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Le point sur les NDC-2 (au 5 mai 2020)

  • Réf. : 2020_05_a01
  • Publié le: 5 mai 2020
  • Date de mise à jour: 5 mai 2020
  • International

Les contributions nationales (NDC) sont au cœur du régime de l’Accord de Paris (cf. article 4 – lire notre dossier de fond sur le sujet), qui débutera en 2021. Les premières NDC étant insuffisantes au regard de l’objectif 2°C, la soumission des deuxièmes NDC, censées êtres plus ambitieuses, est un enjeu majeur des prochains mois, avant l’entrée en vigueur de ce nouveau régime. Les Parties à la CCNUCC devaient en principe soumettre leur 2e NDC avant… le 9 février 2020.

 

La date limite pour soumettre les NDC : une échéance informelle et symbolique

Une échéance clé dans le cadre des négociations de la CCNUCC sur le climat vient de passer quasiment inaperçue : au titre du paragraphe 25 de la décision 1/CP.21 (qui a accompagné l’Accord de Paris), le 9 février 2020 était la date limite pour les Parties à cet Accord pour soumettre leur deuxième NDC à la CCNUCC. Conformément à ce paragraphe, les Parties étaient tenues de soumettre leur NDC « au moins neuf à douze mois » avant la session pertinente de la COP (en l’occurrence la COP-26).

« III. 25. [La Conférence des Parties] décide que les Parties communiquent au secrétariat leurs contributions déterminées au niveau national visées à l’article 4 de l’Accord au moins neuf à douze mois avant la session pertinente de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris en vue d’améliorer la clarté, la transparence et la compréhension de ces contributions, dans le cadre notamment d’un rapport de synthèse établi par le secrétariat ».

Puisque la COP-26 devait se tenir du 9 au 20 novembre 2020 à Glasgow (Ecosse), la date limite de remise des deuxièmes NDC était au plus tard le 9 février 2020. Force est de constater néanmoins qu’il s’agit plutôt d’une date informelle et symbolique. Par ailleurs, suite à la crise sanitaire mondiale du Covid-19, la CCNUCC a annoncé le 1er avril 2020 avoir pris la décision, avec le Royaume-Uni (pays hôte de la COP-26), de reporter COP-26 à une date ultérieure, non encore arrêtée (lire notre article sur le sujet). Une fois la nouvelle date de la COP-26 arrêtée, une nouvelle date limite (neuf mois avant) pourra être calculée.

 

Néanmoins, à ce jour, seules huit Parties sur les 188 Parties à l’Accord de Paris (189 si on compte les Etats-Unis qui ont formellement notifié leur retrait au 4 novembre 2020 – lire notre article sur le sujet) ont officiellement soumis leur deuxième NDC :

 

La Norvège est le premier pays développé à avoir soumis son 2e NDC, suivie du Japon. Elle s’engage ainsi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 50 à 55% d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990) et ce, conformément aux objectifs prévus par le pacte vert pour l’Europe (European Green Deal), publié le 29 novembre 2019 (lire notre dossier de fond sur le sujet). Ainsi, la Norvège, même si elle n’est pas un Etat membre de l’UE, s’est alignée sur les objectifs de l’UE, tout comme elle l’a fait pour sa première NDC (réduction d’au moins 40% d’ici 2030, base 1990). En 2017, les émissions de GES de la Norvège étaient de 2,93% supérieures au niveau de 1990 (source : CCNUCC, 2019).

 

Quant au Japon, cinquième pays émetteur de CO2 dans le monde[1] (1 132,4 Mt CO2 en 2017 [source : AIE, 2019, p.78]), il resoumet le même objectif de réduction inscrit dans sa première NDC soumise le 8 novembre 2016, soit il y a près de quatre ans, à savoir : une réduction de 26% d’ici 2030 par rapport à 2013 (c’est-à-dire -25,4% par rapport à 2005 et -18% par rapport à 1990). En 2017, les émissions de GES du Japon étaient de 1,55% supérieures au niveau de 1990 (source : CCNUCC, 2019).

 

Pour sa part, le Chili, quatrième pays émetteur de CO2 de l’Amérique du Sud (86 Mt CO2 en 2017 (source : AIE, 2019, p.81), il s’engage sur un budget d’émissions de GES qui ne dépassera pas 1 100 Mt CO2e entre 2020 et 2030, à atteindre un pic de ses émissions de GES d’ici 2025, et à respecter un plafond annuel de 95 Mt CO2/an d’ici 2030 (ce qui impliquerait donc qu’il prévoit d’augmenter ses émissions d’ici 2025 avant de les baisser après cette date). Ces nouveaux objectifs du Chili sont plus ambitieux que ceux inscrits dans sa première NDC (objectif inconditionnel de -30% de GES par unité de PIB et objectif plus ambitieux de -35 à -45% de GES par unité de PIB, conditionné toutefois à la mise à disposition d’un soutien international [financement surtout mais aussi transfert de technologies et renforcement des capacités]).

 

L’ambition insuffisante des NDC actuelles

Actuellement, les engagements pris par les Parties dans le cadre de leurs NDC, qui constituent le fondement de l’Accord de Paris, sont insuffisants. Le dernier rapport annuel d’ONU Environnement (voir encadré ci-dessous) montrait en effet que, si elles étaient mises en œuvre (ce qui n’est en soi pas certain), ces engagements mèneraient à une hausse des températures mondiales de +3 à +3,2°C.

 

Multiplier par trois le niveau d’ambition des NDC actuelles pour respecter les 2°C

Le 10e et dernier rapport annuel d’ONU Environnement (Emissions Gap Reportlire notre article sur ce sujet), publié le 26 novembre 2019, a évalué l’écart entre le niveau de réduction collective des émissions de GES en 2030 compatible avec les objectifs de 2°C et de 1,5°C et les projections d’émissions mondiales de GES de tous les pays de la planète, basées sur leurs engagements de réduction pour 2025-2030, inscrits dans leurs NDC.

D’après ce 10e rapport, les émissions mondiales de GES devraient atteindre en 2030 entre 54 Gt CO2e et 56 Gt CO2e, même avec la mise en oeuvre des NDC. Or, le niveau à ne pas dépasser à cet horizon pour ramener les émissions sur une trajectoire compatible avec l’objectif de 2°C est estimé à 41 Gt CO2e. L’écart entre l’ambition et la science serait alors de 13 à 15 Gt CO2e. Pour l’objectif de 1,5°C, le niveau à ne pas dépasser en 2030 serait de 25 Gt CO2e ; l’écart serait ainsi de 29 à 31 Gt CO2e.  La mise en œuvre des NDC actuelles entraînerait donc une augmentation des températures à l’horizon 2100 entre 3°C et 3,2°C.

Les engagements pris par les Parties dans le cadre de leurs NDC ne représentent qu’environ un tiers des réductions d’émissions de GES nécessaires à l’horizon 2030 pour respecter l’objectif de 2°C et que près d’un sixième pour respecter l’objectif de 1,5°C. En d’autres termes, il faudrait donc respectivement multiplier par trois le niveau d’ambition des NDC actuelles pour respecter l’objectif de 2°C et au moins par cinq pour respecter l’objectif 1,5°C.

A noter enfin que ces estimations se basent sur l’hypothèse que les pays mettraient en œuvre les engagements de réduction inscrits dans leurs NDC, ce qui est loin d’être acquis à ce stade.

 

Compte tenu de l’insuffisance des NDC actuelles, le renforcement de l’ambition des Etats au travers la soumission de leur 2e NDC est un enjeu crucial. Le renforcement de l’ambition climat des 197 Parties à la CCNUCC est un des principaux enjeux de la COP-26 (initialement prévue du 9 au 20 novembre 2020 mais reportée à une date ultérieure, non encore fixée, en 2021 suite à la crise sanitaire mondiale du Covid-19 (lire notre article sur le sujet). La COP-26 devrait aboutir au renforcement de l’ambition des Parties car c’est à cette COP que les Parties à la CCNUCC sont tenues de présenter des NDC mises à jour et plus ambitieuses dans le cadre du cycle quinquennal (conformément à l’Accord de Paris [article 4] et à la décision de la COP-21 [paragraphes 23 et 24] qui l’accompagnait, la décision 1/CP.21) par rapport aux premières soumises en amont de la COP 21 en 2015. La COP-26 intervient juste avant le début de la mise en œuvre effective du régime de Paris (1er janvier 2021) et donc de ses mécanismes, règles et procédures. La COP-26 est donc la dernière occasion pour engager un rehaussement de l’ambition collective avant cette échéance.

 

Quels pays ont l’intention de réviser à la hausse leur ambition ?

Un rapport conjointement publié le 18 septembre 2019 par la CCNUCC et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) intitulé « The heat is on – taking stock of global climate ambition » (« Ça chauffe – bilan de l’ambition climat mondiale ») fournit une vue d’ensemble des projets de mise à jour des NDC prévus par les différents pays (voir communiqué et rapport de la CCNUCC). Le rapport souligne que :

  • 75 Parties à la CCNUCC représentant 37% des émissions mondiales de GES ont indiqué leur intention de réviser à la hausse l’ambition de leur prochaine NDC, par l’adoption de mesures, soit de réduction des émissions, soit d’adaptation, soit des deux,
  • 37 Parties (16% des émissions mondiales de GES) ont indiqué qu’ils vont mettre à jour leur NDC avec de nouvelles informations mais ils ne vont pas renforcer leur ambition en termes d’atténuation ou d’adaptation,
  • pour 71 Parties (21% des émissions mondiales de GES), il n’est pas clair si ou comment les NDC seront révisées,
  • 14 Parties (26% des émissions mondiales de GES) ont indiqué qu’ils ne prévoient pas de soumettre une NDC révisée en 2020 [NB. le rapport ne précise pas quels sont ces 14 pays].

En clair, selon cette analyse, 122 Parties (représentant 63% des émissions mondiales de GES) ne vont donc pas réviser à la hausse l’ambition de leur NDC d’ici 2020. Le rapport ne précise pas quelles Parties sont dans quelles catégories.

D’autres chiffres viennent s’ajouter à ce bilan. L’outil de suivi des NDC (NDC Tracker), lancé le 6 novembre 2019 par Climate Watch, plateforme en ligne gérée par le centre de réflexion international World Resources Institute (WRI), fait état de 106 Parties (représentant 15% des émissions mondiales de GES) qui ont déclaré leur intention de renforcer l’ambition de leur NDC en 2020 et de 33 Parties (9,2%) qui ont indiqué qu’ils vont mettre à jour leur NDC avec de nouvelles informations en 2020.

 

 Comme l’avait fait le Citepa avant la COP-21, cet article sera mis à jour régulièrement d’ici la COP-26 pour faire le point sur l’état d’avancement des NDC-2 soumises.

 

En savoir plus :

 

 

[1] Si on compte l’UE dans son ensemble, le Japon est le 6e émetteur : le premier étant la Chine, suivie des Etats-Unis, de l’UE, de l’Inde, de la Russie, puis du Japon.

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