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Les attendus du sommet sur l’ambition climat pour renforcer la dynamique politique en amont de la COP-28

  • Réf. : 2023_09_a05
  • Publié le: 19 septembre 2023
  • Date de mise à jour: 27 septembre 2023
  • International

A l’initiative du Secrétaire-général de l’ONU, Antonio Guterres, un sommet de l’ONU sur l’ambition climat se tiendra le 20 septembre 2023 à New York pendant la semaine climat en marge de la 78e Assemblée Générale de l’ONU (AGNU-78 ou en anglais UNGA-78, du 5 au 29 septembre 2023).

Ce sommet, décidé lors de la COP-27 (Charm el-Cheikh, Egypte fin 2022) et formalisé par la décision chapeau de la 4e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-4) (cf. décision 1/CMA.4 § 77), intervient en amont de l’achèvement des travaux sur le bilan mondial (Global Stocktake ou GST, article 14 de l’Accord de Paris), prévu lors de la COP-28 (Dubaï, Emirats arabes unis, 30 nov.-12 déc. 2023). Le nouveau sommet constitue ainsi la première grande occasion internationale pour réfléchir sur les messages clés issus du rapport de synthèse de la phase technique du GST, publié le 8 septembre 2023 (lire notre article).

Ce sommet sur l’ambition climat a été organisé à l’instar des sommets similaires qui ont eu lieu ces dernières années en amont de plusieurs COP charnières et organisées dans le cadre de l’ONU ou en dehors (lire l’encadré ci-dessous).

 

Les sommets sur le climat précédents organisés dans le cadre de l’ONU ou en dehors

  • le sommet des dirigeants sur le climat (22-23 avril 2021) organisé en visio-conférence à l’initiative du Président des Etats-Unis, Joe Biden (lire notre article),
  • le sommet virtuel ambition climat 2020 (12 décembre 2020) organisé à l’initiative d’Antonio Guterres (lire notre article),
  • le sommet action climat (23 septembre 2019) organisé à New York à l’initiative d’Antonio Guterres (lire notre article),
  • le sommet de l’action climat mondiale (14 septembre 2018) organisé à San Francisco à l’initiative du Gouverneur de la Californie, Jerry Brown, et réunissant les acteurs non étatiques (villes, régions, provinces, entreprises, investisseurs, ONG,…) (lire notre article),
  • le sommet extraordinaire des dirigeants mondiaux sur le climat (23 septembre 2014) organisé à New York à l’initiative de l’ancien Secrétaire-Général de l’ONU, Ban Ki-moon (lire notre premier et deuxième article).

 

Objet du sommet

L’objet du sommet de 2023 est surtout de créer une dynamique diplomatique forte et de donner une nouvelle impulsion politique en amont de la COP-28 afin d’accélérer l’action climat par les Etats et les acteurs non-étatiques (villes, régions, provinces, secteur privé et société civile).

 

Déroulement du sommet

Le sommet s’articulera autour de trois piliers (tracks)  :

  • ambition,
  • crédibilité, et
  • mise en œuvre.

 

Les résultats du sommet devront suivre la même configuration.

Le sommet débutera par une plénière d’ouverture de trois heures, à laquelle les décideurs des Gouvernements, des régions, des villes, du secteur privé (entreprises, institutions financières, investisseurs, compagnies d’assurance…) et les représentants de la société civile sont invités à annoncer leurs engagements. Antonio Guterres avait été formel le 19 décembre 2022, en soulignant que les décideurs qui passeront à la tribune seraient sélectionnés sur la base de leur allocution et que pour être retenus, ils doivent porter « une action crédible, sérieuse et nouvelle« .

Selon le Secrétaire-Général de l’ONU, si l’invitation à ce Sommet est ouverte, « le prix d’entrée est non-négociable » : les décideurs qui viennent doivent porter « des actions nouvelles, concrètes, crédibles et sérieuses pour accélérer la cadence de la transition et répondre à l’urgence de la crise climatique ». Antonio Guterres a souligné qu’à ce sommet, il n’y aurait pas de place pour ceux qui revoient à la baisse leur niveau d’ambition (« backsliders »), ni pour ceux qui font du « greenwashing », ni pour ceux qui font porter la responsabilité de la crise climatique à d’autres (« blame-shifters »), ni pour ceux qui recyclent des annonces d’années précédentes (source : communiqué de l’ONU, 19 décembre 2022).

 

En ce qui concerne les trois piliers du sommet, les attendus d’Antonio Guterres sont les suivants :

 

Pilier n°1 : annonces attendues sur l’ambition

Les Chefs d’Etat et de Gouvernement (en particulier ceux des principaux émetteurs) devraient présenter :

  • leurs NDC actualisées (comme convenu lors de la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris, à Glasgow, fin 2021, et conformément au paragraphe 29 de la décision 1/CMA.3 qui y a été adoptée – lire notre dossier de fond, p.13) ;
  • des objectifs zéro émission nette actualisés ;
  • des plans de transition énergétique comportant des engagements :
  • à ne plus construire des installations de production d’électricité à base de charbon,
  • à éliminer progressivement la production d’électricité à base de charbon d’ici 2030 dans les pays OCDE et d’ici 2040 dans les autres pays du monde,
  • à réduire progressivement la production de pétrole et de gaz dans les installations existantes en cohérence avec l’objectif mondial de zéro émission nette d’ici 2050 ( article 2 de l’Accord de Paris),
  • des objectifs plus ambitieux en matière d’énergies renouvelables ;
  • des nouvelles promesses de contributions dans le cadre du 2e période de reconstitution (replenishment period ou GCF-2) du Fonds vert pour le climat (GCF), qui s’étalera sur 2024-2027 – lire notre article) et des contributions pour atteindre l’objectif des 100 milliards de $ en 2020 (qui n’est toujours pas respecté – lire notre article) ;
  • des plans d’adaptation et de résilience.

 

Enfin, il sera demandé à tous les principaux pays émetteurs, et notamment à tous les gouvernements du G20, de s’engager à présenter, d’ici à 2025, des NDC plus ambitieuses, prévoyant des réductions absolues des émissions de GES et couvrant tous les GES.

 

Pilier n° 2 : annonces attendues sur la crédibilité

Les décideurs des autorités infranationales (provinces, régions, villes,…) et du secteur privé (entreprises, institutions financières, investisseurs, compagnies d’assurance,…) devraient présenter des plans de transition compatibles avec la nouvelle norme internationale de crédibilité approuvée par l’ONU et établie dans le rapport « Integrity Matters » (L’intégrité compte), commandé par Antonio Guterres et présenté le 8 décembre 2022 lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh (Egypte). Selon l’ONU, cette norme applicable aux engagements de zéro émission nette pris sur une base volontaire est la seule norme en vigueur qui soit totalement compatible avec l’objectif de +1,5°C. Il exige la fixation d’objectifs de réduction des émissions de GES à l’horizon 2025 et 2030, la prise en compte des émissions de GES du scope 3, l’adoption de plans de transition juste visant à mettre fin à la consommation de combustibles fossiles et à éliminer progressivement leur production, la réalisation de réductions réelles d’émissions sans avoir recours aux mécanismes de compensation, ainsi que l’engagement à préconiser publiquement l’action climat sur la base des connaissances et faits scientifiques.

 

Le Groupe d’experts de haut niveau sur les engagements zéro émission nette des acteurs non-étatiques : genèse de la nouvelle norme internationale de crédibilité

Tout comme les engagements climat des Etats sont soumis aux principes du MRV (Monitoring, Reporting and Verification, notamment via les inventaires d’émission), définis dans le cadre de la CCNUCC le Secrétaire-Général de l’ONU, Antonio Guterres, estime qu’il devrait en être de même pour les engagements du secteur privé Les entreprises, investisseurs, institutions financières, villes et régions doivent mettre en œuvre leurs engagements de zéro émission nette et rendre compte des progrès dans leur mise en œuvre. Se pose alors la question de savoir comment mesurer et évaluer la mise en œuvre des engagements de ces acteurs non-étatiques. Aujourd’hui, on constate un manque de transparence et de crédibilité dans le suivi et l’évaluation des engagements des acteurs non-étatiques.

Pour cela, des normes visant à assurer la crédibilité des engagements du privés existent déjà (comme par exemple le référentiel SBTi) mais en dehors de la CCNUCC.

Le 1er novembre 2021, lors du segment de haut niveau de la COP-26 à Glasgow, Antonio Guterres, avait annoncé dans son discours son intention « de créer, en plus des mécanismes déjà établis par l’Accord de Paris [au titre de l’article 13 sur la transparence] un groupe d’experts dont la mission sera de proposer des normes claires permettant de mesurer et d’analyser les engagements que prennent les acteurs non-étatiques [régions, villes, secteur privé, ONG,…] pour réduire à zéro leurs émissions nettes [de GES] ». Antonio Guterres pointait notamment « le manque de crédibilité et la confusion [qui] règnent, chacun donnant aux mots un sens différent et mesurant les choses différemment ».

Pour garantir la transparence et crédibilité et faire en sorte que ces engagements soient mis en œuvre concrètement dans le contexte de l’Accord de Paris et que les progrès accomplis par les acteurs non-étatiques puissent être mesurés et évalués de façon homogène, il faudrait, pour l’ONU, mettre en place un système mondial de MRV pour le secteur privé sur la base de méthodologies et de normes communes.

C’est justement la mission du Groupe d’experts de haut niveau sur les engagements zéro émission nette des acteurs non-étatiques (HLEG), lancé le 31 mars 2022 par Antonio Guterres. La Présidente du HLEG était l’ancienne Ministre de l’Environnement et du Climat du Canada, Catherine McKenna. Même si, comme l’a rappelé Antonio Guterres, « les Gouvernements détiennent la part du lion en termes de responsabilité d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050, et notamment les pays du G20, […] il faut que rapidement chaque entreprise, investisseur, ville, Etat et région mette en œuvre ses promesses de zéro émission nette…[…]. Nous avons besoin d’engagements ambitieux mais ils doivent être assortis d’actions concrètes et mesurables ». Selon M. Guterres, « des normes en matière de zéro émission nette plus strictes et un dispositif renforcé pour rendre compte de progrès de mise en œuvre vers l’atteinte des engagements pris permettront de réaliser des réductions [de GES] concrètes et immédiates ».

Outre sa Présidente, le HLEG comptait 18 membres provenant à la fois des pays industrialisés et des pays en développement (aucun Français).

La mission du HLEG était de formuler des recommandations pour une meilleure intégrité environnementale dans quatre domaines et de les soumettre à Antonio Guterres en amont de la COP-27 :

  • normes et définitions pour fixer des objectifs de zéro émission nette,
  • des critères pour évaluer les objectifs, le suivi et le rapportage de leur mise en œuvre par les acteurs non-étatiques,
  • des processus transparents pour que la communauté internationale puisse vérifier et évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des objectifs,
  • une feuille de route pour traduire ces normes et critères en réglementation internationale et nationale.

Voir le cahier des charges (terms of reference) du HLEG.

Le HLEG a tenu sa première réunion le 27 avril 2022. Il a mené une consultation publique du 29 juin au 31 août 2022 afin de recueillir des contributions écrites sur la question de savoir comment faire pour que les acteurs non-étatiques rendent des comptes vis-à-vis de leurs engagements zéro émission nette et pour qu’ils mettent en œuvre concrètement des actions climat immédiatement. Le HLEG a tenu sa 2e réunion le 13 septembre 2022.

Après plus de sept mois de travaux, le groupe d’experts de haut niveau sur les engagements zéro émission nette des acteurs non-étatiques a publié, le 8 novembre 2022, son rapport (intitulé « Integrity Matters ») formulant 10 recommandations pour une meilleure intégrité environnementale de la part des acteurs non-étatiques dans la fixation et la mise en œuvre d’objectifs zéro émission nette (lire notre article). Ces recommandations visent à tracer une ligne rouge sur le greenwashing, notamment pour que les crédits carbone sur les marchés volontaires ne soient utilisés que pour l’atténuation au-delà de la chaîne de valeur, et non pour contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction intermédiaires :

  1. L’annonce d’un engagement zéro émission nette
  2. La définition des objectifs zéro émission nette
  3. Le recours aux crédits volontaires
  4. La mise en place d’un plan de transition
  5. L’élimination progressive des combustibles fossiles et l’accélération du recours aux énergies renouvelables
  6. L’alignement du lobbying avec la promotion/la défense d’intérêts
  7. Les citoyens et la nature dans la transition juste
  8. Une transparence et une redevabilité accrues
  9. L’investissement dans les transitions justes
  10. L’accélération de la voie réglementaire.

 

Pilier n° 3 : annonces attendues sur la mise en oeuvre

Les Chefs de Gouvernements, les directeurs d’organisations internationales et régionales et d’institutions financières, les décideurs du secteur privé, ainsi que les représentants de la société civile, devraient présenter leurs partenariats de mise en œuvre en place ou prévus pour accélérer la décarbonation des secteurs très émetteurs (production d’énergie, transport maritime, transport aérien, production d’acier et de ciment) ou pour faire aboutir la justice climatique (réforme du système financier international, des systèmes d’alerte précoce, adaptation, pertes et préjudices,…).

 

Trois sessions thématiques de haut niveau

Après la session plénière de la matinée, l’après-midi sera consacré à trois sessions thématiques d’une heure chacune autour des trois piliers du sommet :

  • la crédibilité des objectifs de zéro émission nette via la mise en œuvre de la norme internationale « Integrity Matters» (voir encadré ci-dessus) : les exemples de ceux qui passent en premier à l’action et le rôle de la réglementation. Voir note de cadrage ;
  • faire aboutir la justice climatique : accélérer l’ambition et la mise en œuvre de l’adaptation, avec des systèmes d’alerte précoce pour tout le monde. Voir note de cadrage;
  • accélérer la décarbonation par la collaboration et la mise en œuvre. Voir note de cadrage.

 

Réunion sur les pertes et préjudices

Par ailleurs, conformément à une demande de la COP-27 et de la CMA-4 (4e réunion des Parties à l’Accord de Paris) (Charm el-Cheikh, fin 2022 – voir encadré ci-après), le Secrétaire-Général de l’ONU a convoqué une réunion sur les pertes et préjudices en marge du sommet sur l’ambition climat. Elle se tiendra dans l’après-midi du 20 septembre 2023. Voir note de cadrage.

 

Contexte

Au titre du paragraphe 11 de la décision 2/CP.27 et du paragraphe 11 de la décision 2/CMA.4, adoptées à Charm el-Cheikh, fin 2022, le Secrétaire-général de l’ONU est prié de réunir les directeurs des institutions financières internationales et d’autres entités pertinentes) afin d’identifier les modalités les plus efficaces pour financer les pertes et préjudices.

 

L’objet de la réunion sur les pertes et préjudices est de stimuler une discussion orientée vers l’identification de solutions et axée sur les quatre enjeux suivants :

  • identifier les possibilités les plus efficaces pour fournir des ressources financières afin de répondre aux besoins liés aux pertes et préjudices,
  • préciser les dépenses financières actuelles de chaque institution financière internationale ou des entités concernées pour faire face aux pertes et préjudices, ainsi que les actions potentielles qu’elles peuvent mettre en œuvre pour combler les lacunes,
  • identifier l’action nécessaire de la part des actionnaires et des contributeurs financiers et identifier comment améliorer l’architecture financière pour accélérer et accroître le financement des pertes et préjudices,
  • identifier des propositions de sources de financement.

 

Plénière de clôture

Le sommet se terminera par une plénière de clôture au cours de laquelle les résultats et les messages clés seront mis en exergue.

 

Prochaines étapes

La publication d’une synthèse des principaux résultats du sommet est prévue.

A noter que, toujours en marge de l’AGNU-78, le 22 septembre 2023, la Présidence émirati de la COP-28 organise des consultations ministérielles informelles, avec le comité de haut niveau du bilan mondial (Global Stocktake ou GST), composé des Présidences britannique, égyptienne et émiratie de la CMA (respectivement de la CMA-3, de la CMA-4 et de la CMA-5), ainsi que des Présidents des deux organes subsidiaires de la CCNUCC (SBI [mise en œuvre] et SBSTA [Conseil scientifique et technologique]).

 

En savoir plus

Page du site de l’ONU consacrée au sommet (avec liens pour suivre en direct à distance)

Programme du sommet

Liste des Etats et acteurs non-étatiques sélectionnés par Antonio Guterres pour passer à la tribune lors de la session de la matinée

Note d’information sur le sommet

Les trois piliers du sommet

Synthèse des résultats du sommet

« Sommet sur l’ambition climatique 2023 : mettre la barre haut pour une COP 28 réussie ». Billet de blog, Iddri, 14 septembre 2023

 

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