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Journal de la COP-28 | Jour 6 : 5 décembre

  • Réf. : 2023_12_a08
  • Publié le: 5 décembre 2023
  • Date de mise à jour: 11 décembre 2023
  • International

Pour le déroulement global et les enjeux de la Conférence de Dubaï sur le Climat, lire notre article.

Pour une vue d’ensemble détaillée des cinq sujets clés des négociations (bilan mondial ; pertes et préjudices ; adaptation ; atténuation ; financement climat), consultez notre guide des enjeux de la COP-28 : l’essentiel pour comprendre le contexte des négociations

 

Programme de la sixième journée

 

Journées thématiques de la Présidence émiratie

En dehors des négociations officielles dans le cadre de la COP, de la CMA, de la CMP, du SBI et du SBSTA, la Présidence émiratie a organisé sept journées thématiques au cours de la Conférence de Dubaï, du 3 au 10 décembre 2023 :

  • 5 décembre 2023: la troisième journée thématique est consacrée à l’énergie, à l’industrie et à la transition juste.

Voir le programme thématique de la Présidence émiratie

 

Poursuite des négociations

Les cinq organes de la CCNUCC (COP, CMA, CMP, SBSTA et SBI) vont poursuivre les négociations formelles sur la base de leurs programmes de travail respectifs adoptés le 30 novembre 2023 (lire notre article). Les consultations informelles sur les sujets clés vont également se poursuivre en vue de dégager un consensus sur les projets de décision en discussion.

 

MRV/transparence : dispositif avant le régime de Paris (au sein du SBI)

Sessions MRV/transparence dans le cadre du régime pré-Accord de Paris, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022 pour les pays industrialisés et jusqu’au 31 décembre 2024 pour les pays en développement (conformément à la décision 1/CP.24, chapitre VI) :

  • 5-6 décembre 2023: évaluation multilatérale (multilateral assessment ou MA) pour les pays industrialisés.

 

Le 4e cycle de l’évaluation multilatérale (Multilateral Assessment ou MA – voir encadré ci-dessous) dans le cadre du processus d’évaluation et d’analyse internationales (processus dit IAR ou International Assessment and Review) des pays industrialisés s’est terminée à Glasgow lors de la session SBI 52-55 (nov. 2021) et le 5e et dernier cycle a démarré en 2023.

Ainsi, à Dubaï, a lieu la première partie du 5e cycle de l’évaluation multilatérale des rapports biennaux (BR) des pays industrialisés qui se tient en deux sessions, les 5-6 décembre 2023. Les rapports biennaux (Biennal Reports ou BR) de 13 Parties (12 pays et l’UE en tant qu’organisation régionale d’intégration économique) sont soumises à cet exercice :

  • 5 décembre 2023: UE, Bulgarie, Finlande, Irlande, Lettonie, Lituanie, Monaco, Pays-Bas, Slovaquie ;
  • 6 décembre: Slovénie, Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis).

Concrètement, les cinquièmes rapports biennaux de ces 13 Parties vont être soumis à cet exercice d’évaluation multilatérale de leurs objectifs nationaux de réduction des émissions de GES et des progrès qu’ils ont accomplis vers leur réalisation. Après une courte présentation des efforts accomplis par les Parties visées, les autres Parties auront la possibilité de poser des questions directes.

Les cinquièmes rapports biennaux devaient être soumis entre le 15 avril et le 31 décembre 2022. Au moment de la COP-28, cinq Parties à l’Annexe I (sur 43) n’avaient pas soumis leur BR : Croatie, Hongrie, Liechtenstein, Luxembourg et Ukraine. Sur les 38 Parties ayant soumis leur cinquième BR, 21 l’ont fait en retard (voir liste des Parties).

 

En savoir plus sur le dispositif de MRV des pays industrialisés

Les rapports biennaux et le processus d’évaluation et d’analyse internationales (IAR)

Au titre des lignes directrices établies à l’annexe I de la décision 1/CP.16 [adoptée à Cancún (COP-16) en 2010], les rapports biennaux à soumettre par les Parties à l’annexe I (pays industrialisés) doivent inclure les informations sur :

  • les tendances observées en matière d’émissions de GES,
  • les objectifs quantifiés de réduction des émissions de GES,
  • les progrès accomplis vers la réalisation de ces objectifs [actions de réduction et leurs impacts, estimations des réductions et absorptions d’émissions, recours aux crédits d’émission issus des mécanismes de flexibilité,…],
  • les projections d’émissions,
  • le soutien mis à disposition des pays en développement [financement, transfert technologique et renforcement des capacités].

 

Au titre de la décision 1/CP.16 (paragraphe 44), la COP a décidé d’établir, au sein de l’organe subsidiaire pour la mise en œuvre (SBI), un processus d’évaluation internationale des réductions d’émission réalisées par rapport aux objectifs de réduction. Cette évaluation doit être rigoureuse, robuste et transparente et tenir compte des circonstances nationales, en vue de favoriser la comparabilité des efforts des pays industrialisés pour atteindre leurs objectifs de réduction et de renforcer la confiance entre eux. Ce processus est devenu en 2011 le processus d’évaluation et d’analyse internationales [processus dit IAR ou International Assessment and Review].

 

La décision 2/CP.17 [adoptée à Durban (COP-17) en 2011] a fixé l’échéance pour les pays industrialisés pour soumettre leur premier rapport biennal : 1er janvier 2014. Par cette décision, les Parties ont également adopté des lignes directrices pour l’établissement des rapports biennaux (annexe I) et des modalités et procédures pour l’IAR (annexe II).

 

Au titre de l’annexe II de la décision 2/CP.17, le processus de l’IAR comprend deux étapes :

 

  • un examen technique (technical review) des rapports biennaux, le cas échéant en corrélation avec les inventaires nationaux annuels des émissions de GES et des communications nationales des pays industrialisés. Cet examen technique doit aboutir à la rédaction d’un rapport d’examen propre à chaque pays industrialisé,
  • une évaluation multilatérale (multilateral assessment ou MA) des progrès accomplis par les pays développés en matière de réduction et d’absorption des émissions de GES par rapport à leurs objectifs de réduction. L’évaluation multilatérale est composée de trois étapes: (i) période de trois mois pour les questions/réponses en amont de la MA ; (ii) la MA pendant une session du SBI ; et (iii) la finalisation d’un rapport de synthèse (summary report) pour chaque pays industrialisé ayant fait l’objet de la MA.

 

La décision 23/CP.19 (partie IV) [adoptée à Varsovie en 2013], a amélioré le processus de vérification des rapports biennaux des pays industrialisés avec l’adoption de lignes directrices pour l’examen technique de ces rapports.

 

Le processus de l’IAR a démarré en janvier 2014 avec la remise des premiers rapports biennaux [et des 6èmes communications nationales] des pays industrialisés et leur examen technique par les équipes internationales d’experts.

 

Au total, jusqu’ici, il y a eu quatre cycles d’IAR :

 

1er cycle (en trois parties) :

  • SBI-41 à Lima (lors de la COP-20) en 2014,
  • SBI-42 à Bonn en 2015,
  • SBI-43 à Paris en 2015 (lors de la COP-21).

 

2e cycle (en trois parties) :

  • SBI-45 à Marrakech (lors de la COP-22) en 2016,
  • SBI-46 à Bonn en 2017,
  • SBI-47 à Bonn (lors de la COP-23) en 2017.

 

3e cycle (en trois parties) :

  • SBI-49 à Katowice (lors de la COP-24) en 2018,
  • SBI-50 à Bonn en 2019,
  • SBI-51 à Madrid (lors de la COP-25) en 2019.

 

4e cycle (en trois parties) :

 

Liste de toutes les Parties de l’annexe I qui sont soumises à l’évaluation multilatérale.

 

Retour sur la sixième journée

En bref 

Des négociations ont eu lieu sur la plupart des sujets, dans tous les formats de négociation, et les délégués ont tenté de résoudre les questions en suspens et/ou d’élaborer des textes avant la clôture des sessions des organes subsidiaires SBI et SBSTA dans la perspective de la participation des Ministres à partir de vendredi 8 décembre 2023. Sur le sujet du nouvel objectif collectif chiffré post-2025 en matière de financement climat, les négociation avancent de façon positive selon le centre de réflexion britannique Energy and Climate Intelligence Unit. En revanche, les négociations sur l’objectif mondial en matière d’adaptation semblent avancer lentement, le sujet pertes et préjudices l’ayant quelque peu occulté à Dubaï, d’après Climate Home News. (bulletin COP28 du 6 déc. 2023).

 

Poursuite des négociations

Les cinq organes de la CCNUCC (COP, CMA, CMP, SBSTA et SBI) ont poursuivi les négociations formelles sur la base de leurs programmes de travail respectifs adoptés le 30 novembre 2023 (lire notre article).

 

Consultations informelles 

Des consultations informelles ont été menées sur plusieurs sujets : 

 

Atténuation

 

Transition juste

En savoir plus sur le programme de travail sur la transition juste

Contexte

Lors de la CMA-4 (à Charm el-Cheikh, Egypte, novembre 2022), les Parties avaient décidé de mettre en place un programme de travail sur la transition juste pour examiner les trajectoires visant à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (paragraphe 52 de la décision 1/CMA-4). Le SBI et le SBSTA avaient été chargés par la CMA-4 de soumettre un projet de décision pour examen et adoption lors de la CMA-5. La CMA-4 avait également décidé d’organiser tous les ans, dans le cadre de ce nouveau programme de travail, une table ronde ministérielle de haut niveau sur la transition juste, à compter de la CMA-5.

Le 5 décembre 2023, des consultations informelles co-animées par Selam Abeb (Éthiopie) et Luisa Roelke (Allemagne) se sont de nouveau réunies pour faire le point sur les avancées après les consultations « informelles informelles » où les Parties ont discuté d’un projet rationalisé de décision de la CMA-5 pour tenter de mieux comprendre diverses options et identifier les éléments pouvant faire l’objet d’une meilleure rationalisation. Les Parties ont évoqué les points de vue exprimés concernant le calendrier, les dispositions et modalités institutionnelles, les interconnexions, et les résultats escomptés du programme de travail. Les Parties ont indiqué que les objectifs et la portée n’ont pas encore fait l’objet de discussions, et que des négociations seraient nécessaires pour trouver un terrain d’entente. Elles ont donc demandé plus de temps pour se consulter dans le cadre d’ »informelles informelles ».

 

Article 6 : mécanismes de marché

Pour des éléments de contexte sur l’article 6, voir notre Journal de la COP-28 | Jour 3.

Article 6.2 : les approches coopératives (transferts de réduction entre pays ou ITMO, crédits carbone)

Au cours des consultations informelles co-facilitées par Maria AlJishi (Arabie saoudite) et Peer Stiansen (Norvège), les Parties ont poursuivi leur examen du texte du projet de décision. Elles ont proposé des ajouts sur les sections relatives au formulaire du premier transfert, aux tableaux de présentation des informations annuelles, au format électronique, et aux nomenclatures communes. Le projet de texte contient plusieurs options pour les différents éléments, et les Parties ont continué à faire part de leurs préférences. Les consultations informelles vont se poursuivre.

 

Article 6.4 : mécanisme de développement durable (MDD)

Lors des consultations informelles dans le cadre du SBSTA, co-animées par Kate Hancock (Australie) et Sonam Tashi (Bhoutan), les Parties ont continué à partager leurs points de vue sur le texte du projet de décision de la CMA-5, notamment sur les sections relatives au registre du mécanisme de l’article 6.4 et à l’autorisation des réductions d’émissions au titre de l’article 6.4 (A6.4 emissions reductions ou A6.4ER).

Les co-facilitateurs ont informé les Parties qu’ils chercheraient un créneau horaire pour d’autres réunions informelles afin d’avancer sur le projet de décision.

Lors des consultations informelles dans le cadre de la CMA, co-animées par Sonam Tashi (Bhoutan) et Kate Hancock (Australie), les Parties ont échangé des points de vue sur le rapport annuel de l’organe de supervision de l’article 6.4 (FCCC/PA/CMA/2023/15 et Add.1), ainsi que sur les recommandations de l’organe de supervision quant aux exigences en matière de méthodologies et sur les activités liées aux absorptions.

De nombreuses Parties ont accueilli favorablement le rapport, mais ont souligné qu’il était indispensables de régler les volets toujours en suspens, dont l’outil de développement durable de l’article 6.4 ; une procédure d’appel et de réclamation ; des recommandations méthodologiques sur les niveaux de référence, l’additionnalité et les fuites ; et des recommandations concernant les absorptions.

Les consultations informelles vont se poursuivre.

 

Article 6.8 : approches non fondées sur le marché (NMA)

Dans le groupe de contact (groupe de travail restreint), les co-facilitatrices Jacqui Ruesga (Nouvelle-Zélande) et Kristin Qui (Samoa) ont invité les Parties à faire part de leurs points de vue sur le projet de décision de la CMA-5. Les discussions ont notamment porté sur les références à la tarification du carbone et au bilan mondial (Global Stocktake). Les consultations informelles vont se poursuivre.

 

Adaptation 

Programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh (Glasgow-Charm el-Cheikh Work Programme on the Global Goal on Adaptation) sur deux ans (2022-2023)  (cf. paragraphes 11 et 12 de la décision 1/CMA.3)

Pour des éléments de contexte, voir notre guide sur les enjeux, section adaptation

Lors des consultations informelles, la co-facilitatrice Janine Felson (Belize) a présenté le nouveau projet de texte diffusé quelques heures plus tôt et a indiqué que les co-facilitateurs ont entendu les points de vue des Parties. Ils ont sollicité les commentaires des Parties. Plusieurs groupes et Parties ont exprimé leur inquiétude quant au fait que le nouveau projet de texte ait été distribué si tardivement, ne leur laissant pas le temps de réfléchir, et encore moins de se coordonner. 

Plusieurs Parties ont demandé une nouvelle consultation informelle dans l’après-midi du mercredi 6 décembre.  Plusieurs groupes ont réitéré les éléments clés qu’ils souhaitaient voir figurer dans le texte. 

Les consultations informelles se sont poursuivies dans la soirée.

 

Financement de l’adaptation : annonces par les Etats

 

En savoir plus sur le fonds d'adaptation

Le Fonds d’adaptation a été créé en 2001 pour financer des projets d’adaptation dans les pays vulnérables. Il est financé par 2% des recettes de la vente des crédits d’émission (URCE ou en anglais : certified emission reduction credits, CER) issues de la mise en œuvre de projets MDP (art. 12 du Protocole de Kyoto) et par 2% de la vente des crédits d’émission (AAU) issus du marché carbone international (art. 17 du Protocole de Kyoto). Au titre des décisions 13/CMA.1 et 1/CMP.14 (adoptees à Katowice en 2018), la COP et la CMA ont décidé que le Fonds d’adaptation devait server l’Accord de Paris à partir de 2019 et que le Fonds d’adaptation continuerait à recevoir la part des recettes, si elles sont disponibles, provenant des activités menées au titre des articles 6, 12 et 17 du Protocole de Kyoto.  L’article 6.6 de l’Accord de Paris prévoit que “la CMA veille à ce qu’une part des fonds provenant de projets menés au titre du [MDD (donc art. 6.4)] soit utilisée pour aider les pays vulnérables à financer le coût de l’adaptation. Dans le cadre des règles de mise en oeuvre de l’Accord de Paris, conformément à la décision 3/CMA.3 (adoptée lors de la CMA-2 à Glasgow,  en nov. 2021), au titre de l’article 6.4, une part obligatoire de 5% des recettes issues des échanges sera prélevée pour alimenter le Fonds d’adaptation pour aider les pays en développement à couvrir les coûts d’adaptation.

Les contributions volontaires représentent une part croissante des ressources du fonds d’adaptation. Au 30 juin 2022, les recettes cumulées du Fonds fiduciaire du fonds comprenaient : 211,80 M$ provenant de la monétisation des unités URCE du MDP, de 982,00 M$ provenant des contributions volontaires et de 41,26 M$ provenant des revenus d’investissement générés par le solde du fonds fiduciaire (source : CCNUCC).

 

A Dubaï, jusque-là 12 Etats ou régions ont annoncé des engagements en matière de contributions financières au fonds d’adaptation : 

  • Belgique (région de Bruxelles) : 2,6 M€
  • Canada (Québec) : 10 M CA$ (même montant que celui annoncé lors de la COP-27)
  • Danemark : 100 M DKK (pluriannuel)
  • France : 10 M€ (même montant que celui annoncé lors de la COP-27)
  • Allemagne : 60 M€ (même montant que celui annoncé lors de la COP-27)
  • Islande : 0,6 M$ (contre 0,4 M$)
  • Luxembourg : 1 M€
  • Norvège : 300 M NOK (sur 2021-2024)
  • Espagne : 20 M€ (même montant que celui annoncé lors de la COP-27)
  • Corée du Sud : 0,9 M$ (contre 0,8 M$)
  • Suède : 230 M SEK 
  • Suisse : 15 M CHF.

Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Japon, l’Italie, le Canada (niveau fédéral), l’UE n’ont pas (encore) fait de contributions à Dubaï.

Source : Natural Resources Defense Council (NRDC), ONG américain qui gère un outil de suivi des engagements financiers des Etats lors de la COP-28 (COP28 Climate Funds Pledge Tracker) pour le fonds d’adaptation, le fonds pertes et préjudices, etc.). Il recense également les contributions des années précédentes (COP-26 et COP-27 notamment).

Pour rappel, le Pacte de Glasgow pour le Climat, adopté le 13 novembre 2021 par la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-3) dans la ville écossaise exhorte [« urges« ] les pays développés à au moins doubler, d’ici 2025, leur soutien financier collectif aux pays en développement pour leurs actions d’adaptation (par rapport aux niveaux de 2019), en s’efforçant de parvenir à un équilibre entre l’atténuation et l’adaptation (cf. paragraphe 18 de la décision 1/CMA.3). Cela correspond, en se basant sur le financement consacré à l’adaptation fourni par les pays industrialisés en 2019 (20,3 Md$ – source : OCDE, 16 nov. 2023, p.10) à environ 40,6 Md $ en 2025 (lire notre article). Pour rappel, l’article 9 de l’Accord de Paris demande aux Parties de parvenir à un équilibre entre atténuation et adaptation dans le financement climat. A noter enfin que l’utilisation du verbe anglais « urges » dans ce paragraphe 18 indique qu’il ne s’agit pas d’une obligation. Cet objectif ne revêt donc pas de caractère contraignant.

 

 

Bilan mondial (Global Stocktake ou GST) 

Discussions sur le projet de texte de négociation

Dans le groupe de contact coprésidé par Alison Campbell (Royaume-Uni) et Joseph Teo (Singapour), les Parties ont partagé leurs points de vue sur la nouvelle version du projet d’« outil » diffusé en début de matinée. Il s’agit de la  nouvelle version du projet de texte (version 5/12/2023 @ 5:00, 24 pages) élaboré par les co-Présidents du SBI et du SBSTA, qualifiée de « éléments textuels constitutifs mis à jour » (« updated textual building blocks« ) de la future décision sur le bilan mondial (Global Stocktake). Ceux-ci sont donc destinés à servir d’outil pour aider les Parties à élaborer un projet de décision de la CMA-5 sur ce sujet crucial de la Conférence de Dubaï. Les co-Présidents du SBI et du SBSTA se sont efforcés de prendre en compte les points de vue exprimés par les Parties lors des consultations informelles.

Le projet de texte contient 96 options et, sauf pour le chapitre financement, reprend la structure du rapport de synthèse publié le 4 octobre 2023 par le Secrétariat de la CCNUCC présentant une analyse des contributions soumises par les Parties (Etats) et les acteurs non-étatiques (provinces, Etats fédérés, régions, villes, secteur privé [entreprises, institutions financières, investisseurs,…], ONG, société civile, etc.) en amont de la phase politique du Bilan mondial. Quant au chapitre financement, les co-Présidents du SBI et du SBSTA ont repris la structure de la 2e version du projet de structure indicative avalisé lors des 58èmes sessions SB-58 à Bonn (5-15 juin 2023) (lire notre article).

La structure de la 2e version du projet de décision est la suivante : 

Préambule  ;

Contexte et aspects transversaux  ;

[le chapitre clé] Progrès collectifs vers la réalisation des objectifs à long terme de l’Accord de Paris, compte tenu de l’équité et des meilleures connaissances scientifiques disponibles, et en vue d’informer les Parties pour qu’elles mettent à jour et renforcent leurs actions et soutien, déterminés au niveau national.

Ce volet comporte cinq sous-volets :

Atténuation,

Adaptation,

[alt 1.C.3 – Flux financiers et moyens de mise en œuvre et soutien,

alt 2.C.3 – Moyens de mise en œuvre et soutien, y compris les flux financiers,

alt.3.C.3 – Moyens de mise en œuvre et soutien,

alt 4.C.3 – rendre les flux financiers compatibles avec une trajectoire d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques,

C.3 bis – moyens de mise en œuvre et soutien],

{Développement et transfert de technologies}

Renforcement des capacités

Pertes et préjudices,

Mesures de riposte,

Coopération internationale en faveur de l’action climat,

Recommandations et prochaines étapes.

 

C’est incontestablement le paragraphe 35 qui est le coeur de ce projet de texte, qui est le plus controversé et qui suscite le plus grand nombre de commentaires et de divergences d’opinion. Outre des objectifs en matière d’énergies renouvelables (triplement de la capacité mondiale de leur production d’ici 2030 par rapport au niveau de 2022 pour atteindre 11 000 TWh en 2030) et d’efficacité énergétique (doublement du taux moyen annuel d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030 par rapport au niveau de 2022 pour atteindre 4,1% en 2030) [cf. paragraphe 35(a)], il y a trois paragraphes qui visent explicitement les combustibles fossiles :

Paragraphe 35(c) [la CMA-5 appelle les Parties à]

  • option 1 : une élimination progressive « ordonnée » et juste des combustibles fossiles [an orderly and just phase out of fossil fuels]. Cette option reflète la position de la coalition à haute ambition (High Ambition Coalition ou HAC) qui, lors de la réunion préparatoire de la COP-28 à Abu Dhabi le 31 octobre 2023 (pré-COP – lire notre brève) a publié une déclaration ministérielle sur le bilan mondial (GST) qui préconise notamment « l’élimination progressive de la production et de la consommation des combustibles fossiles ». Le terme « orderly » est repris de rapport de référence de l’AIE World Energy Outlook 2023 qui préconise « an orderly decline in use of fossil fuels… » (lire notre article) ;
  • option 2 : accélérer les efforts vers l’élimination progressive des combustibles fossiles non couplés à des dispositifs de captage/stockage du CO2 ou CSC [accelerating efforts towards phasing out unabated fossil fuels] et à réduire rapidement leur consommation afin d’atteindre zéro émission nette de CO2 dans les systèmes énergétiques d’ici ou autour de 2050 ;
  • option 3 : aucun texte.

Paragraphe 35(d) [la CMA-5 appelle les Parties à]

  • option 1 : une élimination progressive rapide, au cours de cette décennie, de la production d’électricité à base de charbon non couplée à des dispositifs de CSC et mettre fin immédiatement aux autorisations de construction de nouvelles installations de production d’électricité à base de charbon non couplée à des dispositifs de CSC [A rapid phase out of unabated coal power this decade and an immediate cessation of the permitting of new unabated coal power generation], en reconnaissant que le Giec propose une trajectoire de réduction de la consommation de charbon non couplée à des dispositifs de CSC de 75% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019 ;
  • option 2 : aucun texte.

Paragraphe 35(e) [la CMA-5 appelle les Parties à]

  • option 1 : l‘élimination des subventions inefficaces aux combustibles fossiles à moyen terme [sans échéance précise donc] ;
  • option 2 : aucun texte.

 

G20 : vers l’élimination des subventions aux combustibles fossiles – déclaration de Pittsburgh… en 2009

C’est le G20 qui avait fixé cet objectif (purement indicatif) pour la 1ère fois en 2009 “à moyen terme” lors du sommet de Pittsburgh (Etats-Unis) les 24-25 septembre 2009 (voir déclaration § 24). Cet objectif a ensuite été repris quatre fois par le G7 : d’abord en 2014, 2015 (voir déclaration p.13) et 2016 (voir déclaration p.28), année où c’était la 1ère fois que les dirigeants du G7 ont assorti cet objectif d’une échéance précise, à savoir 2025. Ensuite, il a été repris en 2021 (voir déclaration p.15), le hiatus entre 2017 et 2020 étant dû au refus de l’administration américaine de Donald Trump de cautionner cet objectif lors des réunions du G7 pendant son mandat. Tout comme les Ministres de l’Environnement du G7, réunis les 26-27 mai 2022 à Berlin (lire notre article), les dirigeants du G7, réunis au château d’Elmau, en Bavière du 26 au 28 juin 2022 (voir déclaration, p.3), ont une nouvelle fois réaffirmé leur engagement à éliminer les subventions inefficaces aux combustibles fossiles d’ici 2025. 

Les Parties ont poursuivi leurs discussions sur le « paquet énergie » du paragraphe 35 du projet de texte jusqu’à tard dans la soirée du 5 décembre. La Chine, l’Inde et le groupe arabe ont carrément proposé de supprimer l’intégralité de ce paragraphe (source: IISD, 5 déc. 2023).  

Les Parties ont convenu de tenir d’autres consultations informelles pour suggérer des ajouts au texte, puis de se réunir en consultations « informelles informelles » pour discuter des recommandations sur les prochaines étapes.

 

 

Financement climat

Financement à long terme

Lors des consultations informelles, le co-facilitateur Gard Lindseth (Norvège) a invité les Parties à s’exprimer sur le projet de texte révisé. Plusieurs groupes de pays en développement ont observé que certaines de leurs principales inquiétudes n’étaient pas prises en compte, et se sont particulièrement opposés au libellé affirmant que l’objectif de 100 Md$ était vraisemblablement tenue (voir ci-dessous). D’autres Parties ont mis l’accent sur la nécessité de combler l’écart des années précédentes (2021 [16,7 Md$] et 2022 [10,4 Md$] – lire notre article).

Annonce du Secrétaire général de l’OCDE : l’objectif atteint en 2022 ?

Dans l’avant-propos du 6e bilan de l’OCDE sur le financement climat (2013-2021) publié le 16 novembre 2023, Mathias Cormann, Secrétaire général de l’OCDE a déclaré : « Le total de 89,6 Md$ pour 2021 est légèrement au-dessus de la limite supérieure [des] scénarios [prospectifs pour 2021-25 élaborés par l’OCDE en 2021 et publiés le 25 octobre 2021 dans une note techniquepour cette même année (estimée à 88 Md$). Sur la base de données préliminaires et non encore vérifiées, l’objectif [des 100 Md$] est susceptible d’avoir déjà été atteint en 2022 ».

Cette affirmation précoce se base donc uniquement sur des chiffres provisoires, incomplets et non vérifiés.

Selon une analyse réalisée par Joe Thwaites, expert en financement climat international au sein de l’ONG américaine Natural Resources Defense Council (Association de défense des ressources naturelles), si la hausse de 7,6% entre 2020 et 2021 devait se poursuivre entre 2021 et 2022, le montant total fourni serait 96,4 Md$ et non 100 Md$.

 

De nombreux pays développés ont également réitéré leur opposition à divers paragraphes, notamment ceux relatifs au partage du fardeau. Ils ont également demandé la suppression de la référence au nouveau fonds pour les pertes et préjudices, certains indiquant que cette question sera abordée dans le cadre du bilan mondial. 

Les Parties ont également débattu de la formulation du texte sur le lien entre soutien et niveau d’ambition, un groupe considérant que le soutien est une incitation mais pas une condition préalable à l’ambition. Les co-facilitateurs vont amender le projet de texte.

 

Nouvel objectif collectif chiffré post-2025 sur le financement climat (New collective quantified goal [NCQG] on climate finance)

Pour des éléments de contexte sur le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 sur le financement climat, voir plus haut.

Voir la page du site de la CCNUCC consacrée au nouvel objectif collectif chiffré post-2025 sur le financement.

Lors des consultations informelles, la co-facilitatrice Gabriela Blatter (Suisse) a demandé aux Parties de s’exprimer sur le projet de texte révisé. Les pays ont convenu qu’il s’agissait d’une bonne base de discussion et ont donné mandat aux co-facilitateurs pour mieux rationaliser ce texte.

Plusieurs groupes ont souhaité préciser le processus pour 2024 plutôt que le fond, tandis que quelques pays industrialisés et en développement ont appelé à approfondir les éléments de fond. 

Plusieurs Parties ont souhaité que la co-présidence du programme de travail ad hoc pour 2023 reste en place pour 2024, mais un groupe a souligné l’importance de la rotation régionale. 

Les co-facilitateurs vont amender le texte sur la base des clarifications fournies par les Parties au sujet de leurs options. Les discussions sur les sections du projet de texte liées au processus vont se poursuivre.

 

 

Vient de paraître

Données 2023 du Global Carbon Project

En savoir plus sur le Global Carbon Project

Le Global Carbon Project (GCP) s’inscrit dans le cadre du programme mondial de recherche sur le climat (WCRP), est un consortium international de 58 instituts de recherche scientifique créé en 2001 afin d’aider la communauté scientifique à établir une base de connaissance commune pour servir d’appui aux politiques de réduction d’émissions de GES. Le projet s’est fixé pour objectif d’élaborer une vision complète du cycle global du carbone (flux naturels et anthropiques). Les travaux du GCP sont revus par les pairs à l’instar de ceux du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Parmi les principaux partenaires du GCP figurent les climatologues français Philippe Ciais et Philippe Bousquet du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE).

Le 5 décembre 2023, le Global Carbon Project (GCP – voir ci-dessus) a publié la mise à jour 2023 de son analyse annuelle des tendances d’émissions mondiales de CO2 (émissions historiques, projections d’émissions et de concentrations pour 2020). Il s’agit de la 18e édition d’une mise à jour annuelle du budget carbone mondial qui a débuté en 2006. Le Citepa reviendra sur cette publication dans un prochain article.-

Voir communiquéinfographie | messages clésarticle scientifique (Global Carbon Budget 2023) publié le 5 déc. 2023 dans Earth System Science Data

 

Captage et stockage du CO2

Le 4 décembre 2023, l’Université d’Oxford (Oxford Smith School of Enterprise and the Environment) a publié un rapport présentant une évaluation des coûts de trajectoires au recours intensif et au faible recours au captage et stockage du CO2 (CSC) compatibles avec l’objectif de +1,5°C. Selon les auteurs de ce document de travail (Working Paper), une trajectoire au recours intensif au CSC vers un niveau de zéro émission nette en 2050 devrait coûter au moins 30 000 Md$ de plus qu’une trajectoire au faible recours au CSC (basée essentiellement sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’électrification), environ 1 000 Md/an. Les coûts de la mise en oeuvre des dispositifs de CSC n’ont pas du tout baissé en 40 ans, à la différence de ceux des technologies liées aux énergies renouvelables (solaire, éolien et batteries pour véhicules électriques). 

Université d’Oxford / Oxford Smith School of Enterprise and the Environment : Assessing the relative costs of high-CCS and low-CCS pathways to 1.5 degrees, Working Paper n°23-08, 4 décembre 2023. Voir communiqué et rapport.

Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), aujourd’hui, seulement une quarantaine d’installations CSC sont opérationnelles au stade commercial, dont la plupart sont situées en Amérique du Nord. Leur capacité annuelle totale de captage est de 45 MtCO2/an, soit 4% de la capacité de captage annuelle de 1,2 GtCO2 nécessaire d’ici 2050 (cf. scénario zéro émission nette de l’AIE, mis à jour le 26 sept. 2023).

Selon le Production Gap Report, publié par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), le 8 novembre 2023 (lire notre article), il existe de grandes incertitudes quant à la faisabilité technique, économique et institutionnelle de la mise en place de nouvelles technologies CSC à l’échelle mondiale. Environ 80 % des projets pilotes de CSC menés au cours des 30 dernières années ont échoué. La capacité annuelle des projets opérationnels de CO2 s’élève actuellement à moins de 0,01 Gt CO2/an. Compte tenu des risques et des incertitudes liés au CSC, les Etats devraient viser une élimination quasi-totale de la production et de la consommation du charbon d’ici à 2040 et une réduction combinée de 75% de la production et de la consommation de pétrole et de gaz d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 2020, au minimum (source : PNUE, Production Gap Report, 8 nov. 2023 p.8).

Voir aussi Climate Home News : « Don’t be fooled: CCS is no solution to oil and gas emissions » , article écrit par Laurence Tubiana (co-architecte de l’Accord de Paris et directrice générale de la Fondation européenne pour le climat, ECF) et Emmanuel Guérin (chargé de recherche à l’ECF). 

 

Nombre record des représentants du secteur des combustibles fossiles à la COP-28 

Le 4 décembre 2023, l’ONG Global Witness a publié son analyse du nombre de représentants du secteur de la production des combustibles fossiles qui participent à la COP-28 et ce, sur la base de la liste officielle provisoire des participants établie par le Secrétariat de la CCNUCC (document PDF présentant le total et fichier excel présentant le détail). Selon l’estimation qui a nécessité quatre jours de vérification approfondie et minutieuse par toute une équipe de chargés d’études, de décodeurs et d’analystes de données,  cette année (2023), l’autorisation à participer à la Conférence a été accordée à au moins 2 456 représentants du secteur des combustibles fossiles (lobbyistes ou non), soit presque quatre fois plus que l’année dernière lors de la COP-27 où ils étaient au nombre de 636, selon l’analyse de Global Witness publié le 10 novembre 2022. Ce total pour la COP-28 est le plus grand nombre de représentants du secteur qui produit les combustibles fossiles (à l’origine du réchauffement climatique) jamais enregistrés à une COP. 

Si ces 2 456 représentants devaient constituer une délégation, elle serait la troisième plus grande après celle du pays hôte de la COP-28, les Emirats arabes unis (qui arrive en première place avec 4 409 délégués inscrits) et celle du Brésil, hôte pressentie pour la COP-30 en 2025 (en 2e place avec 3 081). Lire notre Journal de la COP-28 | Jour 4. Par ailleurs, selon l’analyse 2023 de Global Witness, il y a plus de représentants du secteur de la production des combustibles fossiles à Dubaï que tous les délégués réunis des 10 pays africains les plus vulnérables (au total 1 509).

 

 

En savoir plus

CCNUCC

Site général de la CCNUCC

Page du site de la CCNUCC consacrée à la COP-28  

Programme global de la Conférence (overview schedule) (état au 23 nov. 2023)

Programme détaillé pour la sixième journée (5 déc.)

Programme jour par jour en détail (le programme de la journée indiquée est mis en ligne la veille au soir)

Programme des évènements et ateliers parallèles (side events)

Communiqué de la CCNUCC pour l’ouverture en français et en anglais

Bulletin quotidien de l’Institut International du Développement Durable (IISD) qui revient en détail sur les travaux de la 6e journée

 

 

Présidence émiratie

Site officiel de la Présidence émiratie de la COP-28

Programme thématique de la Présidence égyptienne

 

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