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Méthane : l’UE et les Etats-Unis annoncent un nouvel engagement mondial sur le méthane, à six semaines de la COP-26

  • Réf. : 2021_09_a05
  • Publié le: 20 septembre 2021
  • Date de mise à jour: 21 septembre 2021
  • International

A six semaines de l’ouverture de la COP-26, l’UE et les Etats-Unis ont conjointement annoncé le 18 septembre 2021 une nouvelle initiative, le Global Methane Pledge (Engagement mondial sur le méthane [CH4]). Cet engagement sera officiellement lancé lors de la COP-26 (Glasgow, Ecosse, 31 oct.-12 nov. 2021).

Cette future alliance a été annoncée lors d’une réunion du Forum des économies majeures (MEF) sur l’énergie et le climat. Ce Forum réunit 16 grands pays émetteurs (dont la France) et l’UE et, jusqu’au sommet des dirigeants sur le climat des 22-23 avril 2021 (organisé à l’initiative du Président Joe Biden des Etats-Unis), il avait été en veilleuse depuis 2017 suite à la position de l’ancien Président des Etats-Unis sur le climat.

Huit pays (Argentine, Etats-Unis, Ghana, Indonésie, Iraq, Italie, Mexique et Royaume-Uni) et l’UE ont déjà exprimé leur soutien à cette nouvelle initiative. Selon la Maison Blanche, parmi ces pays figurent six des 15 premiers pays émetteurs de CH4. Collectivement ces huit pays et l’UE représentent plus de 20% des émissions mondiales de CH4 (source : communiqué de la Maison Blanche, 18 septembre 2021). La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le Président des Etats-Unis, Joe Biden, ont exhorté les pays membres du MEF à rejoindre l’engagement.

Dans le cadre de cette initiative, les futurs signataires s’engageront sur un objectif collectif de réduction des émissions mondiales de CH4 d’au moins 30% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020. Ils s’engageront également à s’efforcer d’appliquer les meilleures méthodologies de comptabilisation disponibles dans le cadre de leurs inventaires nationaux pour quantifier les émissions de CH4, en mettant l’accent sur les grandes sources d’émission.

Selon la Maison Blanche, la mise en œuvre de l’engagement permettrait de réduire le réchauffement d’au moins 0,2°C d’ici 2050 (source : communiqué du 18 septembre 2021).

 

Prochaines étapes

Sous l’impulsion de l’UE et des Etats-Unis, l’Engagement mondial sur le méthane va être officiellement lancé lors de la COP-26 pour recueillir les signatures des Etats.

 

Agir sur les émissions de CH4 à court terme permettrait de réduire rapidement le réchauffement climatique

Les avancées du sommet Biden

Lors du sommet des dirigeants pour le climat, convoqué à l’initiative du Président Joe Biden des Etats-Unis les 22-23 avril 2021, le CH4 avait fait l’objet de plusieurs déclarations. Ainsi, le Président russe Vladimir Poutine a appelé à une coopération internationale pour réduire les émissions de CH4. Par ailleurs, à l’initiative des Etats-Unis (Department of Energy, équivalent du Ministère de l’Energie), un nouveau forum de coopération a été créé, baptisé le Zero Net Producers Forum, et réunissant les Ministères de l’Energie de cinq pays responsables collectivement de 40% de la production mondiale de pétrole et de gaz (Arabie saoudite, Canada, Etats-Unis, Norvège, Qatar). Le nouveau forum a pour mission d’élaborer des stratégies à long terme pour contribuer à la réalisation de l’objectif mondial de zéro émission nette de GES. A cette fin, leur tâche sera notamment d’identifier et de mettre en œuvre des solutions pour éliminer les émissions de CO2 et de CH4 de la production de pétrole et de gaz sans captage et stockage de CO2.

 

L’évaluation mondiale sur le CH4

Dans leur évaluation mondiale sur le méthane (Global Methane Assessment), publiée le 6 mai 2021, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et la Coalition pour le Climat et l’Air Propre (CCAC) avaient estimé que les émissions anthropiques de CH4 pourraient être réduites de 45% au cours de la décennie 2021-2030. Une telle réduction permettrait de réduire le réchauffement climatique de 0,28°C sur la période 2040-2070 et serait compatible avec l’objectif de +1,5°C de l’Accord de Paris. Elle permettrait également d’éviter par an 255 000 morts prématurés, 775 000 hospitalisations liées aux problèmes d’asthme, 73 milliards d’heures de travail perdues en raison de canicules, ainsi que 26 millions de tonnes de pertes de récoltes. Selon cette évaluation, c’est le secteur des combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) qui présente le plus grand potentiel de réduction ciblée des émissions de CH4 d’ici 2030.

Le nouvel engagement mondial sur le méthane répondrait à une des préconisations du PNUE et de la CCAC, à savoir renforcer la coopération régionale et mondiale. Ainsi, soulignent-ils, une meilleure coordination et une meilleure gouvernance régionale et mondiale de la réduction des émissions de CH4 permettraient de contribuer à atteindre les niveaux de réduction pour 2030 préconisés par l’évaluation. Alors que les réductions des émissions de CH4 sont de plus en plus abordées via des réglementations infranationales et nationales et dans le cadre de programmes volontaires, il existe peu de traités ou accords politiques internationaux fixant des objectifs spécifiques pour le CH4.

 

Le 1er volume du 6e rapport du Giec

Par ailleurs, dans son résumé à l’intention des décideurs du premier volume de son 6e rapport d’évaluation (AR6), publié le 9 août 2021, le Giec souligne que des réductions rapides, fortes et soutenues de CH4 limiteraient le réchauffement résultant de la baisse des émissions d’aérosols et amélioreraient la qualité de l’air. Une hausse des émissions de CH4 et d’autres précurseurs d’ozone troposphérique (NOx, COVNM, CO) conduiraient à un réchauffement planétaire net à la surface de la Terre à court et à long terme. A long terme, ce réchauffement net est plus faible dans les scénarios impliquant des réductions d’émissions de polluants conjuguées à de fortes réductions des émissions de CH4 de manière soutenue (source : Giec, SPM du 1er volume de l’AR6, paragraphes D.1 et D.1.7), 9 août 2021).

 

Le méthane et l’effet de serre

Le méthane est un puissant gaz à effet de serre, un forceur climatique à courte durée de vie (SLCF – lire notre article sur le sujet) (comme le carbone suie, l’ozone troposphérique et certaines espèces d’HFC), ainsi qu’un précurseur d’ozone troposphérique (comme les NOx, les COVNM et le CO). Il est ainsi concerné à la fois par les problématiques de changement climatique et de pollution atmosphérique.

 

Les secteurs émetteurs (source : Global Methane Assessment)

Plus de la moitié des émissions mondiales aujourd’hui de CH4 proviennent des activités humaines, le reste étant d’origine naturelle (zones humides, permafrost…). Parmi la part anthropique, les émissions de CH4 proviennent de trois secteurs :

  • les combustibles fossiles (35% des émissions de CH4 d’origine humaine). Dans ce secteur, l’extraction, le traitement et la distribution du pétrole et du gaz représentent 23% des émissions, et l’extraction du charbon représente 12% ;
  • les déchets (décharges et le traitement des eaux usées) (20% des émissions anthropiques mondiales de CH4;
  • l’agriculture (40%, dont 32% pour les émissions liées à l’élevage (déjections animales et fermentation entérique), et dont 8% pour la riziculture).

 

Forçage radiatif et concentrations atmosphériques

Selon l’édition 2020 du Bulletin annuel sur les GES publié par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), le CH4 est le deuxième contributeur au forçage radiatif total des GES, à hauteur de 16% en 2019, après le CO2 (66%) et avant le N2O (7%). En 2019, les concentrations moyennes mondiales de CH4 dans l’atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevés jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle (1750) : 1 877 parties par milliard (ppb), soit +160% depuis 1750 (722 ppb).

 

Durée de vie dans l’atmosphère

Par rapport aux principaux gaz à effet de serre (CO2, N2O, HFC, PFC, SF6, NF3), le CH4 a une durée de vie dans l’atmosphère courte. Ainsi, dans son 6e rapport d’évaluation (AR6), dont le premier volume a été publié le 9 août 2021 (lire notre brève), le Giec l’estime à 11,8 ans, (voir rapport du groupe de travail I, tableau 7.SM.7 (pp.1842-1853 – NB. pages à l’écran), soit une légère réévaluation de son estimation de 12,4 ans indiquée dans son 5e rapport (2013) (voir chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 pp.732). C’est pour cette raison que le CH4 fait partie de la catégorie des forceurs climatiques à courte durée de vie.

 

Pouvoir de réchauffement global

Quant à la valeur PRG (pouvoir de réchauffement global lire l’encadré dans notre article) du CH4, elle diffère sensiblement selon que le PRG soit considéré sur 20 ans ou sur 100 ans. Sur 100 ans, le 6e rapport d’évaluation l’estime à 27,9 ans (contre 28 ans dans le 5e rapport). Cependant, sur 20 ans, le PRG du CH4 est beaucoup plus important : 81,2 ans dans le 6e rapport (contre 84 ans dans le 5e rapport) (sources : AR6 : rapport du groupe de travail I, tableau 7.SM.7 (pp.1842-1853) ; AR5 : chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 pp.732). Autrement dit, le CH4 a un effet sur le climat beaucoup plus fort à court terme (20 ans) qu’à long terme (100 ans).

Selon le rapport spécial du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur le réchauffement à +1,5°C, publié le 8 octobre 2018, pour respecter l’objectif de +1,5°C, les émissions de CH4 devront baisser de 35% entre 2010 et 2050.

 

 

 

L’éclairage du Citepa

Les émissions de CH4 en France 

En 2019, selon l’inventaire national format CCNUCC élaboré par le Citepa pour le MTE, le CH4 est le 2e plus important GES en France avec 12,8 % des émissions nationales totales de GES en 2019 (hors UTCATF). En 2019, les émissions nationales de CH4 en France entière ont estimées, hors UTCATF, à 2 259 kt ou 56 Mt CO2e, soit une baisse de 19% par rapport à 1990, mais avec des évolutions très disparates selon les secteurs.

 

L’agriculture est, tout au long de la période, la source d’émission dominante de CH4 avec 67% des émissions hors UTCATF en 2019 et enregistre une baisse depuis 1990 de 11%, principalement du fait de l’érosion des cheptels.

 

La baisse de ce polluant sur la période résulte également des évolutions enregistrées dans le secteur de l’énergie. Le secteur de l’énergie (4,2% du total des émissions de CH4 hors UTCATF en 2019) enregistre une baisse de 81% de ses émissions de CH4, du fait de l’arrêt de l’activité minière, de la baisse des consommations de bois de chauffage dans le résidentiel couplée à l’introduction d’équipements plus performants ainsi que de l’amélioration des performances lors de la transmission et la distribution du gaz naturel.

 

Le secteur des déchets, autre contributeur significatif aux émissions de CH4 (environ 29% du total hors UTCATF en 2019), enregistre quant à lui une hausse de 12% de ses émissions en 2019 par rapport à 1990, principalement due à l’augmentation des activités du traitement des eaux et rejets et du traitement biologique des déchets solides. Le principal contributeur du secteur des déchets reste les installations de stockage de déchets non dangereux.

 

(Source : Citepa, Inventaire national au format CCNUCC, avril 2021).

 

En savoir plus

Communiqué de la Maison Blanche sur l’Engagement mondial sur le méthane (en anglais)

Communiqué de l’UE (en français)

Communiqué de la Maison Blanche sur la réunion du Forum des économies majeures (en anglais)

World Resources Institute (2021). How methane emissions contribute to climate change. 17 septembre 2021. Consulter

Lire également nos articles et brèves associés :

« Méthane : une réduction de 45% des émissions mondiales d’ici 2030 permettrait d’éviter une hausse de +0,3°C du réchauffement après 2040 », publié le 18 mai 2021

« Emissions de CH4 : le Partenariat mondial Méthane Pétrole et Gaz avalise un nouveau système de rapportage complémentaire« , publié le 11 janvier 2021

« La Commission publie la stratégie de l’UE pour réduire les émissions de méthane« , publié le 15 oct. 2020

« Hausse des éditions mondiales de méthane : édition 2020 du Global Methane Budget« , publié le 21 juillet 2020

« Méthane : vers une stratégie européenne de réduction des émissions? », publié le 20 mai 2020

« Méthane : tendances mondiales d’émissions et impacts sur les concentrations d’ozone« , publié le 30 oct. 2018

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