CITEPA

Contact
 image

Méthane : la Commission présente une proposition de règlement visant à réduire les émissions dans le secteur de l’énergie

  • Réf. : 2022_01_a06
  • Publié le: 21 janvier 2022
  • Date de mise à jour: 19 janvier 2022
  • UE

Le 15 décembre 2021, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à réduire les émissions de méthane (CH4) issues de la production ou de la consommation d’énergies fossiles dans l’UE.

Contexte politique européen

Le Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal), publié par la Commission le 11 décembre 2019 (lire notre dossier de fond), prévoyait entre autres de cibler la décarbonation du secteur du gaz, notamment par un soutien accru au développement des gaz décarbonés et par la résolution du problème des émissions de CH4 liées à l’énergie.

 

Selon l’étude d’impact de la Commission sur le Plan cible 2030 de l’UE, publiée le 17 septembre 2020 (lire notre article), les émissions de N2O, de CH4 et des gaz fluorés (HFC, PFC, SF6, NF3) pourront être réduites de 35% en 2030 par rapport à 2015. Le secteur de l’énergie présente le plus grand potentiel de réductions supplémentaires à faible coût au-delà des politiques existantes, notamment en évitant les émissions diffuses de CH4 provenant de la production et du transport de pétrole, de gaz et de charbon.

 

Le 14 octobre 2020, la Commission européenne a présenté sa stratégie de l’UE pour réduire les émissions de méthane (lire notre article qui comporte un récapitulatif des étapes conduisant à la présentation de la stratégie). La Commission considère que, même si les politiques climat actuelles devraient permettre de réduire les émissions de méthane dans l’UE de 29% entre 2005 et 2030, la réhausse de l’objectif global 2030, de -40% à -55%) nécessite une réduction non pas de 29% mais de 35 à 37% (conformément aux recommandations du Giec dans son rapport spécial 1,5°C). La stratégie cible les trois grands secteurs émetteurs de CH4 anthropique (représentant 95% des émissions mondiales) : énergie (charbon, pétrole et gaz) ; agriculture ; et déchets. Elle prévoit des mesures législatives et non législatives visant à réduire les émissions dans l’UE mais aussi en dehors, en agissant sur les émissions en amont des chaines d’approvisionnement des entreprises européennes.

Voir aussi le contexte scientifique et le contexte politique international en fin d’article

 

Objectifs de la proposition de règlement

Les principaux objectifs de la proposition sont :

  • d’améliorer l’exactitude des informations sur les principales sources d’émissions de CH4 associées à l’énergie produite et consommée dans l’UE. L’objectif est de garantir la disponibilité de données et une quantification robuste des émissions, et ainsi d’accroître la précision des mesures – y compris le rapportage des données des inventaires de gaz à effet de serre (GES) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) – ainsi que la portée des mesures d’atténuation ciblées ;
  • d’assurer la poursuite de la réduction effective des émissions de CH4 dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement énergétique de l’UE. Cet objectif spécifique concerne les défaillances du marché qui conduisent à une réduction insuffisante des émissions de CH4 par les compagnies ;
  • d’améliorer la disponibilité des informations pour inciter à la réduction des émissions de CH4 liées aux énergies fossiles importées dans l’UE. La majorité de ces émissions ayant lieu en dehors de l’UE, cet objectif spécifique vise à mettre en place des incitations à la réduction des émissions de CH4 dans les pays tiers, en créant la transparence sur le marché.

 

Les émissions de CH4 liées à la production d’énergie fossile en France

En France, d’après l’inventaire national d’émissions de GES réalisé par le Citepa (rapport Secten édition 2021), le secteur de l’industrie de l’énergie représentait, en 2019, 1,06 Mt CO2e (soit 2% des émissions nationales de CH4, ce GES étant surtout émis par l’élevage). Le sous-secteur de l’extraction et distribution de combustibles gazeux représente la majorité des émissions de CH4 ce secteur avec 0,9 Mt CO2e en 2019 (88%). Les sources majeures de ces émissions de CH4 sont les fuites de gaz naturel sur les réseaux de distribution et de transport, principalement lors d’évènements de maintenance, de travaux ou d’incidents mais aussi due à la perméabilité du réseau.

 

La proposition de règlement fixe des obligations d’inspection des installations visées par les autorités compétentes, les conditions pour déposer des plaintes, définit le rôle et les procédures des vérificateurs accrédités indépendants concernant les vérifications des déclarations soumises par les exploitants sur les émissions de CH4 de leurs installations.

La proposition de règlement couvre les installations du secteur pétrolier et gazier, fixe les obligations des exploitants et des Etats membres concernant la mesure des émissions de CH4 et la déclaration des données d’émission de CH4, ainsi que les obligations de réduction des émissions de CH4 dans les installations visées (détection et réparation des fuites, limitation des activités de torchage,…).

Par ailleurs, la proposition fixe les obligations de mesure et de déclaration des émissions de CH4 dans les mines de charbon de surface et souterraines encore en service, ainsi que les règles pour réduire les émissions de ces mines et des mines souterraines fermées et abandonnées.

Enfin, la proposition prévoit la mise en place d’outils pour améliorer la transparence des émissions de CH4 qui sont produites en dehors de l’UE, et notamment :

  • une obligation faite aux importateurs européens de combustibles fossiles de fournir des informations sur les émissions de CH4 induites par les importations réalisées,
  • une liste transparente des compagnies de l’UE, ainsi que des pays et des compagnies en dehors de l’UE qui exportent des combustibles fossiles vers l’UE. Cette liste comporterait des informations sur les obligations internationales de déclaration vis-à-vis des émissions de CH4,
  • un outil de suivi général visant à divulguer l’ampleur, la récurrence et la localisation des émetteurs de CH4 à l’échelle planétaire.

 

Prochaines étapes

La proposition de règlement a été soumise aux deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) pour examen et adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire, prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 289 et 294).

 

En savoir plus

La proposition de règlement (disponible uniquement en anglais pour l’instant)

Page de la DG Energie de la Commission dédiée aux émissions de CH4 liée au secteur de l’énergie

 

Contexte scientifique : le méthane et l’effet de serrc

Le méthane est un puissant gaz à effet de serre, un forceur climatique à courte durée de vie (SLCF – lire notre article sur le sujet) (comme le carbone suie, l’ozone troposphérique et certaines espèces d’HFC), ainsi qu’un précurseur d’ozone troposphérique (comme les NOx, les COVNM et le CO). Il est ainsi concerné à la fois par les problématiques de changement climatique et de pollution atmosphérique.

Selon l’édition 2021 du Bulletin annuel sur les GES publié le 25 octobre 2021 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), le CH4 est le deuxième contributeur au forçage radiatif total des GES, à hauteur de 16% en 2020, après le CO2 (66%) et avant le N2O (7%). En 2020, les concentrations moyennes mondiales de CH4 dans l’atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevés jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle (1750) : 1 889 parties par milliard (ppb), soit +162% depuis 1750 (722 ppb) (lire notre brève).

Par rapport aux principaux gaz à effet de serre (CO2, N2O, HFC, PFC, SF6, NF3), le CH4 a une durée de vie dans l’atmosphère courte. Ainsi, dans son 6e rapport d’évaluation (2021), le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) l’estime à 11,8 ans (voir tableau 7 SM7 p.1842 [page à l’écran]), soit une légère réévaluation à la baisse de son estimation de 12,4 ans indiquée dans son 5e rapport d’évaluation (2013) (voir chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 pp.732). C’est pour cette raison que le CH4 fait partie de la catégorie des forceurs climatiques à courte durée de vie.

Quant à la valeur PRG (pouvoir de réchauffement global lire l’encadré dans notre article) du CH4, elle diffère sensiblement selon que le PRG soit considéré sur 20 ans ou sur 100 ans. Sur 100 ans, le 6e rapport d’évaluation l’estime à 27,9 ans (contre 28 ans dans le 5e rapport). Cependant, sur 20 ans, le PRG du CH4 est beaucoup plus important : 81,2 dans le 6e rapport (contre 84 dans le 5e rapport) (sources : AR6, voir tableau 7 SM7 p.1842 [page à l’écran] ; AR5, voir chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 pp.732). Autrement dit, le CH4 a un effet sur le climat beaucoup plus fort à court terme (20 ans) qu’à long terme (100 ans).

Contexte politique international : de plus en plus d’actions ciblant le méthane

Le méthane fait l’objet d’une attention internationale de plus en plus forte depuis quelques années :

  • selon le rapport spécial du Giec sur le réchauffement à +1,5°C, publié le 8 octobre 2018, pour respecter l’objectif de +1,5°C, les émissions de CH4devront baisser de 35% entre 2010 et 2050 ;
  • le 23 novembre 2020, le Partenariat Méthane Pétrole et Gaz, initiative volontaire internationale lancée en 2014 (voir encadré ci-dessous), a avalisé un nouveau système de suivi et de rapportage des émissions du méthane (CH4) provenant de l’extraction, de la production et du transport de pétrole et de gaz (lire notre article) ;
  • lors du sommet des dirigeants pour le climat, convoqué à l’initiative du Président Joe Biden des Etats-Unis les 22-23 avril 2021, le CH4 avait fait l’objet de plusieurs déclarations. Ainsi, le Président russe Vladimir Poutine a appelé à une coopération internationale pour réduire les émissions de CH4 ;
  • dans leur évaluation mondiale sur le méthane (Global Methane Assessment), publiée le 6 mai 2021, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et la Coalition pour le Climat et l’Air Propre (CCAC) avaient estimé que les émissions anthropiques de CH4pourraient être réduites de 45% au cours de la décennie 2021-2030. Une telle réduction permettrait de réduire le réchauffement climatique de 0,28°C sur la période 2040-2070 et serait compatible avec l’objectif de +1,5°C de l’Accord de Paris (lire notre article) ;
  • dans son résumé à l’intention des décideurs du premier volume de son 6erapport d’évaluation (AR6), publié le 9 août 2021, le Giec souligne que des réductions rapides, fortes et soutenues de CH4 limiteraient le réchauffement résultant de la baisse des émissions d’aérosols et amélioreraient la qualité de l’air (lire notre dossier de fond;
  • l’UE et les Etats-Unis ont conjointement annoncé le 18 septembre 2021 une nouvelle initiative, le Global Methane Pledge (Engagement mondial sur le méthane [CH4]). Cet engagement a été officiellement lancé le 2 novembre 2021, lors de la COP-26 (lire notre article) ;
  • le 7 octobre 2021, l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) a publié un rapport intitulé « Pathways to a 75% Cut in Methane Emissions from Fossil Fuel Operations by 2030 » (Options pour une réduction de 75% des émissions de méthane liées à la production de combustibles fossiles). Ce rapport présente des mesures que des Etats et entreprises peuvent mettre en œuvre afin de réduire fortement les émissions de méthane liées à la production de combustibles fossiles, en cohérence avec la feuille de route « Net Zero 2050 » (lire notre article) de l’AIE qui prévoit que ces émissions doivent baisser de 75% entre 2020 et 2030, pour un tiers via la baisse de consommation des fossiles (charbon en tête) et pour deux tiers via le déploiement de mesures et de technologies de réduction.

 

 

 

 

 

Article | UE | Politique, gouvernance, réglementation | Climat et Gaz à effet de serre | Suivi des émissions et des concentrations | Agriculture et UTCATF | Energie/EE/EnR | Industrie