développement pour y faire face. Parmi ses conclusions :

  • l’estimation des coûts actualisés de l’adaptation pour les pays en développement se situe dans une fourchette centrale plausible entre 215 à 387 milliards de dollars (Md$) par an au cours de la décennie 2021-2030;
  • les besoins de financement pour l’adaptation des pays en développement sont 10 à 18 fois plus importants que les flux de financement public international en 2021, soit en hausse de plus de 50% par rapport à la fourchette d’estimation précédente (flux de financement international en 2020 estimés à 5 à 10 inférieurs aux besoins réels, voir p.32 de notre dossier de fond sur la COP-27)
  • les flux publics multilatéraux et bilatéraux de financement de l’adaptation vers les pays en développement ont diminué de 15% pour atteindre environ 21 Md$ en 2021. Cette baisse, jugée inquiétante par le PNUE, intervient malgré l’objectif fixé en novembre 2021 de doubler le soutien financier à l’adaptation en 2019 pour atteindre environ 40 Md$ par an d’ici à 2025 (dans le cadre du Pacte de Glasgow pour le climat, adopté lors de la CMA-3, décision 1/CMA.3, §18) ;
  • en raison de l’augmentation des besoins de financement de l’adaptation et de l’affaiblissement des flux, l’estimation du déficit actuel de financement de l’adaptation est désormais comprise entre 194 et 366 Md$ par an.

Voir rapport intégral | synthèse | messages clés.

 

Enjeux de la COP-28 : établir un plan pour clarifier comment les pays industrialisés comptent concrétiser la mise en œuvre de l’objectif fixé en novembre 2021 par le Pacte de Glasgow pour le climat (2021) de doubler d’ici 2025 le soutien financier à l’adaptation en 2019 ; obtenir des pays industrialisés de nouveaux engagements concrets en matière de financement de l’adaptation pour contribuer à la réalisation de cet objectif.

 

 

Atténuation (article 4)

 

  1. Renforcement de l’ambition pré-2030 : niveau d’ambition individuelle

Les contributions nationales (NDC) et les stratégies bas-carbone à long terme (LTS) sont au cœur du régime de Paris (article 4). Les objectifs actuels des NDC sont insuffisants au regard des objectifs +1,5°C et de +2°C (lire notre article). Compte tenu de cette insuffisance, le renforcement de l’ambition pré-2030 des Etats via leur NDC-2 est donc un enjeu majeur à la COP-28, d’autant plus que les Parties devront soumettre leur nouvelle NDC ou leur NDC mise à jour, ainsi que leur LTS, en 2025 (cf. décision 1/CP.21, § 23 et 24 [NDC] et § 35 [LTS]) couvrant la période jusqu’en 2035 et ce, conformément au mécanisme de révision quinquennale des NDC, juridiquement contraignant (article 4.2).

A Glasgow, lors de la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-3), celles-ci avaient été priées de revoir et d’améliorer les objectifs fixés pour 2030 dans leurs NDC pour qu’ils soient compatibles avec les objectifs de +2°C et +1,5°C (cf. Pacte de Glasgow : décision 1/CMA.3, § 29). Or :

  • 15 Parties (sur les 195 Parties à l’Accord de Paris) n’ont toujours pas remis de NDC mise à jour ou de NDC nouvelle (voir registre des NDC). Le 3e rapport de synthèse du Secrétariat de la CCNUCC, publiée le 14 novembre 2023, recense 153 NDC mises à jour ou NDC nouvelles (couvrant 180 Parties dont les 27 Etats membres de l’UE) (lire notre article);
  • seulement 68 Parties (sur les 195 Parties à l’Accord de Paris) avaient soumis leur LTS (au 27 nov. 2023) (source : CCNUCC, liste des LTS soumises).

Enjeu de la COP-28 : les pays grands émetteurs qui n’ont pas renforcé leurs objectifs climat dans leur NDC-2 devraient soumettre rapidement une mise à jour de leur NDC avec des objectifs renforcés.

 

  1. Renforcement de l’ambition pré-2030 : niveau d’ambition collective

A Glasgow, lors de la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-3, Glasgow, nov. 2021), celles-ci se sont mises d’accord pour lancer un programme de travail pour relever de façon urgente le niveau d’ambition collectif en matière d’atténuation (cf. Pacte de Glasgow : décision 1/CMA.3, § 27). La CMA-3 a également demandé conjointement au SBSTA et au SBI de lui soumettre un projet de décision sur cette question pour examen et adoption à sa quatrième session (CMA-4, à Charm el-Cheikh).

Lors de cette 4e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-4, Charm el-Cheikh, nov. 2022), la CMA-4 a adopté la décision 4/CMA.4 pour amorcer la concrétisation de ce programme de travail décidé à Glasgow. Ainsi, cette décision 4/CMA.4 établit le programme de travail sur l’ambition en matière d’atténuation et la mise en œuvre de mesures correspondantes (Mitigation Ambition and Implementation Work Programme ou MWP).

La décision 4/CMA.4 était faible car elle a essentiellement précisé les modalités procédurales pour la mise en œuvre du programme de travail :

  • la mise en œuvre du programme devait démarrer immédiatement après la fin de la Conférence de Charm el Cheikh,
  • il est mené sous l’égide de la CMA,
  • le programme de travail prévoit au moins deux dialogues mondiaux par an.

 

Surtout, la décision souligne que les résultats qui en découleront seront « non-coercitifs, non-punitifs, basés sur la facilitation, respectueux de la souveraineté nationale et des circonstances nationales, en prenant en compte le fait que les NDC sont déterminées au niveau national et n’imposeront pas de nouveaux objectifs ou de nouvelles cibles ».

 

Par ailleurs, les négociations à Charm el-Cheikh avait fait ressortir de fortes divergences d’opinion entre les Parties sur la durée de ce programme :

  • d’un côté, l’UE, les Etats-Unis et les pays vulnérables soutenaient une date de fin des travaux en 2030 pour produire des résultats concrets,
  • de l’autre côté, la Chine, l’Inde, et le groupe des pays arabes préféraient une durée de 12 mois (2023).

 

Les Parties ont fini par trouver un compromis : 2026, toutefois avec la possibilité pour la CMA-8 en 2026 de décider de poursuivre ce programme de travail.

 

Sur la base de consultations informelles des Parties, les co-Présidents du programme de travail ont défini le sujet sur lequel les discussions doivent être axées en 2023 : accélérer la transition énergétique juste. Ils en ont informé les Parties dans un message transmis le 26 avril 2023.

La CMA-4 a également décidé, via la décision 4/CMA.4 (paragraphe 8), de tenir au moins deux dialogues mondiaux (Global Dialogues) chaque année dans le cadre du programme de travail, l’un avant la première session des organes subsidiaires à Bonn, à partir de la cinquante-huitième session (SB-58, 5-15 juin 2023), et l’autre avant la 2e session des organes subsidiaires (en même temps que la COP), à partir de la 59ème session (30 nov. – 6 déc. 2023). Le premier dialogue mondial s’est tenu les 3-4 juin 2023 à la veille de l’ouverture des SB-58. Voir programme et note d’information des co-Présidents du programme de travail MWP (du 2 juin 2023). Le 2e dialogue mondial a eu lieu à Abu Dhabi les 15-16 octobre 2023. Voir programme et note d’information.

Enfin, la CMA-4 a demandé, via la décision 4/CMA.4 (paragraphe 11), au Secrétariat de la CCNUCC d’organiser, sous la direction des co-Présidents du programme de travail et des champions de haut niveau, en marge des dialogues mondiaux, des évènements consacrés à l’investissement (investment-focused events), dans le but de débloquer des fonds, notamment pour opérer des transitions justes, surmonter les obstacles à l’accès au financement et déterminer des possibilités d’investissement et des solutions réalistes. L’objet ultime est d’aider les bailleurs de fonds, les investisseurs et les organismes qui financent l’action climat, tant publics que privés, à orienter les flux financiers vers des domaines dans lesquels il est possible de renforcer les mesures d’atténuation d’ici 2030. Le premier évènement consacré à l’investissement a eu lieu le 5 juin 2023. Voir programme et note d’information des co-Présidents du programme de travail MWP (du 2 juin 2023). Le 2e évènement consacré à l’investissement a eu lieu à Abu Dhabi les 17 octobre 2023. Voir programme et note d’information.

Enjeu de la COP-28 : avancer sur ce programme de travail pour qu’il débouche sur des résultats concrets en matière d’ambition et mise en œuvre.

 

  1. Energies fossiles : vers un accord sur l’élimination progressive de leur production et consommation ou sur la réduction progressive de leur production et consommation ?

Contexte

Vingt-cinq COP ont eu lieu sans que la cause principale du réchauffement – les combustibles fossiles – n’ait été mentionnée une seule fois dans une décision de la COP et ce, en raison d’un manque de consensus politique entre les Parties à la CCNUCC. La toute première COP à parler ouvertement de la sortie des combustibles fossiles, c’était lors de la COP-26, en novembre 2021, dans le pacte de Glasgow pour le climat  (cf. paragraphe 28 de la décision 1/CP.26 et paragraphe 36 de la décision 1/CMA.3). Un des objectifs prioritaires de la COP-26 mis en avant par la Présidence britannique était « que le charbon appartienne désormais au passé » (« consign coal to history »). Sous son impulsion, pour la première fois dans l’histoire de la CCNUCC et en 26 ans de COP, une décision de la COP (1/CP.26) et de la CMA (1/CMA.3) fait référence explicitement au charbon et aux combustibles fossiles, qui constituent pourtant la source d’environ 75% des émissions mondiales de GES (source : Iddri). Ainsi, la COP et la CMA avaient invité les Parties à accélérer la mise au point, le déploiement et la diffusion des technologies, ainsi que l’adoption de politiques, afin d’opérer une transition vers des systèmes énergétiques à faibles émissions, notamment en intensifiant rapidement le déploiement de la production d’électricité propre et des mesures d’efficacité énergétique, y compris en accélérant les efforts en vue de la réduction progressive de l’électricité produite à partir du charbon sans captage et stockage du CO2 et de l’élimination progressive des subventions inefficaces aux combustibles fossiles, en reconnaissant la nécessité de soutenir une transition juste.

A noter toutefois que la formulation finale avait été nettement affaiblie par rapport aux versions précédentes du projet de décision de la COP. En particulier, le terme « phase out of unabated coal power » (élimination progressive de la production d’électricité à base de charbon sans captage et stockage du CO2) a été modifié à la dernière minute en « phase down… » (réduction). Cette proposition de reformulation, faite par l’Inde (après l’accord trouvé préalablement avec les Etats-Unis, l’UE, le Royaume-Uni et la Chine) lors de la plénière de clôture de la COP, avait fini par être avalisée par l’ensemble des Parties dans un esprit de compromis, mais à contre-cœur, surtout par les pays vulnérables. Néanmoins, la COP-26 avait envoyé un message clair : il y a désormais un mandat politique pour réduire le charbon.

Au terme de la COP-28 à Charm el-Cheikh (nov. 2022), les deux décisions chapeaux ont repris la mention du charbon et des subventions aux combustibles fossiles (paragraphe 13 de la décision 1/CP.27 et paragraphe 28 de la décision 1/CMA-4). La formulation était quasiment identique à celles du pacte de Glasgow (2021) :

« …l’accélération des efforts destinés à réduire progressivement la production d’électricité à partir de charbon sans dispositif de captage et stockage du CO2 [CSC] et à éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles… »        (« phase down… »)        (« phase out »).

En d’autres termes, en ce qui concerne les combustibles fossiles, le plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh représentait le statut quo par rapport au Pacte de Glasgow. Il ne représentait pas de recul d’ambition mais n’allait pas au-delà, il n’affichait pas de nouvelles ambitions.

Au début de la 2e semaine des négociations, l’Inde avait lancé une dynamique en faveur d’une mention, dans les projets de décisions chapeaux, de la réduction progressive de tous les combustibles fossiles (et non pas uniquement du charbon). Compte tenu du fait que le charbon représente la moitié de la capacité installée de production d’électricité en Inde (source : Ministère indien de la production d’électricité), le 3e émetteur mondial s’était senti particulièrement visé par cet objectif du Pacte de Glasgow et cela pourrait expliquer pourquoi elle avait lancé cette dynamique qui vise également les pays producteurs de gaz et de pétrole.

Cette proposition avait gagné le soutien de plus de 80 Parties (petits Etats insulaires, UE, Royaume-Uni, Suisse, Islande, Norvège, Etats-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande, Australie, Chili, Colombie,…), dont certains pays producteurs de combustibles fossiles.

Elle n’avait cependant pas été reprise dans les deux décisions chapeaux de la COP-27 et de la CMA-4 en grande partie en raison d’une forte opposition de l’Arabie saoudite, de l’Iran et de la Russie et d’autres pays pétroliers du Golfe. La Chine était restée plutôt discrète sur ce sujet. L’autre raison principale de cette non-reprise était que la Présidence égyptienne n’a pas voulu ouvrir cette proposition à la négociation, ni l’inclure dans soin projet de décision chapeau de la COP-27.

 

Les énergies fossiles à la COP-28

En raison, d’une part, de la nature de la Présidence de la COP-28 (le fait qu’elle se tienne dans le 3e pays producteur de pétrole dans le monde [source : AIE, 2021, p.75] et que le très controversé Président de la COP-28, lui-même, Sultan Ahmed Al Jaber, soit PDG de la compagnie nationale pétrolière (Abu Dhabi National Oil Company ou Adnoc) et, d’autre part, de la pression montante et les inquiétudes de la société civile à cause du conflit d’intérêts et des risques de lobbying intensif des entreprises du secteur pétrolier et gazier lors de la COP-28, la question des énergies fossiles, avec ou sans captage/stockage du CO2, sera au cœur des discussions tant formelles, qu’informelles à Dubaï. La COP-28 a même été qualifiée par certaines ONG de « COP des [énergies] fossiles », tant celles-ci seront au cœur des négociations, et d’autant plus que son pays hôte, les Emirats arabes unis sont le 3e plus grand producteur de pétrole dans le monde en termes de capacité (11% du total des pays OPEP en 2022 – source : AIE, 2021, p.75). Ces discussions porteront sans doute en très grande partie sur le concept de combustibles fossiles « unabated » [non couplés à des dispositifs de captage/stockage du CO2] et sur la nécessaire clarification de ce concept. Le Giec le définit dans son rapport de synthèse du 6e rapport d’évaluation (AR6), publié le 20 mars 2023 (p.30) :  les combustibles fossiles « unabated » désignent les combustibles fossiles produits et utilisés sans intervention visant à réduire de manière substantielle la quantité de GES émise tout au long du cycle de vie, par exemple, le captage de 90% ou plus du CO2 des centrales électriques, ou de 50 à 80 % des émissions fugitives de CH4 provenant de la production et distribution d’énergie. Voir aussi article de Climate Home News du 26 juin 2023 : « What does ‘unabated’ fossil fuels mean? »

Lors de la 7e réunion ministérielle sur l’action climat (MoCA-7) à Bruxelles, les 13-14 juillet 2023, Sultan Ahmed Al Jaber a indiqué que la réduction progressive des combustibles fossiles était « inévitable » et « essentielle » (source : communiqué de la Présidence de la COP-28, publié le 13 août 2023).  De même, dans sa lettre adressée aux Parties le 13 juillet 2023, il a déclaré plus précisément que « la réduction progressive de la demande et de l’offre en matière de combustibles fossiles [était] inévitable et essentielle ». Ces déclarations, venant de la part du PDG d’une compagnie nationale pétrolière (Abu Dhabi National Oil Company ou Adnoc), ont marqué les esprits. La question est de savoir si cette rhétorique va impulser la conclusion d’un accord des Parties sur la réduction progressive de la production/consommation d’énergies fossiles, sachant que les divergences entre les Parties demeurent très fortes (entre, d’un côté, 16 pays au sein de la coalition à haute ambition qui sont ouvertement pour (France, Espagne, Autriche, Pays-Bas, Irlande, Slovénie, Guatemala, Sénégal, Kenya, Ethiopie, Zambie, Grenade, Tuvalu, Vanuatu, Iles Samoa, Iles Marshall – voir leur déclaration ministérielle conjointe sur le bilan mondial publiée le 31 octobre 2023), et, de l’autre côté, des pays fermement opposés à toute sortie (Russie, Arabie saoudite,…). Quant à la Chine, son envoyé spécial pour le climat, Xie Zhenhua, a déclaré le 21 septembre 2023 que « l’élimination totale mondiale des énergies fossiles n’est pas réaliste » (source : Climate Home News, 21 septembre 2023). Dans sa contribution d’éléments pour examen lors de la phase politique du bilan mondial (Global Stocktake) à Dubaï, soumise en septembre 2023, la Chine a souligné « le rôle important des combustibles fossiles pour garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique » et que « la transition énergétique doit être réalisée en établissant le nouveau avant d’abolir l’ancien » (« establishing the new before abolishing the old« ) (source : contribution de la Chine à la phase politique du bilan mondial, p.9).

Enjeu de la COP-28 : dessiner une trajectoire de sortie des énergies fossiles, en clarifiant l’ambition des Parties en matière de sortie juste et équitable des énergies fossiles : élimination progressive (« phase out ») ou bien réduction progressive (« phase down ») de leur production et consommation, avec ou sans captage et stockage du CO2 (« unabated »), assortie ou non d’une échéance précise.

 

  1. Un accord sur la transition énergétique

Le Président de la COP-28 mise sur l’adoption, à Dubaï, d’un accord sur la transition énergétique qui fixerait plusieurs objectifs chiffrés en matière de climat-énergie :

  • objectif Présidence réduire de plus de la moitié les émissions de GES scope 1 et 2 du secteur pétrolier et gazier d’ici 2030, y compris atteindre presque zéro émission de CH4,
  • objectif Présidence – accélérer les efforts pour réduire progressivement (« phase down ») la production d’électricité à base de charbon non couplée au captage/stockage du CO2,
  • objectif Présidence – accélérer les travaux sur les partenariats Just Energy Transitions (JET-P). Plusieurs partenariats JET-P ont déjà été mis en place entre pays industrialisés et pays en développement ou émergents : Afrique du Sud (2021), Indonésie (2022), Vietnam (2022) et Sénégal (juin 2023),
  • objectif Présidence tripler la capacité installée de production énergies renouvelables (EnR) d’ici 2030 pour atteindre 11 TW en 2030 (conformément à la mise à jour de la Net Zero Roadmap de l’AIE, publiée le 26 sept. 2023). Cet objectif est soutenu par la Commission européenne et le G20 (cf. déclaration au terme du sommet G20, 9-10 sept. 2023 à New Delhi). Selon l’Iddri, il y a risque que la COP-28 se concentre surtout sur le développement des EnR au détriment de la nécessite de renforcer l’ambition et l’action sur le plan de l’atténuation,
  • objectif Présidence efficacité énergétique : doubler le rythme d’amélioration moyen de l’intensité énergétique dans tous les secteurs d’ici 2030 pour atteindre 4%.
  • captage et stockage du CO2 : les Parties réunies à Dubaï vont-elles fixer un objectif chiffré en la matière ? Un tel objectif est soutenu par la Présidence de l’UE et la Commission européenne, la Norvège, l’Union africaine et le G20 (cf. déclaration du sommet G20, 9-10 sept. 2023).

Au-delà de ces objectifs ambitieux, il faudrait également prévoir un dispositif pour suivre et évaluer les progrès vers leur réalisation.

Enjeux de la COP-28 : adopter un accord sur la transition énergétique fixant un objectif de triplement de la capacité installée d’EnR d’ici 2030 pour atteindre 11 TW en 2030, un objectif de doubler le rythme d’amélioration d’efficacité énergétique d’ici 2030 pour atteindre 4%, ainsi que des objectifs sectoriels visant la réduction des émissions de CH4 ; conclure de nouveaux partenariats JET-P et accélérer la mise en œuvre des partenariats JET-P déjà conclus.

 

Financement climat (article 9)

 

Le financement des actions climat des pays en développement par les pays industrialisés, sujet très controversé, constitue le « nerf de la guerre » des négociations au sein de la CCNUCC et surtout une source de tensions vives, voire de blocages lors des négociations depuis de très nombreuses années.

 

  1. Objectif de 100 Md$ par an en 2020

Les négociations à Dubaï vont se dérouler sur fond du non-respect de l’objectif des 100 Md$, fixé en 2009 et confirmé en 2010. La non-atteinte de l’objectif des 100 Md$ à son échéance initiale de 2020 a eu pour conséquence d’entamer la confiance des pays en développement vis-à-vis des pays industrialisés et de freiner les progrès dans les autres axes de négociation (notamment l’atténuation). Pour rétablir la confiance entre les pays du Sud et les pays du Nord, ces derniers devraient faire preuve d’efforts renforcés pour accroître le financement climat public et privé et ce, sous forme de dons (subventions) plutôt que des prêts pour ne pas alourdir davantage le fardeau de la dette des pays bénéficiaires.

Le financement climat joue également un rôle crucial dans le renforcement de l’ambition des pays en développement. Ceux-ci ne manqueront pas de soulever, lors de la COP-28, les résultats du bilan 2021 de l’OCDE et notamment le déséquilibre persistant entre atténuation et adaptation, et de critiquer vivement le manque d’ambition des pays industrialisés en termes de financement climat.

 

Historique de la définition de l’objectif

Lors de la COP-15 (2009 à Copenhague), les pays industrialisés s’étaient mis d’accord sur un objectif collectif : ils s’étaient engagés à mobiliser et à fournir, avant 2020, 100 milliards de $ US par an, à partir de sources publiques et privées, bilatérales et multilatérales, pour répondre aux besoins des pays en développement (PED) en matière d’atténuation et d’adaptation. Cet engagement avait été inscrit dans le paragraphe 8 de l’Accord de Copenhague (décision 2/CP.15) et formalisé dans le cadre des Accords de Cancún adoptés lors de la COP-16 (2010) et plus précisément au paragraphe 98 de la décision 1/CP.16. Une part appréciable de ce financement doit être acheminée via le Fonds vert [de Copenhague] pour le climat (Green Climate Fund ou GCF), établi également par l’Accord de Copenhague (paragraphe 10).

Lors de la COP-21 (2015 à Paris), l’objectif collectif avait été réitéré et prolongé jusqu’en 2025 (cf. paragraphe 53 de la décision 1/CP.21 accompagnant l’Accord de Paris). Au titre de l’article 9 paragraphe 4 de l’Accord de Paris, les Parties doivent viser à parvenir à un équilibre pour le financement climat des deux volets de l’action climat (atténuation et adaptation).

Pour les pays en développement, la concrétisation intégrale de l’engagement des 100 Md$/an par les pays industrialisés est considérée comme une condition sine qua non pour rétablir la confiance entre les deux catégories de pays. Ainsi, le dossier financement climat constitue depuis plus de 10 ans une véritable pierre d’achoppement des négociations climat dans le cadre de la CCNUCC. Le sujet financement est crucial lors des COP car il constitue un préalable à toute avancée sur les autres sujets de négociation. Même si les experts s’accordent à reconnaître que les besoins financiers réels des pays en développement sont bien plus élevés que 100 Md$ par an, cet objectif sert surtout à démontrer un principe de solidarité qui constitue la clé d’un engagement collectif à agir. Il convient de garder à l’esprit que cet objectif de 100 Md$/an est symbolique car c’est un chiffre purement politique, négocié et adopté à la COP-15 à Copenhague en 2009. Il ne se base sur aucune évaluation technique des besoins financiers réels des pays en développement pour s’adapter au changement climatique et faire face à ses impacts irréversibles (pertes et préjudices). Ce chiffre de 100 Md$/an avait initialement été proposé en amont de la COP-15 par le Premier Ministre du Royaume-Uni de l’époque, Gordon Brown dans un discours intitulé « le chemin vers Copenhague » (The Road to Copenhagen), prononcé le 29 juin 2009.

Le montant de 100 Md$/an représenterait au bas mot un dixième du montant réel nécessaire (voir plus loin).

 

Les rapports d’évaluation de l’OCDE au regard de l’objectif des 100 Md$/an

Depuis 2015, l’OCDE produit, à la demande des pays donateurs, des analyses des progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $. Ces analyses reposent sur un cadre comptable robuste, conforme aux conclusions de la COP-24 convenues par toutes les Parties à l’Accord de Paris en ce qui concerne les sources de financement et les instruments financiers permettant de comptabiliser les ressources financières fournies et mobilisées par des interventions publiques (cf. décision 18/CMA.1). Les chiffres de l’OCDE rendent compte de quatre composantes distinctes du financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés :

  • le financement climat public bilatéral fourni par les institutions des pays développés, notamment les agences d’aide bilatérale et les banques de développement,
  • le financement climat public multilatéral fourni par les banques multilatérales de développement et les fonds multilatéraux pour le climat, attribué aux pays développés,
  • les crédits à l’exportation liés au climat bénéficiant d’un soutien public fournis par les agences officielles de crédit à l’exportation des pays développés, et
  • le financement climat privé mobilisé par les financements climat publics bilatéraux et multilatéraux, attribués aux pays développés.

L’OCDE a publié précédemment plusieurs rapports sur le thème financement climat :

Cette 5e évaluation présentait les chiffres définitifs, tant pour 2020, année cible de l’objectif, que pour l’ensemble de la période 2013-2020 et permet donc d’évaluer définitivement l’atteinte ou non de l’objectif des 100 Md$ (lire notre article). Ainsi, selon ce rapport, en 2020, le financement climat total fourni et mobilisé par les pays développés pour les pays en développement n’a pas atteint 100 Md$ mais s’est élevé à 83,3 Md$. L’OCDE pointe très clairement un écart de 16,7 Md$ entre le résultat 2020 et l’objectif 2020 de 100 Md$, lequel n’a donc pas été atteint à son échéance.

 

Le plan de mise en œuvre pour accélérer la réalisation de l’objectif 2020

Lors de la réunion ministérielle informelle à Londres, convoquée les 25-26 juillet 2021 par la Présidence britannique de la COP-26, celle-ci a mandaté Jochen Flasbarth, alors Secrétaire d’État à l’Environnement de l’Allemagne, et Jonathan Wilkinson, alors Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, pour établir un plan clarifiant la façon dont les pays développés pourraient collectivement intensifier leurs efforts pour atteindre l’objectif des 100 Md $ par an jusqu’en 2025. Cette démarche a été jugée très importante pour regagner la confiance des pays en développement, pays bénéficiaires du soutien international.

Résultat : le 25 octobre 2021, la Présidence britannique de la COP-26 a publié un plan de mise en œuvre (delivery plan) établi par MM. Flasbarth et Wilkinson conformément à leur mandat. Ce plan clarifie « quand et comment les pays développés atteindront l’objectif des 100 Md $ ». Le plan s’appuie sur des scénarios prospectifs du financement climat fourni par les pays développés sur la période 2021-2025, élaborés par l’OCDE et publiés le 25 octobre 2021 dans une note technique. Ces scénarios montrent que, si les engagements annoncés par les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux sont respectés, cet objectif [des 100 Md $] devrait être atteint en 2023 et surpassé dans la période jusqu’à 2025. Sur cette base, l’analyse des deux Ministres « fournit la confiance que l’objectif serait atteint en 2023 », soit trois ans après son échéance et 13 ans après avoir été fixé.

Rapport d’étape de ce plan de mise en œuvre : le 28 octobre 2022, le Ministère canadien de l’environnement et du changement climatique et le Ministère allemand de l’Environnement ont publié un rapport d’étape (progress report). Le rapport conclut entre autres que bien que des progrès significatifs aient été réalisés depuis le lancement du Plan de mise en œuvre du financement climat en amont de la COP-26, des efforts supplémentaires sont encore nécessaires pour améliorer l’ampleur, l’efficacité et l’accès au financement climat, et pour atteindre l’objectif de 100 Md$. Le rapport d’étape visait à contribuer à faire avancer le débat lors de la COP-27 et au-delà, alors que l’attention se porte d’ores et déjà sur l’objectif post-2025 pour le financement du climat.

Enfin, dans une lettre ouverte des deux Ministres actuels de l’Environnement de l’Allemagne et du Canada (respectivement Jennifer Morgan et Stephen Guilbeault) en date du 15 septembre 2023, ceux-ci se sont montrés confiants que l’objectif sera atteint cette année, soit avec trois ans de retard.

 

Le 16 novembre 2023, l’OCDE a publié sa sixième évaluation des progrès accomplis par les pays industrialisés en vue de la réalisation de l’objectif des 100 milliards de $ (Md$) par an avant 2020 pour aider les pays en développement à mettre en œuvre l’action climat (mesures d’atténuation et d’adaptation). En 2021, une année après l’année cible initiale de l’objectif de 100 Md$ dans le cadre de la CCNUCC, le financement climat total fourni et mobilisé par les pays développés pour les pays en développement s’est élevé à 89,6 Md$ (somme des quatre composantes) et donc n’a toujours pas atteint l’objectif de 100 Md$ initialement prévu pour 2020. Ce montant est néanmoins en hausse de 6,3 Md$ (+7,6%) par rapport aux 83,3 Md$ de 2020. Cette hausse de 7,6% est par ailleurs supérieure à la hausse de 4% entre 2019 et 2020 et à celle entre 2018 et 2019 (+2%). Cependant, ces deux dernières hausses contrastent nettement avec la progression de 10% entre 2017 et 2018 et de 21,5% entre 2016 et 2017.

Malgré les hausses d’ampleur différente entre 2016 et 2021, l’OCDE pointe très clairement un écart de 10,4 Md$ entre le résultat 2021 et l’objectif 2020 de 100 Md$, lequel n’a donc pas été atteint à son échéance.

Ce 6e bilan confirme les préoccupations des pays vulnérables :

  • que les pays industrialisés ne sont donc toujours pas parvenus à atteindre l’objectif des 100 Md$, même un an après son année cible de 2020, laissant toujours un écart de 10,4 Md$ entre le résultat 2021 et l’objectif 2020, soit un peu plus de 10% du montant total promis,
  • que la mobilisation du financement privé stagne depuis 2017 (part de 16% dans le total en 2021),
  • que, malgré l’intensification de la crise de l’endettement de nombreux pays en développement, la plus grande partie du financement climat public demeure sous forme de prêts (68%), toutefois en baisse depuis l’évaluation 2022 (71% en 2020),
  • que le déséquilibre du soutien financier apporté par les pays industrialisés aux pays en développement entre l’atténuation (60% du total fourni) et l’adaptation (27%) persiste alors que l’adaptation représente pour les pays en développement, et notamment les pays vulnérables (petits Etats insulaires et pays les moins avancés en tête), un enjeu beaucoup plus important que l’atténuation. L’OCDE note surtout qu’entre 2020 et 2021, le financement de l’adaptation a baissé de 4 Md$ (-14% en 2021) après une hausse entre 2019 et 2020 de 8,3 Md$ (+41%).

 

Financement climat pour les pays en développement : quels sont les besoins réels ?

Un rapport de référence publié lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh (Egypte) fin 2022 quantifie des estimations concernant les besoins en termes de financement climat des pays en développement. Le 8 novembre 2022, un rapport intitulé « Finance for Climate Action : Scaling up investment for climate and development » [Financement pour l’action climat : accélérer et accroître l’investissement en faveur du climat et du développement] a été publié par le Groupe d’experts indépendants de haut niveau sur le financement climat, (Independent High-Level Expert Group on Climate Finance). Ce groupe a été lancé en juillet 2022 par les Présidences de la COP-26 (Royaume-Uni) et de la COP-27 (Egypte) et il est co-présidé par l’économiste britannique Nicolas Stern. Ce rapport a été établi à la suite de la demande conjointe des deux Présidences (voir lettre du 19/07/2022).

Le rapport, qui vise à fournir un cadre pour le financement de l’action climat, conclut notamment :

  • que l’action actuelle est trop lente et trop faible et retarder l’action est dangereux,
  • que le monde a besoin d’une nouvelle feuille de route sur le financement climat qui soit en mesure de mobiliser les 1 000 Md$/an nécessaires en 2030 pour aider les pays en développement et émergents (hors la Chine qui n’est pas prise en compte dans cette analyse),
  • que les politiques publiques et les mesures gouvernementales ont un rôle important à jouer pour stimuler les investissements,
  • que le secteur privé, les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales ont également un rôle complémentaire à jouer,
  • qu’à la différence du chiffre des 100 Md$/an, qui a été négocié lors de la COP-15 à Copenhague et qui ne se basait pas sur des analyses du montant réellement nécessaire, le chiffre de 1 000 Md$/an est le montant nécessaire pour permettre aux pays en développement de s’adapter au changement climatique et de faire face à ses impacts irréversibles (pertes et préjudices), montant basé sur une analyse des investissements et actions climat nécessaires et sur le financement national potentiellement disponible.

Lire notre article sur ce sujet.

 

A noter enfin qu’un 2e rapport de référence ayant quantifié les besoins en matière de financement de l’adaptation est le rapport annuel du PNUE, Adaptation Gap Reportvoir section sur l’adaptation ci-dessus.

 

Enjeu de la COP-28 : obtenir des pays industrialisés de nouveaux engagements concrets et ambitieux en matière de financement climat, , via le Fonds vert pour le climat ou non, pour combler l’écart entre l’objectif des 100 M$/an en 2020 et le résultat 2021 (89,6 Md$) et ce, pour rétablir la confiance entre pays du Sud et pays du Nord. Cela constituerait la véritable clé pour faire avancer les négociations sur les autres sujets problématiques (atténuation en tête).

 

  1. Le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 pour le financement climat

Contexte

Conformément à la décision 1/CP.21 (paragraphe 53), la Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA) doit fixer, avant 2025, un nouvel objectif collectif chiffré post-2025 (New collective quantified goal [NCQG] on climate finance) en matière de financement des actions climat à partir d’un niveau plancher de 100 milliards de $ par an. Ce niveau correspond à l’objectif initial fixé en 2009, sachant que celui-ci n’a pas été atteint en son année cible (2020).

 

Organisation des discussions sur le nouvel objectif post-2025

Conformément à la décision 14/CMA-1, adoptée par la CMA à Katowice, en Pologne en décembre 2018 dans le cadre des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris, les « discussions » (à noter, le choix du mot « discussions » [« deliberations » en anglais], moins fort que « négociations ») sur le nouvel objectif post-2025 ont été lancées lors de la CMA-3 (qui s’est tenue en parallèle à la COP-26, à Glasgow, en novembre 2021). Par la décision 9/CMA.3, adoptée lors de la CMA-3, les Parties se sont mises d’accord sur l’organisation et la structure des discussions sur le nouvel objectif post-2025. Elles s’articulent autour :

  • d’un programme de travail ad hoc sur la période 2022-2024 sous l’égide de la CMA, pour encadrer les discussions techniques,
  • de contributions à soumettre par les Parties et les parties prenantes non-étatiques (régions, villes, secteur privé,…),
  • des dialogues ministériels de haut niveau sur la période 2022-2024, et
  • des bilans et des lignes directrices élaborées par la CMA.

Dialogues techniques d’experts : dans le cadre du programme de travail ad hoc, la CMA a décidé d’organiser quatre dialogues techniques d’experts (Technical Expert Dialogues ou TED) par an (cf. décision 9/CMA.3, § 5), soit 12 en tout au cours des trois ans 2022-2024. L’un de ces dialogues doit se tenir en même temps que la première session des organes subsidiaires de l’année et un autre à l’occasion de la session de la CMA, et les deux dialogues restants seront organisés dans des régions distinctes en vue de faciliter une participation géographique inclusive et équilibrée.

La première réunion de ce Dialogue technique d’experts a eu lieu les 24-25 mars 2022 au Cap (Afrique du Sud). La 2e réunion a eu lieu à Bonn les 13-14 juin 2022. La 3e réunion s’est tenue à Mandaluyong, Metro Manila (Philippines) du 6 au 9 septembre 2022. La 4e réunion s’est tenu à Charm el-Cheikh le 5 novembre 2022. La 5e réunion a eu lieu du 8 au 10 mars 2023 à Vienne (Autriche) (voir note de synthèse des résultats rédigée par les deux co-présidents du programme de travail). La 6e réunion a eu lieu les 12-13 juin 2023 à Bonn (voir note de synthèse des résultats rédigée par les deux co-présidents), la 7e réunion s’est tenue du 30 sept. au 2 oct. à Genève (voir note de synthèse des résultats rédigée par les deux co-présidents). La 8e réunion aura lieu à Dubaï deux jours avant l’ouverture de la COP-28/CMA-5, à savoir le 28 novembre 2023.Voir programme.

A Charm el Cheikh, dans une décision purement procédurale, la CMA-4 a confirmé que les discussions en cours sur le nouvel objectif chiffré collectif sur le financement post-2025 devront déboucher sur la définition de ce nouvel objectif en 2024 (paragraphe 8 de la décision 5/CMA.4 sur le nouvel objectif). Les discussions sur ce sujet ont été difficiles et plusieurs Parties ont souligné qu’il était encore trop tôt pour parler « chiffres », c’est-à-dire quantifier le futur objectif. Les discussions ont donc peu avancées sur le fond de ce sujet crucial lors de la CMA-4.

Dialogue ministériel de haut niveau : la première réunion du dialogue ministériel de haut niveau a eu lieu le 9 novembre 2022 à Charm el-Cheikh lors de la CMA-4, lançant ainsi le processus pour définir, d’ici fin 2024, le nouvel objectif collectif chiffré sur le financement climat pour la période post-2025 (voir programme et note de synthèse des résultats rédigée par le Président de la CMA-4).

La 2e réunion du dialogue ministériel de haut niveau aura lieu le 3 décembre 2023. Voir programme.

Voir la page du site de la CCNUCC consacrée au nouvel objectif collectif chiffré post-2025 sur le financement.

Enjeu de la COP-28 : avancer sur la définition du nouvel objectif collectif chiffré post-2025 à partir d’un niveau plancher de 100 Md$/an, en vue de le fixer formellement à la CMA-6 en 2024 (cf. décision 1/CP.21 § 53), sachant qu’il reste désormais un an pour faire aboutir ces discussions.

 

  1. Informations ex ante sur le financement climat post-2020 fourni par les pays industrialisés (article 9.5)

Contexte

La décision 12/CMA-1, adoptée en 2018 à Katowice dans le cadre des règles de mise en oeuvre de l’Accord de Paris, a établi un Dialogue ministériel de haut niveau sur le financement climat (cf. paragraphe 10), à convoquer à partir de 2021 (à l’instar de celui mis en place sur la période 2014-2020 dans le cadre de la CCNUCC – lire notre article). Ce dialogue s’inscrit dans le cadre de l’article 9.5 de l’Accord de Paris (informations ex-ante sur le financement climat post-2020). La première réunion de ce nouveau dialogue s’est tenue le 8 novembre 2021 à Glasgow dans le cadre de la CMA-3 (lire notre article). La 2e réunion du dialogue ministériel biennal de haut niveau sur le financement climat aura lieu le 8 décembre 2023 à Dubaï. Voir programme.

Enjeu de la COP-28 : donner une impulsion politique et diplomatique forte pour que les pays industrialisés renforcent leur financement climat.

 

  1. L’article 2.1(c) et le dialogue de Charm el-Cheikh

 

Contexte : l’objectif 2.1(c) de l’Accord de Paris

L’article 2.1 de l’Accord de Paris fixe trois objectifs à long terme :

  • (a) température : contenir la hausse de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels et en poursuivant l’action menée pour atteindre +1,5°C,
  • (b) adaptation : renforcer les capacités d’adaptation et promouvoir la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre,
  • (c) financement : rendre les flux financiers compatibles avec une trajectoire d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

A Charm el-Cheikh, lors de la première journée de la COP-27 et de la CMA-4, l’UE avait demandé (sans succès) que le sujet de l’article 2.1c soit ajouté à leur ordre du jour formel. Les Parties ont toutefois convenu que ce sujet fasse l’objet de consultations informelles pendant la Conférence. Ces consultations informelles ont abouti à un consensus parmi les Parties réunies au sein de la CMA-4 : celle-ci a décidé de lancer le dialogue de Charm el-Cheikh entre les Parties, organisations et autres parties prenantes sur l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris (paragraphe 68 de la décision 1/CMA-4).

Par ailleurs, les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI,…) ont été invitées à réformer leurs pratiques et à redéfinir leurs priorités, à aligner leurs financements avec l’objectif de l’article 2.1(c) et à accroître leur financement climat (paragraphes 61 et 62 de la décision 1/CMA-4).

La mission du dialogue de Charm el-Cheikh est d’échanger les points de vue et de mieux comprendre l’article 2.1(c). Le Secrétariat de la CCNUCC a été chargé, sous le pilotage de la Présidence de la COP-27, d’organiser deux ateliers (workshops) en 2023 et d’élaborer un rapport pour la CMA-5 sur les résultats de ces deux ateliers (paragraphe 68 de la décision 1/CMA-4).

Le premier atelier a eu lieu les 19-20 juillet 2023 à Bangkok, Thaïlande. Son objectif était de donner un aperçu des travaux antérieurs et existants qui ont été réalisés en rapport avec l’article 2.1c, dans le cadre du processus intergouvernemental et en dehors de celui-ci, ainsi que de recueillir les avis, les perspectives et les expériences des Parties et des organisations et parties prenantes concernées sur le champ d’application de l’article 2.1c de l’Accord de Paris et sur sa complémentarité avec l’article 9 de l’Accord de Paris (portant sur le financement). Voir ordre du jour.

Le 2e atelier a eu lieu les 3-4 octobre 2023 à Genève. Son objectif était de s’appuyer sur les discussions du premier atelier et de faire progresser la compréhension du champ d’application de l’article 2.1c et de sa complémentarité avec l’article 9 de l’Accord de Paris. L’atelier visait à tirer parti d’un ensemble diversifié de points de vue des secteurs financiers public, privé et non gouvernemental.

Un rapport de synthèse des discussions lors des deux ateliers est en cours d’élaboration par le Secrétariat de la CCNUCC sous la direction de la Présidence de la COP-27. Il sera soumis à la CMA-5 pour examen.

Enjeux de la COP-28 : réaliser des avancées concrètes dans les travaux du dialogue de Charm el-Cheikh sur l’article 2.1(c).

 

Article | International | Politique, gouvernance, réglementation | Climat et Gaz à effet de serre | Outils et plans politiques | CCNUCC/Protocole de Kyoto/Accord de Paris | Energie/EE/EnR